Lundi dernier, les spectateurs étaient nombreux à affluer dès 19 h 30 au TNA pour assister à la représentation de la nouvelle production du Théâtre régional d’Oran (TRO), Essadma (Le choc) marquant l’ouverture de la compétition officielle entrant dans le cadre du Festival national du théâtre professionnel (FNTP) 2009 «Edition El Qods».Côté organisation, une certaine confusion régnait chez les festivaliers en quête du programme des différentes représentations qui n’ont toujours pas été distribuées au deuxième jour de la manifestation. Essadma, adaptée du roman l’Attentat de Yasmina Khadra par Mourad Snouci et mise en scène par Ahmed Khoudi, s’ouvre sur l’enquête des services secrets israéliens et l’interrogatoire que subit Amine Djaafari, un médecin palestinien naturalisé israélien.
A travers une succession de tableaux, les spectateurs découvrent qu’Amine vivait heureux depuis une quinzaine d’années avec sa femme Sihem, à Tel-Aviv. Jusqu’au jour où sa vie bascule et perd tout son sens à cause de l’attentat kamikaze perpétré par sa femme, emportant avec elle plusieurs victimes, dont des enfants. Amine découvre alors sa femme et tente de comprendre comment elle est devenue ce «monstre» qui a commis ces horreurs. Après avoir lu une lettre que Sihem, peu avant de se sacrifier, lui avait envoyé, il décide de mener sa propre enquête pour en savoir davantage sur les raisons et les instigateurs qui ont poussé sa femme à commettre un tel acte. Dès le premier quart d’heure, après le lever de rideau, le public a vite déchanté. Et au fur et à mesure que les tableaux se succédaient, de plus en plus de personnes quittaient la salle, choquées par un spectacle d’une aussi mauvaise qualité.
Si Yasmina Khadra avait refusé qu’on censure certains passages de l’adaptation théâtrale afin de choquer les spectateurs, le pari est réussi. Essadma est un véritable choc, pas pour les esprits, mais plutôt pour les fondements du sens esthétique du 4ème art. Au-delà de la trame abordée qui jette un voile d’ambiguïté sur la légitimité du sacrifice des résistants palestiniens pour leur liberté et la reconquête de leurs terres spoliées par les sionistes, Essadma choque par le mépris total des bases élémentaires d’un esthétisme qui se revendique comme «éveilleur de conscience». Ahmed Khoudi, professeur d’art dramatique, qui avait brillé lors des précédentes éditions du FNTP avec la mise en scène de pièces telles que Bernardha Alba et Nora, a, dans cette nouvelle production, donné le pire de lui-même : mise en scène décousue, direction d’acteurs flegmatique, scénographie inexistante, mauvaise occupation de l’espace scénique, utilisation des lumières et du son obsolètes et, cerise sur le gâteau, un rythme de jeu saccadé qui tirait en longueur. Notons aussi le non-sens de scènes caricaturales, à l’instar de celle qui se déroule entre Amine et le chauffeur de taxi, qui a, certes, fait rire jaune une partie du public, mais en contrepartie, a cassé l’essence tragique du drame, déjà fortement malmené, censé être incarné sur scène. Mais peut-être face à certaines situations aussi dramatiquement médiocres, vaut-il mieux rire que pleurer.
Par ailleurs, sur scène, il y avait un déséquilibre flagrant entre l’interprétation des comédiens, si une ou deux figure emblématiques du TRO ont su captiver le public durant de courts instants, Mohamed Frimahdi qui interprète le rôle principal d’Amine, n’a pas su incarner tous les registres émotifs de la personnalité tourmentée du personnage. Avec un débit monotone, Mohamed Frimahdi ne fait que réciter le texte, sans explorer le sous-texte, ce qui aurait pu convaincre le public et peut-être même attirer sa sympathie. Au lieu de cela, malgré certains éclats de voix, son jeu théâtral est linéaire, sans aucune maîtrise de l’expression corporelle. Pourtant, Ahmed Khoudi avait déclaré précédemment à la presse qu’il avait effectué un casting sévère pour choisir les meilleurs éléments pour porter la pièce. La question qui se pose est celle des critères de ce casting. Sachant que, même si le metteur en scène a ouvert les portes pour les comédiens des troupes amateurs, il n’a pas opté pour les meilleurs éléments de ce vivier de talentueux comédiens.
En outre, avant de se produire sur les planches de la compétition du FNTP, la pièce a eu le temps de se roder après deux mois de répétitions et cinq représentations. Les responsables du TRO portaient-ils des œillères au point de ne pas remarquer les multiples défaillances de la pièce qui allait les représenter dans une compétition placée sous la sacralité d’El Qods et du combat du peuple
palestinien ?