Espagne : la sœur et le beau-frère du roi au tribunal pour corruption

Espagne : la sœur et le beau-frère du roi au tribunal pour corruption
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Ils comparaissent devant la justice dans une affaire de détournement de fonds publics estimé à 6 millions d’euros. Le scandale est retentissant en Espagne. Ils avaient l’habitude de fréquenter les palais royaux, les voici au palais de justice : une sœur du roi, Cristina de Bourbon, et son mari, comparaissent lundi devant la justice dans une affaire de détournement de fonds publics, un des plus retentissants scandales de corruption des années de crise. C’est une première en Espagne.

Cristina d’Espagne et son mari, l’ancien médaillé olympique Iñaki Urdangarin, sont arrivés au tribunal l’air grave, près d’une demi-heure avant l’ouverture du procès à Palma de Majorque, dans l’archipel des Baléares. Dans une salle dominée par le portrait de son frère cadet, Felipe VI, chef de l’État depuis l’abdication du roi Juan Carlos en 2014, la princesse de 50 ans, vêtue d’un strict costume noir agrémenté d’un foulard rouge et blanc, est sans nul doute la vedette malgré elle du « procès de l’année », aux côtés de son mari et de 16 autres prévenus. Auparavant, l’infante a dû passer devant des dizaines de journalistes massés à l’entrée du tribunal de Palma de Majorque.

Seconde fille de Juan Carlos et Sofia, Cristina de Bourbon est accusée d’avoir dissimulé au fisc des revenus issus des détournements de 6 millions d’euros de fonds publics reprochés à son mari, Iñaki Urdangarin, et à un ex-associé de celui-ci. L’infante a toujours soutenu qu’elle ne savait rien de ces affaires et faisait une confiance aveugle à son époux depuis dix-huit ans, dont elle refuse de divorcer malgré les pressions de la maison royale qui tente de limiter les effets toxiques de l’affaire pour la monarchie. Arrivée il y a quelques jours de Genève, où elle vit presque en exil depuis 2013, Cristina est « disposée à assumer sa comparution en toute sérénité », a affirmé à la presse son avocat, Miquel Roca. Et, a-t-il ajouté, « on ne peut pas se plaindre qu’un couple s’entende et s’aime », suivant la stratégie de la défense qui les présente comme des époux aimants qui font face ensemble.

19,5 années de prison pour le beau-frère du roi ?

LG Algérie

Iñaki Urdangarin, ancien médaillé olympique de handball de 47 ans, et son ex-associé Diego Torres sont accusés d’avoir surévalué les contrats signés entre 2004 et 2006 par l’institut Noos, une fondation à but non lucratif dédiée à l’organisation d’événements sportifs au coeur du scandale et qu’ils dirigeaient, avec les gouvernements régionaux des Baléares et de Valence. Selon l’accusation, les bénéfices étaient répartis entre plusieurs sociétés-écrans, dont Aizoon, propriété de Cristina et d’Iñaki, qui aurait financé des dépenses personnelles du couple, voyages, travaux ou cours de danse.

Iñaki Urdangarin est jugé pour détournement de fonds, fraude fiscale, trafic d’influence, escroquerie et blanchiment d’argent. Le procureur a requis à son encontre 19,5 années d’emprisonnement et 16,5 contre Diego Torres. Ancien professeur de gestion des entreprises, Diego Torres a toujours affirmé que le roi Juan Carlos était au courant des affaires de la fondation Noos. Dimanche soir, il l’a encore fait, juste avant l’ouverture du procès, lors d’un entretien à la télévision privée la Sexta. Diego Torres a rappelé avoir fourni au juge d’instruction des centaines de courriels attribués à Urdangarin qui le confirmeraient et a même demandé, en vain, la comparution comme témoin de Felipe VI.

Une justice à la carte

La maison royale révisait « ce que nous faisions, ils disaient ça me semble très bien, allez-y, ils nous guidaient, nous avons toujours agi de bonne foi », a répété Diego Torres dimanche. Le juge d’instruction avait tenté de démontrer que l’infante était partie prenante dans les affaires de son mari. Mais le procureur s’est opposé aux poursuites en ce sens et elle n’est finalement jugée que pour fraude fiscale.

Dans ce procès, seule une association d’extrême droite, Manos Limpias (Mains propres), représente l’accusation publique – le droit espagnol permettant à une organisation non impliquée ni victime dans une affaire de saisir la justice.

La défense compte jouer là-dessus pour faire en sorte que la princesse échappe finalement au procès, en application de la « jurisprudence Botin ». En 2007, la Cour suprême avait validé un non-lieu en faveur du puissant banquier Emilio Botin, estimant qu’il ne pouvait être jugé, car ni le parquet ni les parties lésées n’avaient déclenché de poursuites.

« Ce serait un autre scandale monumental », proteste par avance le responsable de Manos Limpias, Miguel Bernad Remón, « une justice à la carte, pour que ne s’assoient pas au banc des accusés d’abord le plus grand banquier d’Espagne puis un membre de la famille du roi ».