Le tribunal de Bir Mourad Raïs ouvre, ce mercredi, l’une des affaires d’escroquerie les plus lourdes, ayant fait près de 40 victimes, toutes employées d’une société privée de télécommunications. Ces dernières ont été dupées par l’homme d’affaires en fuite « A.A », gérant de la promotion immobilière « El-Jumeira Building », qui avait lancé deux projets fictifs dans la capitale : une résidence haut standard baptisée « Jumeira Building » située à Koléa, dans la wilaya de Tipaza.
Les victimes se sont retrouvées contraintes de recourir à la justice pour récupérer leur argent, après avoir découvert qu’elles avaient été ciblées par une escroquerie parfaitement orchestrée. Le mis en cause, en fuite, avait encaissé l’ensemble des versements effectués par les souscripteurs sur le compte de Gulf Bank Algeria, pour un montant dépassant 173 milliards de centimes, dans le cadre d’un crédit conclu pour faciliter l’achat de logements en vertu d’une convention signée le 23 juillet 2015.
Il ressort du dossier qu’un choc psychologique profond a frappé des dizaines de souscripteurs après leur déplacement sur le site du projet, où ils ont constaté que certains immeubles n’avaient jamais été construits, tandis que d’autres l’étaient de façon anarchique et non achevée. Après plusieurs tentatives infructueuses pour joindre le gérant de la société, ils ont appris qu’il avait quitté le pays et faisait déjà l’objet de poursuites judiciaires pour des affaires de corruption devant le tribunal de Sidi M’hamed.
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Enquête Judiciaire et Répercussions Financières
Les faits remontent au 30 octobre 2023, lorsqu’un groupe de 60 employés d’une société de télécommunications s’est présenté devant le doyen des juges d’instruction de la 4e chambre, en tant que victimes d’une opération d’escroquerie. Une plainte avec constitution de partie civile a été déposée contre la société à responsabilité limitée « El-Jumeira Building », représentée par son gérant « A.A », ainsi que contre Gulf Bank Algeria, représentée par son directeur juridique.
Les plaignants expliquent que les deux entités opéraient dans la promotion immobilière et que le gérant avait lancé un projet de 375 logements dans la résidence « Jumeira Building » à Fouka, dans la wilaya de Tipasa. Une convention avec Gulf Bank avait été conclue afin de faciliter l’acquisition des logements pour les employés, qui avaient soumis leurs dossiers de crédit et signé les contrats correspondants le 23 juillet 2015.
Les victimes ont affirmé avoir remboursé une partie des crédits et continuer à payer les mensualités, prélevées directement sur leurs comptes bancaires dans plusieurs agences, notamment Dely Brahim et Baba Hassen. C’est au fil du temps qu’elles ont découvert que la société avait perçu l’intégralité des montants sans réaliser les constructions promises.
Les constats sur le terrain étaient accablants : immeubles inexistants, chantiers à l’abandon, constructions anarchiques inachevées. Les tentatives pour contacter le gérant sont restées vaines, les deux mis en cause étant sous le coup de poursuites pénales dans d’autres affaires. C’est alors qu’elles ont compris qu’elles avaient été victimes d’une escroquerie portant sur 173 milliards de centimes, sans qu’aucun logement ne leur soit remis.
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Complicités et responsabilités : Gulf Bank interpellée
La plainte accuse également Gulf Bank de complicité, en lui reprochant d’avoir versé la totalité des montants de la promotion immobilière en une seule fois au lieu de procéder par tranches, facilitant ainsi le détournement des fonds. Les victimes affirment que leurs salaires et avances ont été détournés, et qu’elles se retrouvent désormais menacées par la banque de saisie de leurs comptes pour rembourser les crédits.
Dans le cadre de l’enquête, le représentant légal de Gulf Bank a été auditionné comme témoin. Il a expliqué que les souscripteurs avaient obtenu des attestations de pré-affectation pour des logements de 3 ou 4 pièces, et qu’ils avaient déposé leurs dossiers pour bénéficier d’un crédit destiné à l’achat d’un bien immobilier « achevé ». Il a précisé que les actes de propriété et les actes d’hypothèque étaient en préparation chez un notaire, conformément à la convention. Le notaire avait sollicité, le 21 septembre 2016, la libération des fonds restants pour finaliser ces actes.
Le témoin a ajouté que certains souscripteurs avaient signé des actes de vente pour des biens « achevés », actes dûment enregistrés au niveau de la conservation foncière, tandis que d’autres ne s’étaient jamais présentés chez le notaire. Aucun acte de vente « sur plan » n’existait, selon lui, et les clients avaient volontairement traité avec la société pour des biens présentés comme achevés, conformément au principe de liberté contractuelle.
Il a enfin indiqué que plusieurs souscripteurs avaient saisi la justice civile pour demander le remboursement des montants libérés en faveur du notaire, vu que les logements n’étaient pas construits. Le tribunal de Bir Mourad Raïs avait rejeté ces requêtes pour absence de fondement, décision confirmée en appel. Selon lui, ces décisions prouvent que la banque n’a commis aucune irrégularité dans les procédures engagées.
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