Erreurs médicales : Les victimes manifestent leur colère

Erreurs médicales : Les victimes manifestent leur colère

Une fois n’est pas coutume. Des manifestants qui ne veulent ni d’une augmentation de salaire ni d’un statut mais d’une justice.

Ces protestataires ont décidé de révéler au grand jour leurs drames physiques et psychologiques, celui de victimes d’erreurs médicales. Ils veulent en fait retrouver leur santé et faire payer ces erreurs à leurs « bourreaux ». Pour briser le silence et dire halte à ce qu’ils qualifient « d’abattage humain », une centaine d’entre eux s’est dirigée hier vers le siège de la présidence de la République. Et même si elle a été empêchée par les forces de l’ordre d’accéder aux lieux, elle a tenu quand même à se rassembler en face du lycée Bouamama (ex-Descartes) pour crier sa détresse. « On s’est présentés au niveau des hôpitaux pour guérir un mal et non pour se retrouver invalides pour le restant de nos jours », criaient les manifestants

Chaque manifestant porte en lui les traces physiques d’une erreur médicale. Chaque visage raconte une tragédie. C’est le cas de Amina A., 33 ans. Admise au service ophtalmologie du CHU Nefissa-Hamoud (ex-Parnet) d’Hussein Dey, il y a environ une année, pour un problème de strabisme, elle en ressort 12 jours après son intervention aveugle d’un œil. Le spécialiste privé qu’elle a consulté pour un contrôle médical lui apprend que son cristallin et sa cornée lui ont été enlevés. «J’ai a été greffée avec prélèvement d’une personne décédée », dit-elle la gorge nouée. Quant aux poursuites judiciaires, elle précise que son dossier n’a toujours pas été examiné. « Je vis avec un seul œil désormais », souffle-t-elle.

Hocine Timini, un jeune de 20 ans, se retrouve, lui, aujourd’hui aveugle. « Mon fils est né en bonne santé », témoigne son père qui l’accompagnait. Il y a deux ans, Hocine a ressenti une légère baisse de sa vue. Après avoir consulté un spécialiste, il a été orienté vers le CHU Mustapha Pacha pour un examen. « Mon fils a dû subir sept interventions sans aucune explication », raconte le père. Et d’ajouter : « le résident à qui on a confié l’opération lui a endommagé les deux rétines ». Une prise en charge en France confirme le diagnostic : Hocine souffre désormais de cécité. « Y a-t-il pire que de perdre la vue ? », s’interroge le père affolé.

UN BÉBÉ ÉCRASÉ PAR UN FORCEPS

Nesrine Bechari, 22 ans, est elle aussi victime d’une erreur médicale. Son drame : elle a accouché à l’hôpital de Belfort (El Harrach) par voie basse à l’aide d’un forceps. Une fausse manœuvre lui a détérioré la vessie. Aujourd’hui, Nesrine vit avec une sonde. « Je dois me rendre une fois par semaine à l’hôpital de Aïn Taya pour vider huit litres d’urines », se plaint-elle. Autre accouchement, autre drame. Mme Laguel a subi une épisiotomie plus le forceps. Conséquence : la boîte crânienne de son bébé a été gravement endommagée et son visage défiguré. Le nouveau-né décédera quelques jours plus tard. Son époux ne digère toujours pas cette épreuve. «Mon enfant était en bonne santé et devait naître normalement. Ils l’ont tué par leur incompétence », accuse-t-il. Quant à la mère, elle est suivie par un psychologue. « Elle n’arrive pas à admettre ce qui lui est arrivé», témoigne son mari. Mme Rahima N., 61 ans, vit avec un drame qu’elle porte dans sa chair. Un traitement contre la fistule recto-vaginale au niveau la clinique privée El Qods lui a dénaturé son anatomie. Aujourd’hui elle souffre terriblement. « Mes besoins naturels sont évacués par une seule conduite », dit-elle confuse. Les erreurs médicales ne se limitent pas seulement à des opérations qui semblent, a priori, complexes.

Parfois une simple fracture peut devenir fatale. Djamel Kateb en est une victime. S’étant présenté aux services des urgences de l’hôpital de Bechar, il a attendu presque toute la journée pour être soigné. Quelques jours après, sa blessure dégageait une odeur nauséabonde. De retour à l’hôpital, le médecin a constaté une gangrène. Son bras lui a été amputé. « Une blessure mal soignée a fait de lui une personne infirme », s’insurge sa belle-sœur.

Selon Djamel, les patients victimes d’erreurs médicales ne cherchent pas d’indemnisation mais veulent retrouver leur santé. « La plupart des médecins ayant commis des erreurs sont des résidents à qui on a confié de lourdes tâches sans qu’ils soient assistés par un professeur », a-t-il révélé. Pour lui, l’ensemble de ces victimes appelle à la sanction de ces médecins.