Erdogan s’en prend à Bolton venu discuter du retrait américain

Erdogan s’en prend à Bolton venu discuter du retrait américain

Le conseiller américain à la sécurité nationale John Bolton, venu à Ankara discuter du retrait américain prévu de Syrie, a essuyé hier l’ire du président turc Recep Tayyip Erdogan pour avoir défendu une milice kurde syrienne que la Turquie entend mettre en déroute. Les désaccords entre les deux pays portent sur les Unités de protection du peuple (YPG), partenaires de Washington dans la lutte contre le groupe terroriste Etat islamique (EI) mais considérées comme «terroristes» par Ankara qui menace depuis plusieurs semaines de lancer une nouvelle offensive pour les déloger du nord de la Syrie.

Lors d’un déplacement en Israël dimanche, M. Bolton avait déclaré que le retrait des Etats-Unis de Syrie, annoncé le mois dernier par le président Donald Trump, serait notamment conditionné à des garanties concernant la sécurité de leurs alliés kurdes. Ces propos «sont pour nous inacceptables et impossibles à digérer», a déclaré M. Erdogan lors d’un discours, peu après la fin d’un entretien à Ankara entre M. Bolton et un haut responsable de la présidence turque, Ibrahim Kalin. «Alors que ces gens sont des terroristes, certains disent ‘Ne touchez pas à ceux-là, ils sont kurdes ». (…) Ils pourraient aussi bien être turcs, turkmènes ou arabes. D’où qu’ils viennent, si ce sont des terroristes, alors nous ferons le nécessaire», a lancé le président turc. «Nous allons très bientôt passer à l’action pour neutraliser les groupes terroristes en Syrie», a-t-il insisté.

Le quotidien américain New York Times a publié lundi une tribune de M. Erdogan présentant la stratégie turque pour «stabiliser» la situation en Syrie et y éliminer les «racines» de la radicalisation après le retrait américain. M. Trump a annoncé en décembre le retrait des quelque 2.000 soldats américains, prenant de court les alliés de Washington.

La Turquie, qui menace de lancer une nouvelle offensive dans le nord de la Syrie pour en éliminer les YPG, a envoyé ces dernières semaines des renforts militaires à la frontière syrienne. M. Kalin a affirmé la semaine dernière que les autorités turques attendaient d’obtenir de M. Bolton, venu avec le chef d’état-major Joseph Dunford et l’envoyé spécial pour la coalition internationale James Jeffrey, des détails sur le plan de retrait des Etats-Unis.

Depuis l’annonce de Donald Trump, le gouvernement américain multiplie en effet les messages destinés à gommer l’impression initiale de départ précipité.»Nous quitterons (la Syrie) à un rythme adapté «, a ainsi tweeté M. Trump lundi.

Le flou qui entoure ses modalités et son calendrier ont poussé la Turquie à surseoir à l’offensive qu’elle semblait sur le point de déclencher mi-décembre. Il n’est pas encore clair si les Etats-Unis vont aussi se retirer de l’espace aérien syrien et, le cas échéant, si la Russie, alliée du régime syrien, va permettre à Ankara de mener des raids aériens en territoire syrien. L’EI «est actuellement à 350 km de la frontière turque. Comment est-ce que l’armée de l’air turque est censée les atteindre? Sans le feu vert de Moscou, cela est impossible», explique un expert turc.

A l’issue de pourparlers en Russie fin décembre, Ankara et Moscou avaient annoncé vouloir «coordonner leurs actions» en Syrie après le retrait américain. La Turquie sera en mesure d’éradiquer l’EI si elle peut opérer sans entrave dans l’espace aérien syrien, mais d’autres experts sont sceptiques.»Pour que la Turquie réussisse cet exploit, elle aura besoin d’un soutien important de l’armée américaine, à tel point que cela reviendrait à un maintien de l’armée américaine en Syrie», affirment-ils.