Le matériel tombe souvent en panne
Dans la majorité des hôpitaux algériens, le directeur général est un administrateur qui ne connaît que peu de chose à la médecine et ses besoins en matériels et en consommables.
On ne gère pas un hôpital comme on gère une supérette…bien que certaines supérettes sont beaucoup mieux gérées que certains hôpitaux.
Sous d’autres cieux, la gestion hospitalière est une spécialité à part entière. A la tête d’un hôpital, vous avez deux pôles de gestion, d’un côté un administrateur (non médecin) mais spécialiste en gestion hospitalière et d’un autre, un médecin chef qui supervise et qui contribue à cette gestion.
Dans la majorité des hôpitaux, le directeur général est un administrateur qui ne connaît que peu de choses à la médecine et ses besoins en matériels et en consommables.
Il peut, par exemple, accorder davantage d’intérêt à l’aspect extérieur et à «l’habillage» des murs d’un hôpital qui a ses besoins en matériel, en capital humain et en consommables, car il faut avoir suivi des études spécialisées en gestion hospitalière afin de «maîtriser» les besoins d’une structure hospitalière et souvent aidé d’un médecin chef qui est un poste inexistant dans la majorité des hôpitaux qui se trouve être une liaison indispensable entre les différents services et chefs de service (parlant le même jargon médical) afin d’en maîtriser les besoins et la gestion.
Une question de maintenance
L’hôpital a souvent des contrats avec des fournisseurs en matériel médical qui sont censés assurer le service après-vente et la maintenance de ce matériel, chose qui ne se fait pas toujours comme il faut et surtout «dans les temps». Vous vous retrouvez avec un matériel en panne ou en fin de vie sans pièces de rechange et ceci pénalise gravement le malade.
C’est l’exemple d’un service de cardiologie qui s’est retrouvé sans épreuve d’effort (appareil permettant de détecter les sujets susceptibles de faire un infarctus du myocarde) pendant 2 ans! Chose inadmissible, tout cela pour une pièce de rechange indisponible.
Logiquement, le fournisseur devrait avoir un contrat avec l’hôpital pour remplacer le matériel en question afin de n’être jamais privé d’un appareil qui peut perturber l’activité hospitalière et pousser les médecins à orienter le patient parfois vers le secteur privé pour effectuer l’examen indispensable, car il n’est pas logique que le «service public» ait recours au secteur privé pour avancer. La logique voudrait que ce soit l’inverse. Problème de budget? Problème de gestion?
«Le matériel dans les hôpitaux est souvent mal entretenu en comparaison du matériel dans les structures privées», voilà ce qu’avoue, en substance, un médecin exerçant à l’hôpital de Béni Messous. Un médecin qui parle sous couvert de l’anonymat explique: «Il y a un certain laisser-aller chez le personnel qui l’utilise ou qui est chargé de sa maintenance. Les équipes chargées de l’entretien dans l’hôpital ne sont pas formées. On peut être dans l’obligation d’arrêter certaines interventions dans la chirurgie coelioscopique par exemple à cause d’une pince défectueuse.»
Une situation qui, selon notre source, entrave l’activité hospitalière. «Le matériel coûte souvent très cher et on n’anticipe pas assez sur sa «fin de vie», déplore-t-il. Voilà comment la plupart des hôpitaux se retrouvent, du jour au lendemain….en arrêt de l’activité et des prestations qui vont avec. Exemple édifiant: «Des appareils d’échographie. Un appareil qui vieillit et qui a trop servi se retrouve à l’arrêt et on se retrouve à travailler à l’aveuglette, car il est aujourd’hui impensable de s’en passer», témoigne-t-il encore.
Le privé comme recours
En chirurgie obstétrique par exemple, il est impossible de suivre la surveillance d’une grossesse ou d’un accouchement sans ce qu’on appelle un Ercf (appareil pour l’enregistrement du rythme cardiaque foetal). Dans les hôpitaux étrangers, toutes les femmes en voie d’accoucher, sont branchées à cet appareil afin de pouvoir détecter le moindre signe de souffrance du bébé, poussant l’équipe obstétricale à intervenir.
Dans notre service, nous avions jusqu’ici un seul appareil qui faisait le tour d’une cinquantaine de patientes hospitalisées pour «grossesse à haut risque» et une dizaine d’autres en voie d’accoucher, ce qui est «temporellement» inimaginable, ne pas en disposer rend l’activité dangereuse pour l’enfant à naître. «Pourquoi ne pas commander assez d’appareils pour faciliter le travail? Est-ce faute de budget ou est-ce plutôt le gestionnaire qui estime que ce n’est pas une urgence d’en faire la commande? Nous sommes donc dans l’obligation d’adresser parfois les patientes afin de pratiquer cet enregistrement, dans le cadre du privé ou alors à travailler à l’ancienne en auscultant le bébé, au risque de passer à côté d’une souffrance…» ajoute notre interlocuteur.
Concernant les scanners qui coûtent en général plus chers ou les salles de cathétérisme (coronarographie), il existe en général des signatures de contrat avec des sociétés comme GE (Général électrique), ou d’autres qui assurent la maintenance plus ou moins rapide du matériel en question.
Lorsqu’une sonde échographique est défectueuse, elle est plus ou moins remplacée rapidement, ceci dit, dans notre service de cardio (autre témoignage) la sonde échographique transeophagienne (qui permet de détecter des thrombus dans le coeur) est en panne depuis quelques mois déjà et nous attendons qu’elle soit réparée…afin d’en reprendre l’activité.
Il se trouve que la pièce qui manque attend parfois des mois d’être commandée d’un pays étranger, elle attend aussi son dédouanement.. et souvent rien n’est facilité dans ce tracas administratif pour la faire arriver à bon «port» dans les meilleurs délais. L’Algérie a de l’argent, elle a beaucoup investi dans la santé en termes de matériel médical, même si en termes de structures hospitalières nous sommes en deçà par rapport à la population, des structures surchargées qui drainent parfois des centaines de milliers de personnes par an, il est normal que les appareils soient largement surutilisés (ce qui explique aussi leur usure précoce).
Avec une meilleure gestion (capital humain spécialisé en gestion hospitalière et travaillant en collaboration avec un médecin chef ou les chefs de service concernés), on obtiendrait une meilleure orchestration d’un hôpital.
Si tu es un patient et que tu te présentes dans une structure hospitalière afin d’effectuer un quelconque examen et qu’un appareil se trouve en panne, ceci serait pénible pour toi. Or, beaucoup de citoyens n’ont pas les moyens financiers d’effectuer l’examen en question chez le privé.
Des prestations onéreuses
Une simple échographie oscille entre 1000 à 3000 DA alors qu’un scanner, une IRM peuvent aller jusqu’à 15.000 DA (impossible pour beaucoup d’Algériens) sans oublier que même si la sécurité sociale en termes de médicaments est d’une générosité sans faille, il se trouve que pour la radiologie ou les actes médicaux, le tarif de remboursement n’a pas changé depuis les années 1960. Une échographie que vous payez 3000 DA, la sécurité sociale ne vous remboursera que 400 DA! Il est clair qu’il y a plus à gagner avec le lobby pharmaceutique en termes d’intérêt pour «beaucoup» que dans le remboursement d’une radiographie ou d’une appendicite (remboursé à 1200 DA, mais dans le privé faite pour 30.000 DA) car là, c’est le citoyen qui paye et il n’y a rien à gagner. Une anecdote d’un médecin qui en dit gros: «Un jour, j’ai dit à mon directeur: arrêtez d’investir dans les pots de fleurs et dans le marbre et accordez un peu plus d’importance à payer correctement vos médecins et à vous intéresser au consommable et au matériel». Le directeur m’a répondu:
«Touche pas aux pots de fleurs, car j’adore les fleurs»…Le médecin a dit alors: «Mais c’est un hôpital, pas une pépinière!»
Le ministre de la santé doit savoir: qu’on ne gère pas un hôpital comme on gère une supérette.