en peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut tromper tout le peuple tout le temps». Abraham Lincol
La banqueroute de Marrakech nous rappelle étrangement la désillusion d’Annaba en septembre 2005 face au Gabon, la déconvenue devant les Kényans avant le Mondial 1998, le désappointement «pharaonique» en Angola, et la suite est longue, si l’on venait à s’amuser à piocher dans les tréfonds des mésaventures du football algérien. Et finalement, c’est devenu une tradition ! Le foot national ne serait-il oint qu’à accepter des déboires qui s’extériorisent chaque fois ?
Si l’on en croit l’histoire (puisque l’on ne peut jamais la changer), le 4 à 0 enregistré dans la ville ocre marocaine est venu emplir les séquelles d’une inclination que même les meilleurs guérisseurs au monde ne pouvaient éradiquer.
Encore une fois, on parle des déceptions de notre EN. On en parle même trop. Néanmoins, nul n’ose bouger le petit doigt de peur que chaque index montre la personne qu’il ne faut pas…montrer.
Tout est relatif dans le football algérien. Cependant, ce dernier est malade et, au train où vont les choses, la pathologie risque encore de durer, voire de perdurer.
A qui la faute ? Une question simple que l’on a déjà posée, mais qui a fait face à une ramification de réponses puisque, de tout temps, on a toujours cherché à bâtir sur du vide. La rue accuse aujourd’hui le coach, sa tactique, ses choix, mais le problème n’est pas là. Ramener donc un entraîneur étranger est loin d’être l’eurêka pour le sport roi national
Qui aura le courage de faire changer tout le monde ? Du premier responsable de la FAF jusqu’au plus petit élément exerçant ensemble pour quantifier davantage les gaffes commises depuis des décennies. La question reste posée !
L’éternel recommencement
A un moment donné, on a comme l’impression que les responsables de la FAF prennent cette équipe nationale pour un club de division 1. Et pourtant, il s’agit d’une nation qui compte derrière elle plus de 35 millions de supporters.
On prend toujours les mêmes et on recommence. C’est dire que l’on est adeptes des mêmes égarements et des mêmes façonnages. D’abord, on montre du doigt ces équipes de notre élite qui font du n’importe quoi, qui ne forment pas de joueurs pour la sélection nationale. Pour preuve, seul Lemouchia figurait parmi le onze rentrant face au Maroc, mais d’autres joueurs locaux, à l’image de Djabou, Soudani, Tedjar, Rial, pour ne citer que ceux-là, méritent de porter le maillot national.
Donc, au lendemain de chaque débâcle, on reprend le même itinéraire parsemé d’embauches, pour commettre les mêmes erreurs. Les leçons ne sont guère retenues. On s’amuse, par contre, à vouloir la tête de ce bouc émissaire qu’est l’entraîneur. Cette situation existe depuis des décennies chez nous.
Il y a exactement 10 ans, Mustapha Dahleb, joueur vedette du PSG entre 1974 et 1984 et vainqueur de l’Allemagne en 1982, avait déclaré dans les colonnes du journal français l’Humanité : «Aujourd’hui, notre football est malade de ses structures économiques, de sa formation…
Tout est à refaire. D’abord, il faudrait mettre en place un système de formation, rénover ou construire des infrastructures, définir les statuts des clubs et des joueurs. Et puis, surtout, il faut que nos compétitions redeviennent régulières. Lorsqu’on aura réglé tout cela, la moitié de l’écurie sera nettoyée.
Le football est à l’image du pétrole en Algérie, il recèle d’innombrables richesses. Seulement, le pétrole on le travaille, mais pas notre football. En fait, il nous faudrait sortir de l’isolement et s’inspirer de tout ce qui est positif à l’étranger, notamment la formation à la française.
Le très gros problème reste à mon avis la mauvaise gestion du football au sein de la Fédération algérienne (et notamment du calendrier sportif des clubs), la corruption, l’arbitrage, ainsi que la violence dans les stades (violence qui s’exprime aussi dans le jeu). Autant de facteurs qui privent les clubs algériens d’un certain prestige au plan continental…».
Pour l’ex-magicien du Parc des princes, le football national devait faire sa révolution, car l’Algérie reste tout de même un pays qui a donné Zizou, Benzema et Nasri à la France. Ce qui n’est pas rien. Seulement, dix ans après ces déclarations, nous vivons le même problème, et le football national n’est pas encore sorti de son marasme.
On a beau dire que la détection des jeunes talents reste inéluctablement la base de réussite pour une future équipe nationale, que notre championnat doit avoir un niveau acceptable, on a beau dire beaucoup de choses, mais les grands diseurs n’ont jamais été les grands faiseurs ou, autrement dit, certains dirigeants du football algérien pensent toujours que la fin de l’épisode c’est aussi l’épilogue de l’histoire.
Bencheikha et ses erreurs impardonnables
Abdelhak Bencheikha n’aurait jamais dû accepter de prendre les rênes techniques de l’EN après le départ de Saâdane. Il aurait dû refuser car, en fait, c’est une bombe à retardement qui lui a été remise. Et l’explosion a eu lieu le 4 juin à Marrakech.
Bencheikha aurait dû dire : «Non, merci ! La sélection nationale, c’est trop grand pour moi !» Mais montrez-nous un Algérien qui peut avoir le courage de dire la réalité lorsqu’il est question de mesurer ses capacités ?
Nous n’en connaissons pas un seul !
Maintenant que Bencheikha a pris le train et a vécu le 4-0, on peut lui reprocher beaucoup de choses, à commencer par la non-titularisation de Bouzid (excellent à Annaba) et de Boudebouz d’entrée, ou encore ce système de jeu défensif alors qu’il fallait jouer l’attaque à outrance face à une défense marocaine complètement remaniée.
Néanmoins, on lui en veut aussi à cause de ce silence médiatique une fois les pieds en terre chérifienne. Bon, nous n’allons pas entrer dans les détails techniques, mais le fait est là. Une correction de quatre buts a engendré une démission. Il y a forcément quelque chose qui ne tourne pas rond.
Même les Marocains ne s’attendaient guère à cette large victoire, eux qui furent déstabilisés par le scandale Taarabt ainsi que par les blessures de nombreux joueurs titulaires. Mais le jour du match, il manquait aux Algériens ce que les Marocains avaient, à savoir la hargne, avec la complicité d’un entraîneur haut gamme ayant pour nom Gerets.
Entraîneur étranger : la bonne… mauvaise solution ?
Juste après la démission de Bencheikha, la FAF est sortie de sa léthargie pour anesthésier le peuple algérien, promettant un entraîneur étranger d’une grosse pointure. Pour ne pas reprendre la sentence d’Abraham Lincoln, le peuple algérien a compris qu’aucune couleuvre, aussi orvet qu’elle soit, ne sera plus avalée.
L’histoire montre que nous n’avons jamais réussi sous la houlette d’un coach étranger. Mieux encore, tous les titres et les qualifications obtenus par notre équipe nationale ont été l’œuvre d’entraîneurs locaux.
Sur les neuf entraîneurs étrangers qui ont drivé l’Algérie, personne n’a réussi un faire un excellent parcours, sauf Rogov qui faisait partie du staff technique qui avait qualifié les Verts au Mondial espagnol de 1982 Entre grand entraîneur et bon entraîneur, le public algérien choisira le deuxième. Alors pourquoi le chercher ailleurs puisqu’il peut être algérien?
A moins que ce soit une nouvelle thérapie «made in FAF» pour endormir un milieu footballistique qui ne s’est pas encore remis des cauchemars vécus çà et là.
Invité samedi dernier à radio Bahdja, l’ex-international Mahmoud Guendouz n’est pas allé avec le dos de la cuillère pour afficher son mécontentement quant à la situation qui prévaut au sein de la sélection nationale.
«Dans pareille situation, même le plus grand entraîneur au monde échouera en Algérie. Je suis contre le recrutement d’un coach étranger de renom car ce n’est pas le problème primordial.
Le vrai problème, ce n’est pas l’apport d’un coach étranger mais le niveau de notre championnat. Nos équipes ne forment plus de grands et futurs joueurs. Pour moi, les clubs algériens forment une université pour notre équipe nationale avec une vraie direction technique nationale, au niveau de l’instance fédérale.»
Nour Benzekri, l’un des meilleurs coaches que le football algérien ait connus, est intervenu par téléphone dans la même émission. Il va dans le même sens et pense que le problème ne réside nullement dans le choix d’un sélectionneur national. Beaucoup de choses sont à revoir pour redorer le blason de notre équipe nationale.
Joueurs locaux ou «étrangers» : même patrie mais différentes batteries !
Voilà un sujet qui a longtemps animé les débats puisqu’il existe (avec la force du temps) deux catégories de joueurs internationaux : ceux d’ici et ceux de là-bas !
A Marrakech, seul Lemouchia figurait parmi les autres «étrangers» du pays. Il a fait un grand match nonobstant la raclée. Il a montré aussi que les locaux ont leur place. Ce jour-là, il y a en face trop de joueurs marocains évoluant dans des clubs de ce royaume et ils ont tiré leur épingle du jeu, reléguant sur le banc des remplaçants les Boussoufa, Chihani et El-Arabi.
Les joueurs algériens alignés ce jour-là ne sont pas des joueurs de très haute qualité mais de simples footballeurs venus défendre les couleurs nationales. S’ils sont là, c’est que dans leurs clubs respectifs en Europe, il y a cette culture de s’asseoir réellement sur une vraie politique de professionnalisme. Chez nous, le championnat national, qui vient d’étrenner sa première année de professionnalisme, n’est pas encore terminé.
Il prendra fin en juillet au moment où tous les autres championnats entament la saison 2011-2012. Voilà un autre signe de bricolage émanant de la FAF, qui avait pourtant arrêté les dates bien avant le début de l’exercice en cours. Revenons à nos locaux ! Soudani, incorporé durant les dix dernières minutes, a prouvé qu’il demeure un bon attaquant et aurait dû jouer à la place de Djebbour, qui n’était que l’ombre de lui-même.
Un Djabou aurait pu faire pour sa part la différence du fait de ses gestes techniques mais qui aurait pu l’aligner ?
Pour ce qui est de nos joueurs qui évoluent en Europe, il est clair que ces derniers pensent beaucoup plus à leurs clubs employeurs et à leurs carrières respectifs.
Nous ne les avons jamais accusés d’avoir triché en portant le maillot national, mais force est de constater qu’ils se trouvent dans une situation un peu délicate lorsqu’on évolue de l’autre côté de la Méditerranée.
Aussi, il est légitime que tout entraîneur national fasse appel en grand nombre aux joueurs évoluant en Europe.
La raison est qu’en Algérie, les clubs ne «produisent» plus comme avant. Le mercantilisme a pris la place de la gloire et de l’amour du club. Le NAHD 2011 n’est plus le NAHD des années 1980, véritable fournisseur de joueurs aux équipes nationales. Madjer, Fergani, Merzekane, Ighil, Aït El-Hocine, Dziri (et nous en oublions) sont des joueurs formés chez nous.
Nos joueurs locaux sont un peu découragés, car ils savent que même s’ils font des efforts, ils ne seront pas convoqués en équipe nationale (dixit Madjer). Et d’ajouter : «Il y a une politique de la fédération qui est de ramener en équipe nationale tous les joueurs algériens qui évoluent à l’étranger. Il faut convoquer les meilleurs joueurs locaux et les meilleurs qui évoluent en Europe. Malheureusement, nos locaux sont marginalisés.»
Et Raouraoua dans tout cela ?
Le premier à avoir critiqué ouvertement Raouraoua est l’ex-coach national Rabah Saâdane qui, du coup, ne porte plus l’homme fort de la FAF dans son cœur. Invité à livrer ses impressions de la rencontre Maroc – Algérie, le cheikh précise d’abord que ce n’est nullement la faute de Bencheikha. «Je suis sincèrement choqué par cette défaite sévère essuyée contre le Maroc.
Je suis déçu et triste pour mon pays», dit Saâdane et d’ajouter : «Bencheikha ne pouvait rien, c’est aux personnes qui l’ont désigné de quitter le monde du football et de laisser la place aux gens compétents. Ils ont détruit tout le travail qu’on a accompli pendant trois années. Raouraoua a voulu me faire sortir par la petite porte pour faire croire aux gens qu’il était l’unique artisan des succès de notre équipe nationale, et voilà le résultat.»
En fait, il existe une «belle» histoire d’amour entre Raouraoua et Saâdane. Celle-ci avait pris effet à la veille de la CAN de Tunis, lorsque Saâdane avait déclaré qu’il ne possédait pas une équipe capable de jouer une coupe d’Afrique des nations. Des propos qui avaient mis en colère le chairman de la FAF qui a évincé Saâdane après cette CAN. Saâdane est parti au Yémen et Raouraoua aussi.
Les deux hommes retrouvent alors leurs postes respectifs quelques années après. La qualification pour le Mondial, Raouraoua l’exhibe tout le temps pour prouver que son bilan est positif. Mais l’après-Mondial est venu montrer avec éloquence que nous devons refaire la maternelle pour affronter les grandes nations sur un terrain de football et non sur un tableau noir où A et B font les deux premières lettres de l’alphabet.
Raouraoua a oublié que, quelque part, nous n’avons réalisé que deux grands matches en deux années et demie. Oui, deux matches ! Face à l’Egypte au Soudan et devant les Ivoiriens lors de la dernière coupe d’Afrique des nations.
Pour le reste, les manchettes des journaux sont toujours en archives pour nous rappeler les «Complètement turlututu», «Le naufrage des Verts», «La désillusion angolaise», «Du déjà vécu !», etc.
Aujourd’hui, le peuple algérien se demande si vraiment il faut uniquement changer le coach national ou plutôt faire un grand nettoyage du côté de Dély-Ibrahim.
L’histoire retiendra qu’un simple problème de grève de joueurs, vécu par les Tricolores lors du dernier Mondial, a poussé le président de la FFF à démissionner. Pourtant, la France n’a pas perdu 4 à 0 mais pour Jean Pierre Escalettes, c’est un échec. Ça, c’est de la culture professionnelle !
Le peuple algérien veut Madjer
Demandez à n’importe qui, à chaque coin de rue, dans les cafés, dans les stades ou dans les écoles, quel est l’entraîneur qui sied à notre onze national. On vous donnera tout de go le nom de Madjer.
Véritable icône du football national, Rabah Madjer a été lui aussi privé de driver les Verts à un moment où toute la nation le demandait. Ironie du sort, il a quitté les Verts au lendemain d’un certain 0 à 0, enregistré face à la Belgique, au pays de Jacques Brel.
Mais Madjer ne sera jamais le coach national tant que Raouraoua est à la tête de la FAF. Ce n’est plus la peine de revenir au passé pour dire que les deux hommes ne s’entendaient nullement, mais le prestige du pays prime avant toute chose.
Avec un Rabah Madjer à la tête de la sélection nationale, c’est tout le peuple algérien qui sait que l’enfant de Vauban n’est pas là pour se faire un nom ou s’enrichir sur le dos du football national. Nationaliste à fond, il a longtemps contribué à l’histoire du football national en tant que joueur puis en tant qu’entraîneur.
Malheureusement «on» ne veut pas de Madjer, car c’est le seul qui ne bricole pas, le seul qui a toujours cette vision de construire une équipe nationale composée essentiellement d’un noyau local. En 2002, il s’est déplacé avec un grand nombre de joueurs locaux au stade de France pour affronter les Tricolores.
Récemment, Luis Fernandez, l’ex-international français qui anime aujourd’hui une émission dans une radio française, avait comme invité Madjer.
A la question de savoir pourquoi on ne lui fait pas appel pour aider le football algérien, l’enfant terrible du football algérien a répondu : «Il y a des responsables à la Fédération algérienne, et ce sont eux qui décident. Je dis toujours que je reste à la disposition de mon pays s’il a besoin de moi, et pourquoi pas redevenir sélectionneur si on me le propose.»
Des propos qui remontent, certes, à des semaines, mais Madjer, qui soutient toujours son pays dans n’importe quelle compétition, pourrait être celui que tout le monde attend. Le sera-t-il un jour ? En attendant, le peuple algérien a le droit de rêver.
Saïd Lacète