Les observateurs de la Ligue arabe lors de leur arrivée, mercredi, à Homs dans le centre de la Syrie
Les observateurs arabes sont confrontés à une mission difficile, surveillés de près par les services de sécurité syriens et talonnés par des militants anti-régime armés de téléphones portables surveillant leur moindre geste.
Les vidéos, capturées par portables et diffusées sur Internet par les militants et de simples habitants, constituent quasiment les seuls témoignages de la situation en Syrie, secouée depuis la mi-mars par une révolte réprimée dans le sang et où les autorités limitent drastiquement l’accès des médias étrangers. «Mon général, après être venu ici, vous pourrez dire au monde qu’un massacre se déroule depuis cinq jours dans notre quartier», interpelle un jeune homme sur une vidéo diffusée sur YouTube et tournée dans le quartier rebelle de Baba Amro à Homs (centre) le 27 décembre. «Le régime dissimule ses attaques parce que vous êtes ici», ajoute-t-il, alors que l’on peut voir un char au bout de la rue et des débris tout autour. Dirigée par le général soudanais Mohammed Ahmed Moustapha al-Dabi, la mission, chargée de constater la situation en Syrie, est escortée dans tous ses mouvements par les forces du régime du président Bachar Al Assad. «Les observateurs sont soumis à la fois à la pression des autorités syriennes et aux demandes très pressantes des militants. Ils travaillent (…) dans des conditions très difficiles», souligne Khattar Abou Diab, politologue et professeur à l’Université Paris-Sud en France. Ils «manquent de moyens logistiques» (transport, sécurité, communications…) et «dépendent pour cela des autorités syriennes», ajoute-t-il, en notant que «quelques signes montrent que ces observateurs sont inquiets pour leur sécurité». Cette mission fait partie d’un plan de sortie de crise arabe qui prévoit également l’arrêt des violences, la libération des détenus et le retrait de l’armée des villes. Selon l’ONU, plus de 5000 personnes ont été tuées en Syrie depuis le début de la révolte. Depuis leur arrivée, les observateurs sont suivis à la trace par des militants anti-Assad dans les bastions de la contestation comme Homs, Deraa (sud) ou Idleb (nord-ouest). Dans une vidéo diffusée sur le net, on voit ainsi un groupe de jeunes hommes presser deux observateurs vêtus de gilets oranges d’entrer dans une mosquée de Homs pour voir un «enfant martyr» de cinq ans, selon le vidéaste amateur. La caméra suit les observateurs à travers la mosquée, où le corps d’un enfant est étendu sur un tapis. Un des observateurs prend des photos en silence, tandis que l’autre dit une prière. Une autre vidéo montre le général Dabi écouter attentivement une mère qui lui explique que son fils de 23 ans, non armé, a été tué par un char. En arrière-fond, des bruits de tirs résonnent, de même que les slogans «Il n’y a de Dieu que Dieu» ou «Assad est l’ennemi de Dieu». Un troisième film montre des observateurs marcher à travers le quartier de Baba Amro, censé être fermé à la mission, tandis que d’importants tirs d’artillerie et les cris «Traître, traître, traître» retentissent. Le général Dabi a provoqué la colère de certains militants en qualifiant de «bonne» sa première visite à Homs le 27 décembre. Selon le ministère français des Affaires étrangères, les observateurs arabes sont restés trop peu de temps dans cette ville pour pouvoir «apprécier la réalité de la situation». Certains militants ont également critiqué le choix du général Dabi, vétéran du renseignement soudanais, qui a servi auprès du président Omar El Bechir, sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) qui l’accuse de crimes contre l’humanité au Darfour. M.Abou Diab estime de son côté qu’ «il faut juger les observateurs sur leurs actes, c’est-à-dire pas sur leurs déclarations publiques maintenant, mais sur leur rapport». «On verra si leur rapport sera objectif ou non», a-t-il dit. En dépit de la difficulté de leur tâche, le président de l’Osdh Rami Abdel Rahmane juge lui que la mission est «la seule lumière dans cette nuit sombre». «La présence des observateurs à Homs a brisé la barrière de la peur», a-t-il dit à l’AFP, tout en précisant ne pas vouloir «exprimer de jugement avant que les observateurs terminent leur mission».