ENTRETIEN – Pr Rachid Belhadj : « On a eu un cas d’un bébé d’un jour contaminé par le coronavirus »

ENTRETIEN – Pr Rachid Belhadj : « On a eu un cas d’un bébé d’un jour contaminé par le coronavirus »

Pr Rachid Belhadj, directeur des activités médicales au CHU Mustapha, est revenu dans cet entretien sur la gestion de la crise du coronavirus dans l’hôpital, notamment en ce qui concerne les congés exceptionnels et le problème liés au manque d’oxygène.

Tout à l’heure lors d’une conférence de presse, vous avez déclaré qu’il y avait des praticiens de santé qui ne déclaraient pas leurs contaminations par crainte d’un retard de remboursement par la CNAS. Pouvez-vous nous apporter plus de précisions ?

Généralement quand quelqu’un tombe malade, il déclare sa maladie et il attend qu’il soit contrôlé par la CNAS afin qu’on puisse le rembourser. Quand quel qu’un est malade son salaire s’arrête, et c’est les caisses d’assurance sociales des salariés, qui paye son salaire, pas l’employeur (hôpital NDLR).

Avec l’avènement du Covid-19, même la CNAS n’arrive pas à suivre, pour cause des médecins malades… ce qui fait qu’il y a un retard dans la régularisation des dossiers en contentieux du personnel malade. Donc, pour être payé par l’hôpital et pas par la CNAS, les personnels préfèrent ne pas déclarer.

Qu’en est-il des congés exceptionnels des femmes enceintes et celles ayant des enfants bas âge ?

Si on met les femmes enceintes, ou celles ayant des enfants en bas âge en congé exceptionnel, l’hôpital sera donc vide. On peut, par contre, leurs accorder des postes de travail aménagés, c’est-à-dire en dehors des services Covid-19. Et à partir de la 30e semaine, elle doit arrêter. Mais on ne peut pas l’arrêté à deux mois de grossesse !

Lorsque on est dans une situation où il n’y a pas d’organisation, l’être humain a peur d’être sacrifié et contaminé. C’est une question de responsabilité, et personne ne peut accepter de contaminer sa famille. Si quelqu’un contamine ses parents, ça va lui rester sur la conscience toute sa vie. On a même peur de contaminer nos enfants.

Y’a-t-il des cas de contamination d’enfants au sein de votre établissement ?

Dieu merci ! Le virus a épargné les enfants. Si c’était le cas, personne n’osera s’aventurer dehors. Les enfants ont le système immunitaire de leurs mamans qui est toujours en activité. Mais il y a eu des cas. On a eu un cas d’un bébé d’un jour contaminé. Il a été contaminé par ses proches lors d’une visite à la clinique.

Plusieurs établissements hospitaliers souffrent d’un manque d’oxygène. L’hôpital Mustapha a-t-il été touché ?

Le problème supposé, c’est lorsqu’on a transformé des services qui n’étaient pas dotés de lits d’oxygène, en services Covid-19. Il fallait gérer.  Vous imaginez vous gérer 30 bouteilles d’oxygène à chaque douze heures. A 2 h du matin, il y a personne à l’hôpital pour déplacer ces bouteilles d’un service à un autre.

Qu’en est-il des solutions à votre avis ?

Lorsqu’on veut trouver des solutions, on ne donne pas des solutions à l’américaine ou à l’européenne, mais plutôt des solutions sur le terrain. Et comme solution, nous avons comme critère maintenant, pour ouvrir un service Covid-19, chaque lit doit être doté d’une source d’oxygène.

Entretien réalisé par Massin Amrouni