C’est le Monsieur économie du Portugal. Il est partout. Pigeon voyageur, il se démène pour vendre le Portugal, vantant ses atouts et les facilitations mises en œuvre pour attirer les investisseurs et les acheteurs de secteurs en difficulté. Franc, direct, il passe d’une réunion à une visite sur le terrain, au point que ses collaborateurs n’arrivent pas à maintenir son rythme. Populaire aussi, il n’y va pas par quatre chemins pour vous asséner des vérités. Il est à Alger à la tête d’une importante délégation, pour la commission mixte, et ce, pour renforcer les échanges avec notre pays qui vient au 23e rang parmi les partenaires et le 3e en Afrique, après l’Angola et le Mozambique, anciennes colonies.
Liberté : M. le vice-Premier ministre, comment va le Portugal ?
Paulo Portas : On a été à la dette extérieure, au FMI, aux institutions européennes, on a fait des efforts significatifs avec des difficultés pour notre population afin de réduire notre dette publique. Finalement, on terminera l’année 2014 avec une croissance de 1,2%. La dette publique a renversé sa tendance, pour la première fois, en 2014. Ces jours prochains, on va avoir la confirmation ou non, mais on a espoir que la croissance économique revient. Après deux ans et demi de récession que j’appelle personnellement les années de plomb, le Portugal revient à la croissance. Ce que je souhaite, c’est que la récession soit derrière nous et relève du passé. Je suis optimiste car l’environnement donne des signes positifs. À titre d’exemple, le chômage, qui constituait une fracture sociale et était de 17,5%, est retombé ces six derniers mois à 15,3%. Ce qui nous éloigne des niveaux du chômage européen. Je veux aussi souligner les chiffres du tourisme qui ont connu une augmentation de 7% avec 14 millions de visiteurs et ceux des exportations qui ont été fabuleux. De même pour les créations d’entreprises qui ont connu une croissance de 20%, toujours en 2012. C’est vous dire que l’économie portugaise revient à des signes positifs. On a joué dans la crédibilité pour et le discours vrai afin d’en finir avec la dette extérieure.
Quel a été le traitement de la troïka vis-à-vis de vos difficultés économiques ? Dur ? Compréhensif ?
Parlons vrai. Le problème de la dette portugaise n’est pas du fait de la troïka. Notre déficit et notre dette étaient tels que nous avons perdu tout accès aux marchés financiers. C’est nous qui avons sollicité l’aide internationale où il fallait se soumettre aux règles du jeu. En 2011, quand on parlait de la Grèce, on citait le Portugal. On nous mettait sur un pied d’égalité. En 2013, quand on parle de l’Irlande, on cite le Portugal. Et c’est toute la différence. Mon pays a joué dans la crédibilité. Pour cela, nous avons consenti des efforts et d’énormes sacrifices pour sortir de la zone rouge. La leçon à tirer est de donner de l’importance aux piliers économiques et on a espoir qu’en juin 2014, on en aura fini avec la dette et les mesures d’austérité.
Il se dit que vous êtes l’initiateur de la diplomatie économique qui prend de plus en plus le pas sur la diplomatie classique…
Il ne faut pas exagérer. La diplomatie classique est nécessaire car elle est basée sur des fondamentaux inévitables pour de bonnes relations aussi bilatérales qu’internationales. Pour reprendre Clausewitz, qui disait que “la diplomatie est la continuation de la guerre par d’autres moyens” et aujourd’hui, les rapports internationaux sont d’ordre économique, liés à l’esprit d’entreprise, l’aptitude au risque et à l’effort. Ceci ne veut pas dire que nous avons substitué la diplomatie classique à l’économie, mais les deux sont complémentaires. Nos ambassades sont tenues d’avoir un business plan, de faire de la promotion, de chercher des partenariats et d’accompagner les investisseurs nationaux sur le marché du pays où nous sommes accrédités. Après 1989, et la chute du mur de Berlin, l’idéologie a laissé la place aux échanges. L’Algérie et le Portugal en sont des parfaits exemples.
Justement, parlons des relations entre les deux pays…
L’Algérie a été un des premiers pays que j’ai eu à visiter en tant que ministre des Affaires étrangères. J’ai eu une conversation magnifique avec le président Bouteflika pour lequel j’ai un immense respect. Il m’a éclairé sur les Printemps arabes avec leurs vertus, mais aussi leurs conséquences. La suite des événements lui a donné raison. Votre regard a été très lucide sur le sujet. Quant aux relations commerciales, elles sont au beau fixe. Vous êtes notre 3e partenaire en Afrique. En 2012, le volume des échanges était de l’ordre de 285 millions d’euros et pour les neuf mois de cette année (2013), il est de 421 millions d’euros, soit une augmentation de 40%. On a une balance commerciale très équilibrée. Avec la tenue de la commission mixte que je présiderai avec votre ministre de l’Industrie, il y a beaucoup de points inscrits à l’ordre du jour, comme l’agroalimentaire, les travaux publics, les services et le transport. D’ailleurs, le 14 avril aura lieu le vol inaugural Alger-Lisbonne. Aussi, je dis aux Algériens : “Avril au Portugal”.
Le Portugal n’est pas très offensif par rapport aux pays tels que l’Espagne, la Turquie ou la Chine…
Ces dernières années ont été consacrées au règlement de la dette et à la sortie de crise, mais vous avez raison. C’est pourquoi la tenue de cette commission mixte algéro-portugaise que j’ai tenu à présider avec votre ministre de l’Industrie. Remarquez aussi le nombre de visites effectuées en Algérie ces derniers temps. Nous aurons des propositions à faire dans divers domaines, notamment dans l’agroalimentaire et l’industriel, l’expertise d’entreprises, les nouvelles technologies de la communication, surtout dans le domaine bancaire, la télécâble, la gestion et la construction des autoroutes, et l’organisation de grands événements comme les Coupes d’Europe et du monde de football. Nous pouvons faire beaucoup de choses dans le tourisme, surtout avec la ligne directe entre les deux pays.
Je ne crois qu’à des relations mutuellement gagnantes pour les deux parties, et l’Algérie est un partenaire idéal parce qu’il est proche, qu’on partage la même position sur les problèmes et les questions internationales et qu’il n’y a aucun fantôme dans nos relations.