« Il ne faut pas qu’il y ait d’exclusion. Il faut bannir ce mot dans notre façon de faire en tant que pouvoirs publics. Il faut aller dans tous le territoire. » – « Prochainement, on lancera des études pour généraliser le dispositif de prévision et d’alerte des crues » – « Près de 6 milliards de dinars ont été injectés pour l’acquisition de matériels d’intervention des unités de l’ADE sur le terrain et améliorer le service public de ces agences. »
Hocine Necib sillonne, depuis qu’il est à la tête du ministère des Ressources en eau, le pays dans tous les sens. Instructions par-ci, orientations par-là. Avec lui, pas de place à l’imprévu. Ses maîtres-mots : préservation de la ressource et promotion de la bonne gouvernance de l’eau.Il a insufflé, grâce à ses nombreuses sorties sur le terrain, une dynamique au secteur névralgique qu’il dirige. Le hasard et l’improvisation ne figurent dans son lexique. Dans cet entretien qu’il nous a accordé en marge de sa visite de travail, jeudi dernier, dans la wilaya de Sidi Bel-Abbes, le ministre revient sur les défis majeurs qui attendent son secteur. Même s’il estime avoir gagné la bataille de la mobilisation de la ressource, il affirme devoir remporter une autre bataille, celle de la gestion et de l’optimisation de la ressource. L’amélioration du service public est son cheval de bataille. Il souligne que la marge de progression reste importante dans notre pays. M. Necib s’exprime, en outre, sur la problématique des inondations. Il renvoie la balle aux assemblées communales, appelées, selon lui, à assumer leurs responsabilités à travers la révision des réseaux pluviaux, l’entretien des oueds, mais aussi le nettoyage des avaloirs. Il soutient, enfin, que l’envasement des barrages n’est pas une fatalité.
Dès votre prise de fonction, vous avez souligné qu’il y a beaucoup de défis à relever dans ce secteur stratégique. Peut-on en connaître la nature et l’ampleur ?
Effectivement, c’est un secteur stratégique à plus d’un titre et les défis à relever sont assez nombreux. Il y a en premier lieu l’effort de la mobilisation de la ressource sous toutes ses formes, à savoir la réalisation des barrages, le dessalement et l’incitation à l’utilisation des eaux épurées. Mais le défi est aussi celui de la modernisation et l’amélioration des services publics de l’eau et de l’assainissement. Il y a également un défi à relever en matière de préservation de la ressource en termes de développement de la gestion intégrée de l’eau. Il y a aussi un défi que nous partageons avec le ministère de l’Agriculture et du Développement rural qui est celui de la sécurité alimentaire. Donc, il y a lieu de développer l’hydraulique agricole qui passe par le développement des grands périmètres irrigués (GPI) et autant que possible des petits et moyens périmètres relevant de la petite et moyenne hydraulique (PMH)
Au cours de vos différentes visites sur le terrain, vous avez souligné l’urgence et la nécessité d’un diagnostic. Après plusieurs wilayas visitées, a-t-il été établi ?
Nous avons pratiquement gagné la bataille relative à la mobilisation, en raison de l’ampleur de la progression accomplie par le secteur dans ce domaine. Des progrès très importants ont été réalisés par notre pays en matière de mobilisation, surtout durant cette dernière décennie. J’ai dit que la bataille est pratiquement gagnée même si elle n’est pas encore totalement gagnée, car la véritable bataille demeure la préservation de cette ressource, sa gestion rationnelle et, surtout, la performance du service public de l’eau et d’assainissement. Je pense que les axes de développement de notre stratégie, ceux qui ont présidé à la définition de la stratégie sectorielle il y a une dizaine d’années, demeurent valables aujourd’hui. Notre stratégie s’articule autour des éléments majeurs suivants : poursuivre la mobilisation sous toutes ses formes, opérer l’extension et la rénovation des réseaux d’eau potable et le renforcement des capacités de stockage pour avoir un service public performant et aller aussi vers les zones les plus reculées. Notre politique bannit toute forme d’exclusion. Il ne faut pas qu’il y ait d’exclusion. Il faut aller dans tout le territoire. Même chose pour l’assainissement.
Il faut rénover et faire des extensions des réseaux d’assainissement, développer encore des stations d’épuration et augmenter les capacités d’épuration pour des objectifs importants, en l’occurrence la préservation de l’environnement, la préservation de la ressource hydrique, la non-pollution des eaux littorales ainsi que la préservation de la santé publique pour éviter qu’il y ait des maladies à transmission hydrique. Là aussi, c’est à travers tout le territoire. Il n’y a pas d’exclusion. Il faut bannir ce vocabulaire dans notre façon de faire en tant que pouvoirs publics surtout que la loi sur l’eau a consacré une règle d’or. Dans la loi, c’est l’accès à tous au service public de l’eau potable et de l’assainissement. Donc, l’Etat est en train de consentir des efforts énormes pour préserver ce principe et le généraliser.
Nous poursuivons d’autres axes : l’amélioration des services publics et leur modernisation, le développement des outils institutionnels qui permettent d’accompagner tout cet effort de développement à travers des réformes. Enfin, il y a cet axe important qui s’appuie sur le développement agricole, les grands périmètres irrigués et les PMH pour contribuer à la sécurité alimentaire du pays.
La situation aujourd’hui est caractérisée par des déperditions, des fuites d’eau et des pannes qui prennent souvent du temps pour être réparées. Quel plan d’action envisage votre ministère pour remédier à cette situation ?
Le service public de l’eau et son amélioration sont pour moi des défis de premier ordre. Quand j’ai été installé à la tête de ce secteur, j’ai dit que je n’ai pas peur des grand projets. Mais la marge de progression, qui reste importante dans notre pays, c’est celle du service public de l’eau et de l’assainissement, son amélioration, la préservation de la ressource et la promotion de la bonne gouvernance de l’eau. C’est pour cette raison que j’ai dit, juste après avoir pris cette responsabilité, que lors de mon passage dans ce secteur je pèserais lourdement sur les services publics.
Et j’ai commencé à faire des choses dans ce domaine qui vont apporter, à mon avis, des résultats probants très bientôt. Commençant par l’eau potable où nous sommes en train de mettre en place une nouvelle organisation de l’ADE qui donne plus de transparence, définit mieux les responsabilités et permet l’évaluation périodique dans le service public. On a injecté près de 6 milliards de dinars pour l’acquisition de matériels d’intervention des unités de l’ADE sur le terrain pour améliorer les prestations de service et pour une meilleure réactivation des services de l’ADE.
C’est un programme colossal qui demande de grands efforts et du temps. La même chose a été entreprise au niveau de l’Office national de l’assainissement (ONA). Nous avons aussi beaucoup investi dans la rénovation et l’installation des compteurs. Nous avons un programme qui porte sur une commande d’environ 600.000 compteurs. Et, ce qui constitue une première, j’ai décidé de présider personnellement le Conseil d’orientation et de surveillance de l’ADE. Tout ça pour vous dire toute ma volonté d’aller jusqu’au bout d’un certain nombre de mesures qui sont de nature à améliorer le service public de l’approvisionnement en eau potable.
Par ailleurs, je suis en train de travailler pour que les objectifs en termes de performances soient préservés et développés dans les SPA au niveau d’Alger, Oran, Constantine, El Tarf et Annaba où nous sommes en train de travailler. Toujours dans le souci d’atteindre les objectifs fixés en matière de bonne gouvernance de l’eau, nous avons pris une batterie de mesures : réduire les déperditions, préserver la ressource, améliorer et développer nos capacités de collecte et d’épuration des eaux usées, maintenir et entetenir nos installations et infrastructures pour pérenniser au mieux nos investissements réalisés.
Chaque hiver, les inondations sont une hantise. Quelles sont les mesures prises pour en réduire les risques ?
Je dois signaler une chose importante en matière d’inondations. Le secteur des ressources en eau intervient en grande partie sur la question préventive. A titre illustratif, ce que nous avons fait à Sidi Bel Abbès en matière de lutte contre les inondations est révélateur de cette ferme volonté de prendre en charge définitivement cette problématique : construction d’un barrage écrêteur, entretien de l’oued Mekkera et les canaux de dérivation pour ne citer que cette wilaya. Beaucoup de choses ont été faites dans plusieurs villes. Le ministère des Ressources en eau a pris en charge ce phénomène par l’élaboration des études y afférentes ainsi que la réalisation des travaux de protection des agglomérations exposées aux risques d’inondations. Le problème se pose beaucoup dans son aspect curatif, et ce n’est nullement le préventif.
Et puis, nous avons un plan national que nous sommes en train de suivre. Nous avons arrêté un budget objectif de 265 milliards de dinars que nous sommes en train de réaliser année par année. Mais le problème qui se pose reste dans la gestion urbaine. Il faut que les réseaux d’eau des villes soient pris en charge, que les avaloirs soient nettoyés et il faut envisager de faire des extensions lorsqu’on estime que la capacité du réseau des avaloirs est insuffisante.
Il faut aussi que les gens aient un peu de civisme et évitent de stocker des agrégats de sable sur les trottoirs, ce qui, dès les premiers orages, bouchent les avaloirs. Donc, le problème se pose beaucoup plus dans l’aspect curatif. Et cela, ce n’est pas l’affaire du secteur des ressources en eau. Notre mission est beaucoup plus préventive. La prévention constitue un atout majeur dans la politique du ministère des Ressources en eau pour l’atténuation du risque d’inondations. Les actions de curage des oueds et le traitement des avaloirs et des regards d’assainissement sont entreprises par le secteur de l’eau. Nous allons lancer, prochainement, des études pour généraliser, parce qu’on l’a fait à Sidi Bel Abbès, le dispositif de prévision et d’alerte des crues. L’alerte consiste à déclencher la mise en œuvre de moyens lorsque certains paramètres physiques caractéristiques de la crue dépassent des seuils préétablis.
Au-delà de la simple alerte, la prévision consiste à anticiper l’événement au maximum afin de disposer d’un délai supplémentaire pour prendre les mesures nécessaires. Notre pays ne dispose pas de ce système. Nous en avons mis un à titre expérimental au niveau de Sidi Bel Abbès et nous allons lancer un contrat prochainement pour le généraliser à travers l’ensemble du pays.
L’envasement des barrages s’avère un véritable problème. Qu’est-ce qu’il faut faire pour endiguer le phénomène ?
L’envasement des barrages n’est pas une fatalité. Cela dit, la question sera prise en charge. Comme mesures, nous avons pris la décision d’établir un cahier des charges à l’international. Dès que nous aurons le financement demandé, nous lancerons un avis d’appel d’offres et nous ferons venir des entreprises étrangères pour les opérations de désenvasement. Ces opérations permettront à l’Algérie de gagner quelque quarante millions de mètres cubes, l’équivalent d’un barrage.
A. H.