ENTRETIEN. “Le Tramway de Mostaganem sera livré au 1er trimestre 2022” (DG d’Alstom)

ENTRETIEN. “Le Tramway de Mostaganem sera livré au 1er trimestre 2022” (DG d’Alstom)

Nommé Directeur général d’Alstom Algérie en juillet 2020, Amar Chouaki revient dans cet entretien sur plusieurs points liés aux activités de son groupe spécialisé dans les systèmes de mobilité.

Qui est Ammar Chouaki ?

Je suis diplômé de l’École nationale polytechnique. Mon expérience est principalement acquise dans l’industrie aéronautique au niveau d’ingénierie et maintenance. J’ai acquis également une expérience ferroviaire. J’ai entamé ma carrière en France en tant que maître de conférences en mécanique avant d’intégrer le monde industriel avec des activités à l’international.

Durant ma carrière, j’ai occupé des postes où j’ai mis en place des partenariats allant des contrats commerciaux simples jusqu’à la mise en place de coentreprises à l’international.

Vous avez été nommé à la tête d’Alstom en plein début de pandémie. C’était comment ?

La crise sanitaire dédoublée par une crise économique avait un impact sans précédent sur de nombreuses entreprises. En ce qui nous concerne, notre priorité était la mise en place d’un ensemble de mesures sanitaires préventives afin de protéger nos collaborateurs et leurs proches.

Pour ce faire, nous avons fait appel à un certain nombre de moyens tel que le télétravail dans la mesure du possible, la prise de congé … et ce, dans l’objectif de contenir au mieux le risque sanitaire.

Le second aspect de la crise était de répondre aux attentes de nos clients, car certes, il y avait une crise, mais ils voulaient voir leurs projets avancer. Ainsi, on avait essayé d’assurer la continuité de nos projets tout en renforçant les mesures préventives dictées par les autorités.

Il faut noter que cette situation a clairement démontré la capacité de nos équipes qui ont fait preuve d’agilité, tout en faisant preuve de professionnalisme. En effet, l’ensemble de nos projets ont été menés de front, et ce, grâce à la motivation de nos équipes.

Et je profite de cette occasion pour rappeler qu’Alstom Algérie est composé à 100% de ressources algériennes. La majorité de nos collaborateurs sont issus d’écoles algériennes. Ainsi, je précise qu’Alstom Algérie est de droit algérien et est gérée par une équipe algérienne.

Quels sont vos objectifs ?

Il faut comprendre qu’au niveau du marché ferroviaire, il y a deux grands segments : le segment urbain et le segment « mainline » c’est-à-dire le transport régional. Actuellement, nous sommes déjà positionnés dans ces deux segments et nous comptons participer le plus fortement possible à leur développement dans le pays.

Il y a trois produits principaux dans le domaine de la mobilité : le matériel roulant, la partie système et infrastructure et l’exploitation et la maintenance. Chez Alstom Algérie, on se positionne sur l’ensemble de ce portefeuille de produits.

Plus précisément, nous sommes déjà installés sur la partie urbaine et régionale, mais nous souhaitons aller encore plus loin, notamment conformément aux besoins exprimés concernant des extensions de ligne de tramway ou de métro ou encore la création de systèmes de tramway au niveau des nouvelles villes.

Au niveau du transport régional et de grandes lignes, nous sommes également attentifs aux besoins définis en Algérie, dont les lignes minières qui sont l’une des priorités du pays.

Comment voyez-vous l’avenir du transport en Algérie ?

Si l’on prend en considération les annonces que font les acteurs dans le domaine, on se rend compte que l’orientation que l’Algérie prend, consiste à aller vers le développement de l’énergie renouvelable et de l’énergie propre. Il s’agit d’une orientation fondamentale.

Chez Alstom Algérie, nous sommes convaincus que la mobilité sera de plus en plus verte, numérique et interconnectée. À ce titre, nous comptons investir environ 600 millions d’euros par an en recherche et développement.

Nous sommes également en train de mener des activités de R&D pour le développement de batteries en ce qui concerne les courtes distances.

Pour les longues distances, pouvant atteindre les 1 000 km, on développe des piles à combustible qui sont alimentées par de l’hydrogène. Dans ce domaine, je tiens à réitérer que nous sommes les pionniers dans le monde.

Un autre exemple qui intervient dans le cadre de l’investissement d’Alstom, les processus de fabrication et d’assemblage du matériel roulant. Ici, on compte développer de nouvelles méthodes qui vont améliorer de manière significative les processus connus jusqu’à présent.

Alstom est souvent pointée du doigt pour les retards de réalisation des projets, pourquoi ?

C’est surtout sur les projets système et infrastructure, notamment en ce qui concerne les tramways, que l’on évoque le nom d’Alstom. Quand on parle de ces projets, par exemple ceux de Mostaganem et Constantine, il faut savoir que ce sont des projets très complexes et qui nécessitent une coordination très importante entre les parties prenantes.

En effet, il y a différents corps de métier qui doivent se coordonner (génie civil, construction bâtiment, construction de voies ferrées, installation de systèmes). Toutes ces parties doivent coordonner pour que l’on puisse réaliser un projet conformément aux attentes du client. Mais sur les chantiers, les intervenants et les activités sont interdépendants.

Durant la phase finale d’un projet, il y a une forte attention de la part des clients et des médias, car il y a la réalisation de tests. Alstom supervise cette phase. Ce qui nous rend donc tributaire si une partie, non relative à Alstom, rencontre des soucis. Autrement dit, si le projet a dérivé depuis un certain temps, indépendamment de notre volonté, nous nous retrouvons sous les projecteurs.

En parlant du tramway de Mostaganem, quand sera-t-il livré ?

Ce projet a été attribué par l’entreprise du métro d’Alger en 2013 à un consortium. Et quand on parle d’un groupement d’entreprises, il y a toujours un partenaire qui joue le rôle de chef de fil et qui est l’interface avec le client.

Le chef de fil de ce projet a décidé de se retirer, ce qui par conséquent, a désorganisé complètement le projet. Il a donc fallu trouver un remplaçant, identifier de nouveaux acteurs, trouver une nouvelle répartition des différentes tâches du projet. Ce qui, comme vous pouvez l’imaginer, prend du temps.

Ce que je peux dire aujourd’hui c’est que les différents points de blocage ont été levés, les activités retrouvent un rythme optimal. Pour répondre à votre question, je pense qu’on est dans la mesure de faire une livraison au premier trimestre de l’année 2022.

Prévoyez-vous de lancer d’autres projets ?

Il y a des projets qui devraient voir le jour, dont notamment le désengorgement de la capitale. Pour pouvoir entreprendre ces projets et pouvoir contribuer à leur développement, nous avons un certain nombre d’atouts qui ont déjà été présentés et prouvés en Algérie.

En effet, nous avons acquis Bombardier Transport ; Alstom a donc doublé de taille, étendu son portefeuille de produits et aujourd’hui c’est plus de 70 000 collaborateurs Alstom, dont des experts, à travers le monde, qui sont prêts à accompagner nos clients et répondre à leurs besoins de mobilité.

Une enquête a été récemment ouverte concernant les marchés accordés à Alstom estimés à 20 000 milliards de centimes. Un commentaire ?

Nous avons effectivement appris par le biais de la presse l’ouverture d’une enquête. Je souhaiterais souligner qu’Alstom dispose d’un programme de conformité, et ce, dans tous les pays où le groupe est présent. Des dispositions sont mises en place avec comme objectif prioritaire : pour la prévention de la corruption.

Les règles d’Alstom définissent des lignes directrices claires dans le cadre des relations avec les autorités publiques, les clients et dans d’autres domaines où il pourrait y avoir de la corruption ou des risques de non-conformité.

On cherche de manière permanente à améliorer notre programme. Il convient également de noter qu’Alstom a été l’une des premières entreprises au monde à obtenir, en 2017 et 2019, la certification AFAQ ISO 37001, qui vise à prévenir, détecter et combattre la corruption par la mise-en-œuvre d’un système de gestion anti-corruption.

Par Massin Amrouni et Merzouk Abdelaziz