Entrée en guerre de la Turquie contre le PKK et Daech en Syrie et en Irak , Erdogan cherche à remettre sur selle son parti

Entrée en guerre de la Turquie contre le PKK et Daech en Syrie et en Irak , Erdogan cherche à remettre sur selle son parti
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La subite réaction d’Ankara contre les Kurdes, et à un degré moindre contre l’organisation terroriste Daech, soulève moult interrogations, d’autant plus qu’elle intervient après un long silence de la Turquie sur les événements se produisant à ses frontières avec l’Irak et la Syrie.

Il ne fait aucun doute que ce changement de politique du gouvernement turc dans la gestion de ce conflit obéit à des considérations beaucoup plus internes qu’externes. Les spécialistes de la question turque n’y vont pas par quatre chemins pour faire le lien avec les derniers résultats des élections législatives dans ce pays, qui ont vu le Parti pour la justice et le développement (AKP) du président Tayyip Recep Erdogan perdre pour la première fois la majorité depuis son accession au pouvoir en 1996. La première conséquence de cette défaite est que la Turquie se retrouve sans gouvernement, d’où le recours inévitable à de nouvelles élections législatives comme le prévoit la Constitution dans le cas où les partis ayant remporté le plus de voix n’arrivent pas à s’entendre sur un cabinet de coalition nationale. Et comme un nouveau scrutin apparaît comme la seule solution à cette crise politique, Erdogan prépare le terrain pour que sa formation politique se réapproprie la majorité au parlement. Le meilleur argument pour forcer la main à l’électorat n’est autre que le volet sécuritaire. En effet, en brandissant la menace d’un retour des attentats, qui sont devenus quasi inexistants en Turquie depuis que le Parti des travailleurs kurdes (PKK) s’est engagé à respecter le cessez-le-feu conclu avec le gouvernement turc en 2013, Erdogan compte bien rafler la mise lors des prochaines élections et pérenniser son règne. Une chose est sûre, le PKK a jugé samedi que les conditions du cessez-le-feu décrété en 2013 dans le conflit qui l’oppose à la Turquie n’existaient plus après les frappes aériennes turques de la nuit, qualifiées d’“agression”, et les attentats ont repris. “Les conditions du maintien du cessez-le-feu ont été rompues (…) face à ces agressions, nous avons le droit de nous défendre”, ont souligné les Forces de défense du peuple (HPG), l’aile militaire du PKK, dans une déclaration sur leur site internet. Sur le terrain, la tension est vive dans de nombreuses villes de Turquie, où les manifestations dénonçant la politique syrienne du président Erdogan sont toutes réprimées par la police. Par ailleurs, la tactique du chef de l’état turc semble bien élaborée, puisqu’il s’attaque également, mais de façon modérée, à l’organisation terroriste Daech, afin de brouiller les pistes. Il suffit de voir les cibles des bombardements de l’aviation turque pour comprendre que ce sont beaucoup plus les positions kurdes qui sont visées qu’autre chose. L’autorisation d’Ankara aux états-Unis, et à d’autres pays de la coalition antijihadiste qu’ils dirigent, à procéder à des raids aériens en Syrie ou en Irak à partir de plusieurs de ses bases, dont celle d’Incirlik, n’est que de la poudre aux yeux, car la Turquie trouverait beaucoup plus ses comptes avec un Etat islamiste sunnite à sa frontière qu’avec un Etat kurde. C’est dire que tout est calculé chez Erdogan, qui n’a rien laissé au hasard en déclenchant les hostilités à nouveau avec les Kurdes, via Daech.



M. T.