La recomposition du secteur automobile est en marche. Et elle vient d’Italie. Dans la foulée de l’annonce, jeudi 30 avril, de son dépôt de bilan, Chrysler, le plus petit des trois constructeurs américains, a annoncé l’entrée de Fiat à hauteur de 20 % dans son capital.
Le constructeur turinois ne débourse rien. Il va apporter sa technologie sur la motorisation de petits véhicules économes et peu polluants à Chrysler qui, en échange, lui ouvrira son réseau de concessionnaires. Fiat pourra vendre sa Fiat 500 pour concurrencer la Mini de BMW et la Smart de Daimler. « C’est un partenariat qui donnera à Chrysler non seulement une chance de survie, mais la possibilité de prospérer dans un secteur automobile mondialisé », s’est félicité Barack Obama. L’appétit de Sergio Marchionne, l’emblématique patron de Fiat, semble insatiable. A peine revenu des Etats-Unis, il a déclaré son intérêt pour le constructeur allemand Opel, filiale de General Motors. « Maintenant, nous devons nous concentrer sur Opel ; c’est notre partenaire idéal », a-t-il dit au quotidien La Stampa.
Face à la crise qui secoue l’industrie automobile depuis plusieurs mois, M. Marchionne est persuadé que le secteur doit se consolider et que seuls les constructeurs capables de produire entre 5 millions et 6 millions de véhicules par an survivront. Fiat produit quelque 2,2 millions de voitures. Avec Chrysler, la production se montera à 4,4 millions, comme le coréen Hyundai mais derrière Toyota, General Motors, Volkswagen et Ford.
Reste à savoir si M. Marchionne réussira là où Daimler, qui fut propriétaire de Chrysler entre 1998 et 2007, et qui a dépensé des milliards de dollars pour le redresser, a échoué. Fiat est très endetté et a peu de liquidités compte tenu de la crise que traverse le marché automobile. Fin mars, l’agence Standard & Poor’s a déclassé sa note crédit à long terme en catégorie spéculative ou « junk », soulignant la faible position de liquidité de Fiat et des dettes arrivant bientôt à échéance.
Rien ne dit que le marché automobile va se redresser rapidement. Aux Etats-Unis, il devrait se vendre un peu moins de 10 millions de véhicules en 2009, contre 13,2 millions en 2008. Depuis le début de l’année, les ventes de Chrysler ont chuté d’environ 40 % par mois après un effondrement de 30 % en 2008.
Si certains analystes estiment que cette union est la parfaite combinaison de deux acteurs complémentaires – Fiat est spécialisé dans les petites voitures écologiques et Chrysler dans les gros modèles de type 4 × 4 et pick-up -, d’autres sont sceptiques.
« Je ne comprends vraiment pas cette opération, commente Gaëtan Toulemonde, analyste à la Deutsche Bank. Toutefois, comme Fiat prend peu de risques, il ne doit pas attendre une grosse récompense. Ce n’est pas comme quand Renault mettait 6 milliards d’euros pour s’allier à Nissan. C’était risqué, mais la récompense a été grande. »
Karl Brauer, du site automobile Edmunds.com, estime que M. Marchionne s’est lancé dans un pari dangereux. « Peu importe ses compétences, s’occuper d’un autre constructeur, c’est risquer de perdre beaucoup d’argent pendant des années. De plus, prendre au même moment une plus grande part dans un secteur en chute libre et dont l’avenir est incertain est un gigantesque pari. »
Rien ne dit que M. Marchionne réussira à vendre ses petites Fiat. Chrysler compte 3 200 concessionnaires, mais il est difficile d’imaginer une Fiat 500 et un gros pick-up Dodge côte à côte dans une concession californienne.