Entre le sort de Benzema et Meriem, Brahimi réfléchit

Entre le sort de Benzema et Meriem, Brahimi réfléchit

«Je n’ai décidé ni pour l’Algérie ni pour la France»

«Je ne suis pas titulaire indiscutable. Il me reste encore beaucoup de travail à faire pour espérer gagner la confiance du coach… Je ne pense pas aujourd’hui à être sélectionné.» Ces paroles sortent de la bouche d’un gamin de 20 ans, considéré comme surdoué, et dont on dit qu’il fait partie des meilleurs de sa génération.

Comme l’ont été avant lui, Karim Benzema et Samir Nasri qui ont réussi à atteindre le très haut niveau, bien que de manière discutable. Mais aussi, comme l’a été un certain Camel Meriem dont le rêve s’est fracassé à mi-chemin. Au point d’être réduit aujourd’hui, à quémander un rôle mineur dans un championnat de seconde zone.

La malchance de naître binational !

LG Algérie

C’est un peu ces deux cas qu’est en train de considérer Yacine Brahimi aujourd’hui que le monde du football est à genoux devant son talent. Mais ce poids qui pèse sur ses frêles épaules commence à l’écraser tellement il le charge d’une responsabilité qui le dépasse à la fleur de l’âge.

D’aucuns pourraient considérer que Brahimi a la malchance d’être… binational. A raison. Car c’est cela qui risque de lui compliquer la vie dans les jours à venir, lorsque Laurent Blanc et Rabah Saâdane penseront à lui en cochant son nom sur la liste qu’ils rendront publique avant la prochaine date FIFA.

Et si Saâdane et Blanc venaient à le convoquer au mois d’août ?

Et si les deux sélectionneurs venaient à lui adresser une convocation en même temps ? Du côté algérien, on est forcément preneur. Tout comme en France. Surtout que Blanc vient de décider de ne retenir aucun joueur des 23 grévistes du dernier Mondial.

C’est pour cela que le cœur de Yacine Brahimi commence à tambouriner plus vite que d’habitude, frisant la tachycardie. Pense-t-il plus à la France qu’à l’Algérie ? Sans doute que oui. Et quoi de plus naturel pour un joueur qui a de l’ambition. Car, il ne faut pas se leurrer, l’équipe de France offre une vitrine nettement plus alléchante lors des transferts.

Une origine maghrébine qui leur collera à la peau à vie

Nos meilleurs joueurs en sont la meilleure preuve. Eux qui, malgré un Mondial qui les a fait connaître aux yeux de tous les recruteurs du monde entier, restent encore en place, sans la moindre offre sérieuse émanant d’un club huppé. L’aveu de Nadir Belhadj est significatif dans ce sens. «Je n’ai reçu aucune offre sérieuse émanant d’un grand club en Europe.» C’est cela qui fait la différence, malheureusement.

Et l’Algérie a encore bien du retard en la matière. Regrettable en effet, mais c’est la triste vérité. En parallèle, Yacine Brahimi peut également réfléchir sur le sort de certains talents prometteurs en France, comme Benzema, Nasri et Benarfa, dont l’origine maghrébine leur sera rappelée à vie, tant que leur niveau n’atteindra pas celui de Zidane.

Indécis, comme un môme devant deux bonbons !

Mais malheureusement, il n’y aura qu’un seul Zizou et cela Brahimi doit aussi se le rappeler avant de prendre sa décision. Le jeune joueur du Stade Rennais est aujourd’hui confronté à un dilemme.

Que choisir et avec quelle sélection faire sa carrière internationale ? Que propose l’une et l’autre ? Que va-t-il devenir en optant pour l’Algérie de ses parents ou pour la France de sa douce enfance ? Yacine est aujourd’hui trop indécis pour nous donner une réponse. Il est un peu comme ce môme, à qui on demande de choisir vite entre deux bonbons multicolores et fortement alléchants.

«On n’a pas marqué» devient «Ils n’ont pas marqué» !

Cela se sent dans ses réponses, lorsqu’il s’intègre totalement avec les Algériens en disant : «On n’a pas marqué», avant de se reprendre en parlant des Algériens de son sang avec un trop prudent «Ils», vulgairement impersonnel et aussi indéfini que son projet international. Des lapsus révélateurs, on en récoltera à la pelle dans cette interview qu’il aurait pu nous refuser, s’il ne nous faisait pas une confiance aveugle.

Mais Yacine a accepté de parler, même si c’était juste pour nous livrer de vagues sentiments. Sans être profond, en tout cas, surtout pas aux yeux des lecteurs algériens, qui s’en verront frustrés à la fin. La faute, toujours à cette trop alléchante vitrine des Bleus, qui leur fait miroiter la possibilité d’une carrière à la Zinedine Zidane !

Doit on lui en vouloir à 20 ans, alors que d’autres sont venus à 30 ans ?

Doit-on lui en vouloir pour autant, lorsqu’il dit qu’il sera à l’écoute de la liste de Laurent Blanc, avec des yeux bien écarquillés ? Et doit-on aussi l’enfoncer et le traiter de traître de la nation, lorsqu’il se ressaisit en rectifiant une phrase qui allait lui faire dire qu’il se détournait des deux sélections ? Bien sûr que non ! L’Algérien a appris avec le temps à pardonner à ceux qui ont pensé pire que lui par le passé.

Et comment ne pas lui pardonner lorsqu’on se rappelle de Benarbia qui a attendu d’avoir soufflé ses 30 ans pour dire oui à son pays ! Hemdani aussi n’était venu qu’en fin de carrière. Ce n’était jamais trop tard

Quand les portes du «paradis bleu» seront cadenassées ?

D’autres à qui on a érigé des statues dans nos cœurs aujourd’hui, se sont rabattus vers l’Algérie à 24 ou 25 ans, lorsqu’ils ont vu toutes les portes menant au paradis bleu cadenassées. Pourquoi donc le blâmer lui, à tout juste 20 ans ? Adjaoud, l’ancien international algérien a eu au moins le courage de l’avouer, tout comme l’a fait par la suite Madjid Bougherra, en affirmant tous les deux que «tous les footballeurs issus de l’émigration auraient joué pour l’équipe de France, si on leur avait donné la chance chez les A».

Venir en premier choix, plus jamais par défaut !

Brahimi doit être sûr qu’il fera les efforts nécessaires avant de se donner à l’Algérie, toute l’Algérie. Et non pas seulement à celle qui lui fera miroiter quelques contrats publicitaires, qui le soulageront un peu de la douleur de voir leur talent se monnayer uniquement en dinars, du moment que l’euro leur a tourné le dos ! Si c’est pour nous narguer comme les autres, autant qu’il opte pour la France, on l’y poussera volontiers.

Mais si c’est pour venir respecter ses compatriotes dans le besoin comme dans les largesses, alors, on lui ouvrira les bras comme nos grands parents nous appris à faire. On le fera à la vraie manière des Algériens en lui souhaitant du fond du cœur la bienvenue. Loin de toute hypocrisie. Pourvu qu’il en fasse autant, lui et les jeunes Verts du futur. Ça nous changera de certains…

«Je n’ai décidé ni pour l’Algérie ni pour la France»

D’abord votre analyse sur ce match contre Lorient (2-1) et cette deuxième défaite pour Rennes ?

Et bien, forcément, je suis déçu qu’on ait perdu une seconde fois d’affilée, même si ce ne sont que des matchs amicaux. Mais c’est sûr qu’il était important de gagner pour pouvoir s’améliorer et surtout prendre confiance pour le début du championnat. Sur le plan personnel, je suis aussi déçu, surtout que j’ai encore perdu un match alors que j’ai horreur des défaites.

Vous paraissiez pourtant très motivé ce soir, surtout que vous avez marqué un but…

Oui, c’est sûr que j’étais très motivé et je le suis toujours sur un terrain de football. Maintenant, que vaut mon but quand on perd le match ? Rien. Cela reste donc une grosse déception et il faut qu’on apprenne à détester la défaite et repartir à l’aventure dès mercredi pour enchaîner sur deux victoires consécutives. Cela nous permettra de nous ressaisir et d’entamer la saison comme il se doit.

Le moins que l’on puisse dire est que votre coach vous fait une totale confiance en ce début de saison, non ?

J’espère bien gagner la confiance du coach cette année. Maintenant, je ne me considère pas comme un titulaire indiscutable. J’ai encore beaucoup de travail à faire et j’espère y arriver avec le temps et gagner pleinement la confiance du coach, tout au long de l’année.

On a vu ce soir que vous êtes devenu la coqueluche des supporteurs rennais. Vous revenez à Rennes avec un nouveau statut. Qu’est-ce que ça vous fait ?

Je ne sais pas vraiment si je suis la coqueluche des supporteurs comme vous dites. Si c’est le cas, et bien ça me fait vraiment plaisir et je remercie tous les supporteurs du Stade Rennais pour le soutien qu’ils nous apportent à moi et à toute l’équipe et j’espère qu’on leur fera plaisir tout au long de la saison.

Vous avez sans doute suivi la Coupe du monde. Les matchs de l’Algérie aussi ?

Bien sûr que j’ai suivi les matchs de l’Algérie, parce que c’est le pays de mes origines. Je n’ai raté aucun match de l’Algérie et j’étais à chaque fois devant ma télé.

C’était quoi votre sentiment à la fin, vous étiez déçu ?

Oui, c’est sûr que j’ai été déçu de ne pas les voir aller plus loin. J’étais déçu parce qu’ils auraient pu passer au second tour. Ils ne sont pas passés très loin. Mais sinon, dans l’ensemble, ils ont réalisé une très bonne prestation.

Qu’est-ce qui a manqué à cette équipe d’Algérie, selon vous ?

Je pense que c’est le manque de réalisme qui a fait défaut, car s’ils marquaient des buts contre… Si je me souviens bien, on n’a pas marqué, enfin, ils n’ont pas marqué de buts… (il se reprend et comprend ce lapsus, ndlr). Et bien, voilà, c’est cela la grosse déception.

Quand vous dites «On n’a pas marqué», est-ce que vous vous êtes dit à un moment du match de l’équipe d’Algérie : «J’aurais pu être sur le terrain avec eux ! » ?

Oui, peut-être. Mais maintenant, je ne le dirai pas… (ll cherche ses idées). C’est sûr que ça me tenait à cœur de voir le match et ça me faisait plaisir.

Quand l’Algérie vous a contacté, vous aviez répondu : «On verra après la Coupe du monde.» Aujourd’hui, on y est. Alors ?

Non, non, je n’ai pas eu de contact. Maintenant, si j’ai dit cela, alors on verra bien plus tard… (il sourit)

Il y a un match amical le 11 août, à Alger, entre l’Algérie et le Gabon. Dites-nous franchement, si Saâdane décidait de vous convoquer, vous diriez quoi ?

Franchement, pour l’instant, je me consacre à Rennes et à gagner une place de titulaire avec mon club. Aujourd’hui, je ne suis pas dans l’optique d’aller dans une des d… (il allait dire dans une des deux sélections, puis il se reprend de justesse, ndlr), enfin dans la sélection de l’Algérie. Pour l’instant, je n’en suis pas encore là. Pour la suite, on verra

Vous serez au moins attentif à la liste des Bleus que dévoilera le 5 août prochain Laurent Blanc ?

(Il sourit)… Ouais, c’est sûr que je regarderai la liste, mais sur un plan personnel, je n’attends pas une sélection en Algérie, euh… en équipe de France. Je n’en suis pas encore là, sincèrement. J’en parlerai plus clairement le jour où je me sentirai proche d’une telle éventualité. Je suis encore jeune pour penser à la sélection. Ce n’est pas d’actualité dans ma tête. Je n’ai encore pris aucune décision ni d’un côté ni dans l’autre

Et si votre nom figurait dans la liste des joueurs sélectionnés, vous feriez quoi à ce moment ?

C’est sûr que si mon nom sera sur la liste, j’y réfléchirai bien à ce moment. Mais au jour d’aujourd’hui, je n’y pense pas du tout, car je veux juste me consacrer à ce que je vais faire en club. Je n’ai pas changé d’optique, je n’ai pas pensé prendre de décision dans ce sens.

Et vous comptez la prendre quand, cette fameuse décision que tout le monde attend ? Vous ne pensez pas qu’il est aujourd’hui temps de la prendre définitivement ?

Il est temps, non, car ce sera le moment quand moi je l’aurai décidé. Personne ne peut m’imposer une telle décision. Après voilà, je ne veux pas brusquer les choses. Je veux continuer à jouer de mieux en mieux pour m’améliorer sur le terrain. C’est mon souci majeur au jour d’aujourd’hui. Je veux d’abord m’imposer à Rennes, et par la suite, on verra bien.

Vous n’aimeriez pas participer aux éliminatoires de la CAN ?

Non, je n’y pense pas je vous dis. C’est encore trop tôt pour penser à la sélection. Je suis désolé de ne vous donner que cette réponse aujourd’hui.

Et vos parents, ils en pensent quoi au juste ?

Mes parents attendent aussi que je donne ma réponse. C’est moi qui déciderai de mon avenir tout seul. Ils respectent mes choix depuis toujours.

Saâdane a été maintenu en équipe d’Algérie. Vous en pensez quoi ?

Je pense que c’est bien de maintenir le coach qui a qualifié l’équipe au Mondial. Cela signifie que la fédération pense à la stabilité du groupe et à la continuité. Les changements, c’est toujours compliqué dans une équipe, car ça perturbe beaucoup les joueurs. Le maintien du coach Rabah Saâdane est donc bien. Cela fera plaisir à toute la Fédération algérienne et aux joueurs. Il ne faut pas oublier que c’est grâce à lui que l’Algérie est allée en Coupe du monde.

Pour conclure cette interview, on peut dire que Brahimi n’a encore pris aucune décision ni pour les Bleus, ni pour les Verts et qu’il tient surtout à progresser en club avant de décider de son avenir en sélection. Vous êtes d’accord avec cela ?

Oui, c’est cela. Je n’ai encore rien choisi pour le moment. Sachez surtout que je n’ai pris aucune décision au jour d’aujourd’hui et que mon souci principal est de faire une bonne saison avec mon club. La décision se fera peut-être bientôt, comme elle pourra se faire dans un an ou quelques années plus tard. Je n’en sais absolument rien. Tout va vite dans le football et on ne sait pas ce que l’avenir nous réserve.