Entre les deux camps qui s’observent en chiens de faïence, la guerre des dialogues est engagée. Un front de plus de trente partis parrainé par le FLN a sorti le grand jeu à la Coupole du stade du 5 juillet sur les hauteurs d’Alger. Tout y était, sauf l’essentiel. Aucun document politique d’ampleur n’a été adopté. On s’est contenté de généralités et de promesses de défendre l’unité et l’intégrité du pays des risques externes qui se profilent à l’horizon.
Les organisateurs n’ont posé qu’une seule condition celle de soutenir l’action du Président Abdelaziz Bouteflika et défendre la souveraineté et l’immunité du pays. Le SG du FLN, Amar Saâdani, qui fera un bilan de l’action du chef de l’Etat a égrené les réalisations de plus d’une dizaine d’années à savoir la réconciliation nationale, les grands chantiers socio-économiques, le paiement de la dette par anticipation, le retour de l’Algérie sur la scène internationale, les réformes politiques profondes avec à la clé la restructuration des services et la révision en profondeur de la constitution.
Ce front qui a appelé à la création d’un rempart national contre le danger, n’a pas cherché à provoquer l’autre camp. C’est une avancée considérable dans le processus démocratique. L’autre front, celui de l’opposition qui réunit une dizaine de partis, a eu aussi sa petite heure d’audimat à Zeralda. Ces partis qui en sont à leur deuxième congrès ont également exprimé leurs craintes comme en 2014 de voir le pays sombrer dans le laisser-aller. Mais ils n’ont pas demandé cette fois ci le départ du Président Bouteflika comme ils n‘ont pas renouvelé leur revendication d’une élection présidentielle anticipée au risque d’incommoder le front parrainé par le parti majoritaire, très sensible et chatouilleux lorsqu’on l’écorche sur cette question.
Dans la déclaration finale sanctionnant les travaux de cette deuxième rencontre, l’opposition met en avant « les dangers qui entourent l’Algérie et la nécessité de renforcer le front intérieur » autour de l’armée afin qu’elle assure la sécurité nationale et protège le pays contre toute menace extérieure. L’opposition a ainsi affirmé qu’elle est totalement mobilisée derrière l’ANP pour contrecarrer « toute menace à l’encontre de l’unité nationale et de la cohésion sociale ». Selon elle, le véritable bouclier qui protégerait l’Algérie « est la stabilité de son front intérieur », laquelle ne peut être préservée qu’avec l’enracinement de l’esprit patriotique chez l’ensemble des Algériens.

Les participants au sommet de l’opposition ont également renouvelé leur appel pour une transition qui soit « démocratique, souple et pacifique » et au bénéfice de tous les Algériens. Ils ont réitéré leur exigence d’une véritable instance indépendante d’organisation des élections, à même de garantir des scrutins « neutres et transparents ».
La nouvelle Constitution adoptée par le Parlement sans encombre a-t-elle commencé produire son effet ? Les premiers actes qu’aura à poser le Président Bouteflika doivent être de nature à prouver qu’il veut, désormais, gouverner autrement le pays, et non pas seulement poursuivre son œuvre, dans une atmosphère de méfiance. De tout cela dépendra l’apaisement, préalable à l’amorce d’un dialogue politique. Le dialogue politique que tout le monde attend doit émaner de la Présidence. Les restructurations ayant touché le fonctionnement des services de renseignement semblent concourir à cette optique, à savoir dépouiller les institutions des pouvoirs parallèles et de parasitage.
Si de son côté, le Président Bouteflika accepte de tendre la main avec plus d’« engagement », cette fois, la CNTLD n’a, elle non plus, aucun intérêt à refuser de retourner autour de la table de dialogue. Retourner à la table des négociations serait à l’honneur de l’opposition. C’est le seul moyen démocratique pour se replacer au centre du jeu politique, de maintenir son unité et ses bases politiques, en misant sur les prochaines élections législatives et communales.
Dans cette perspective, les deux parties doivent trouver un terrain d’entente, pour parler un même langage et favoriser la mise en place d’un maximum de garanties de transparence, pour des élections prochaines. C’est à ce prix que pourrait être évacuée la « tension politique chronique » que vit le pays.