Il serait incorrect de ne jeter la pierre qu’aux travailleurs. La responsabilité incombe aussi aux politiques.
La grève des cheminots a pris fin hier. Le directeur général de la Sntf, Yacine Bendjaballah, a confirmé un accord entre les représentants syndicaux des conducteurs de trains et la direction de l’entreprise à l’issue d’une rencontre qui «avait été soldée par une décision portant retour au protocole d’accord qui comptait cinq points précédemment soumis à la direction générale de la Sntf».
Les grévistes, dont certaines revendications ne pourraient être accordées en raison de leur complexité, ont accepté de reprendre le travail, sur la base de l’engagement d’un bureau d’études, missionné pour faire des propositions de repositionnement des 36 sections que compte le statut des travailleurs de la Sntf. Promesse a été faite aux conducteurs de trains que l’opération ne saurait dépasser les 15 jours. C’est dire donc que le problème n’est pas solutionné, mais juste différé.
foisonnante», n’en pose pas moins un certain nombre de questionnements. En effet, il est de notoriété publique que la Sntf est une entreprise publique non autonome, criblée de dettes. La société qui a payé un lourd tribut lors de la décennie des années 1990, traîne un déficit structurel qui l’empêche de se déployer malgré la marge de progression dont elle disposait.
Il faut dire néanmoins que les très importants investissements publics dans le rail apportaient des perspectives prometteuses pour cette entreprise publique qui, en bout de chaîne des efforts de l’Etat a bénéficié d’une enveloppe conséquente pour améliorer ses prestations, et partant, son rendement.
Et c’est au moment où la Sntf a véritablement besoin d’un maximum de stabilité sociale pour mener à bien son ambitieux plan d’investissement qui porte sur des acquisitions de locomotives, de nouveaux trains à grande vitesse, de l’ouverture de nouvelles lignes de transport de voyageurs et de marchandises, que les conducteurs de trains «sortent du bois» et posent leurs problèmes socioprofessionnels.
Première conséquence de cette montée de fièvre, une perte sèche de 100 millions de dinars. Pour une entreprise surendettée, engagée dans un programme d’investissement lourd, complexe et assez difficile à déployer en raison des grands retards cumulés, un mouvement d’humeur des travailleurs n’est certainement pas une affaire de «détail».
Il n’est pas besoin de rappeler qu’en cette circonstance financière difficile que traverse le pays, les 100 millions de dinars valent leur pesant d’or. On voit, en effet, mal le Trésor public accorder une rallonge de crédit à la Sntf, pour lui permettre de passer le cap difficile généré par le mouvement de grève.
Il est entendu que pour la direction de l’entreprise, les 100 millions de dinars laisseront de sérieuses séquelles dans la trésorerie et il sera plus que compliqué de mettre en oeuvre le moindre accord avec les syndicats pour des raisons de raréfaction des moyens financiers. Aussi, ce mouvement social et les conséquences immédiates qu’il cause aura-t-il un impact direct sur le programme de redéploiement de la Sntf et peut-il donc retarder, voire compromettre certaines échéances?
Il reste que le droit de grève étant reconnu aux travailleurs en toutes circonstances, il serait incorrect de ne jeter la pierre qu’aux travailleurs. La responsabilité incombe aussi aux politiques qui ne semblent pas prêts à tirer la vraie sonnette d’alarme, histoire d’amener les salariés à tenir compte de la situation financière du pays. Au lieu de cela, le ministère des Finances s’est engagé dans une logique difficile à comprendre, puisqu’il en appelle aux salariés justement à participer à l’emprunt obligataire en mettant à contribution une partie de leurs salaires.
Ce qui peut s’interpréter comme un aveu d’échec, est formulé sur le registre du patriotisme économique. Un concept qui n’intéressait, il n’y a pas si longtemps, que les grosses fortunes du marché parallèle.
Ainsi, les propos approximatifs de l’Exécutif et l’évolution, pas toujours rassurante, du discours du ministre des Finances, envoient des signaux brouillés à la société.
La grève des conducteurs de trains est l’exemple parfait d’une démarche kafkaïenne des pouvoirs publics en matière de communication sur la crise qui, au lieu de mobiliser, coupe une partie de la société des préoccupations du gouvernement.