Enterré hier à El Alia ,Emouvantes funérailles du Président Ben Bella

Enterré hier à El Alia ,Emouvantes funérailles du Président Ben Bella

Al’arrivée du cortège funèbre au cimetière d’El Alia, après la prière à la mémoire du défunt et une oraison funèbre prononcée par Mohamed-Chérif Abbas, ministre des Moudjahidine, il a été procédé à la mise en terre de la dépouille mortelle d’Ahmed Ben Bella.

Dans son oraison, Mohamed Chérif Abbas dira : «Nous sommes rassemblés aujourd’hui pour accompagner à sa dernière demeure un grand homme qui a consacré toute son existence à l’Algérie et à son indépendance. Un sage qui a marqué à la fois l’histoire de la guerre de Libération et celle de l’Algérie indépendante dont il fut le premier président».

Quelque temps auparavant, le cortège funèbre, dans une atmosphère lourde et sous une pluie battante, s’est ébranlé hier en début d’après-midi du Palais du peuple, à travers les grandes rues d’Alger le menant vers le cimetière d’El Alia.

Comme, il y a de cela 50 ans, à l’occasion de son investiture, le premier président de l’Algérie a pompeusement emprunté les rues d’Alger sauf que la destination n’était pas la même. C’est ainsi que le cortège mortuaire a emprunté la rue Didouche Mourad, la Grande Poste, le boulevard de l’ALN où à chaque fois, dans une ambiance de deuil et recueillement, l’attendait malgré la pluie, une foule composée d’hommes, de femmes, de vieux, jeunes et moins jeunes, venus saluer celui qui fut leur premier président dont la dépouille mortelle, drapée de l’emblème national et entourée de gerbes de fleurs, était transportée sur un véhicule militaire découvert. Des balcons et trottoirs retentissaient des youyous. Juste derrière le véhicule mortuaire, suivait celui du Président Bouteflika, assis à l’avant. Il a accompagné le cercueil sur les huit kilomètres du trajet jusqu’au cimetière d’El Alia où reposera à jamais le regretté Ahmed Ben Bella au Carré des Martyrs.

Outre le chef de l’Etat, les membres du gouvernement, de hauts responsables de l’Etat, des personnalités politiques et de délégations étrangères sont venus rendre un dernier hommage au défunt. Parmi, les personnalités étrangères l’on pouvait notamment reconnaître le Premier ministre marocain Abdelilah Benkirane, le président Moncef Marzouki accompagnés de nombreux officiels tunisiens comme le leader du parti Ennahda, Rached Ghannouchi. Pour eux, la disparition de Ben Bella affecte également les pays arabes, ajoutant que le défunt était «une des grandes personnalités de la Révolution algérienne et un des grands leaders du monde arabe et du tiers-monde qui nous ont inculqué dans notre jeunesse l’esprit de rébellion contre le colonialisme». Pour Meftah Mesbah Ezaouan, représentant du président de la Commission de l’Union africaine (UA), Jean Ping, et également président de la délégation permanente de l’UA à la Ligue arabe, a déclaré que l’Afrique a perdu en Ben Bella un «grand homme», formulant le vœu que «l’Algérie et l’Afrique puissent trouver une relève à cette personnalité qui a légué un grand héritage aux actuelles et futures générations». Le président sahraoui, Mohamed Abdelaziz était également présent aux obsèques de Ahmed Ben Bella. Pour lui, il s’agit de la perte d’«un valeureux symbole du militantisme et du patriotisme qui a contribué au combat libérateur de nombreux peuples». Le Premier ministre mauritanien, Moulay Oulad Mohamed El Aghdas, est lui aussi arrivé hier matin à Alger pour assister aux funérailles du défunt Ben Bella. Il a ainsi qualifié la mort de Ben Bella de «perte pour l’Algérie et pour le monde arabe et musulman, compte tenu de son rôle historique pour la libération de son pays et de son combat pour l’unité maghrébine et arabe». En outre, Le fils de l’émir du Qatar, Jouan Ben Hamed Ben Khalifa Al Thani, est arrivé hier après-midi à Alger pour présenter les condoléances de son pays à l’Algérie,

Plusieurs partis politiques et organisations nationales et arabes, à l’instar de Mohamed Sbih, secrétaire général adjoint de la Ligue arabe, ont rendu jeudi un vibrant hommage au défunt et ont exprimé leur «profonde affliction» suite à la disparition du premier président de l’Algérie indépendante. Le recteur de la Grande mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, a, lui, salué dans un communiqué, la mémoire du premier président de la République algérienne, qui «combattit courageusement pour l’indépendance et la refondation de l’Etat algérien».

De son côté, la presse algérienne, arabe et internationale paraissant jeudi et vendredi, a réservé de larges espaces à cette douloureuse circonstance, rendant hommage à «homme combatif» et à un «symbole» du sacrifice et de la lutte pour l’indépendance du pays et au «père de l’Algérie».

Par ailleurs, une veillée funè-bre organisée jeudi soir au Palais du peuple à la mémoire du défunt et à laquelle ont assisté des membres de sa famille, des proches et amis du défunt, était marquée par une ambiance de recueillement où des imams ont récité des versets du Saint Coran.

Dans la matinée, après s’être rendu au domicile mortuaire pour présenter ses condoléances à la famille de son compagnon d’armes, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, qui avait décrété dès l’annonce du décès un deuil national de huit jours, avait accompagné la dépouille mortelle du domicile du défunt jusqu’au au Palais du peuple, afin de permettre aux membres des corps constitués et à la population de se recueillir à sa mémoire. En cette circonstance, le chef de l’Etat a fait «l’éloge du combat du défunt, homme distingué au grand sacrifice pour libérer sa patrie et son peuple de l’occupation étrangère abominable». Des hauts responsables de l’Etat, des membres du gouvernement, des moudjahidine, des personnalités politiques ainsi que plusieurs citoyens de tous âges se sont déplacés au Palais du peuple pour un dernier hommage à Ahmed Ben Bella dont la dépouille était drapée de l’emblème national, au milieu d’une grande salle où des versets du Coran étaient diffusés.

Monseigneur Henri Teissier, ancien archevêque d’Alger, est lui aussi venu rendre un dernier hommage à Ben Bella, disant se rappeler «des moments où le défunt a été capturé par la France, avant l’indépendance de l’Algérie, dès son arrivée à Alger en septembre 1962».

Retour sur un parcours de «militant nationaliste infatigable»

Le premier président de l’Algérie indépendante (1962-1965), Ahmed Ben Bella, fut un militant nationaliste infatigable qui a gravi tous les échelons de responsabilité dans le mouvement national et a joué un rôle de premier rang dans le combat libérateur du peuple algérien. Né le 25 décembre 1916 à Maghnia dans la wilaya de Tlemcen, il a adhéré au Parti du peuple algérien (PPA), suite aux massacres du 8 mai 1945 de la population algérienne par le colonialisme français. Il fut responsable pour l’Oranie de l’Organisation secrète (OS), au titre duquel il avait participé à l’attaque de la poste d’Oran, en 1949, aux côtés de Hocine Aït Ahmed. Une année après, il intégra le comité central du Mouvement pour le triomphe des libertés et de la démocratie (MTLD) avant de prendre la responsabilité nationale de l’OS, en remplacement de Hocine Aït Ahmed. Il sera ensuite arrêté à Alger, en mai 1951, où il écopera de 7 ans de prison pour atteinte à la sûreté de l’Etat. Emprisonné à Blida, il réussit à prendre la fuite deux ans plus tard, en compagnie d’Ali Mahsas. En 1953, Ahmed Ben Bella rejoint Aït Ahmed et Mohamed Khider au Caire en Egypte pour se voir charger de la mission d’acheminer des armes et munitions en Algérie, suite au déclenchement de la guerre de Libération nationale, le 1er Novembre 1954.

Membre de la délégation extérieure du Front de libération nationale (FLN), Ben Bella fut arrêté par les services de sécurité français, suite au détournement de l’avion «Air Atlas», de retour du Maroc, en compagnie de Mohamed Boudiaf, Hocine Aït Ahmed, Mohamed Khider et Mostefa Lacheraf. Il fut interné à l’Ile d’Aix, au château de Truquant et à Aulnoy jusqu’au 18 mars 1962, date de la signature des Accords d’Evian.

Membre du Conseil national de la Révolution algérienne (CNRA) de 1956 à 1962, Ahmed Ben Bella a occupé successivement le poste de vice-président du conseil (en détention) le 19 septembre 1958, le 18 janvier 1960 et enfin le 27 août 1961 (toujours en détention). Le 27 septembre 1962, il devient président du conseil, Chef du gouvernement.

Il fut élu, le 15 septembre 1963, président de la République, président du conseil. Destitué le 19 juin 1965, Ahmed Ben Bella est resté en résidence surveillée jusqu’à juillet 1979 où il fut assigné, par la suite, à la résidence à M’sila avant d’être libéré en octobre 1980.

Réintégrant la scène politique Ahmed Ben Bella a soutenu la politique de réconciliation nationale mise en œuvre par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika. Il était président du groupe des Sages de l’Union africaine (UA), depuis 2007, un organe pour prévenir et intervenir dans les crises qui secouent le continent. Par ailleurs, Ahmed Ben Bella était notamment auteur de deux textes intitulés «L’islam et la révolution algérienne» et «La filiation maudite».

Par Lynda Naili Bourebrab