Enseignement des langues maternelles en Algérie, Le débat qui s’impose

Enseignement des langues maternelles en Algérie, Le débat qui s’impose
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Généraliser l’enseignement de tamazight

L’occasion du 35ème anniversaire du Printemps berbère devrait être une escale pour les bilans et la recherche des voies et moyens novateurs pour le développement de la langue et la culture amazighes.

Aujourd’hui, 60 ans après l’indépendance acquise au prix cher de larmes et de sang, beaucoup de spécialistes s’interrogent sur les conséquences psychologiques du choc subi par les enfants berbérophones au premier contact de l’école où leur langue maternelle est interdite d’accès. Alors que certains minimisent l’impact, d’autres, par contre, considèrent qu’il s’agit bel et bien d’une agression caractérisée commise sur l’enfant. Et à ce titre, comme les pouvoirs, l’Ecole algérienne est coupable d’agression sur les enfants berbérophones.

Jusqu’à aujourd’hui, des enfants sont traumatisés par l’obligation de prendre le premier contact à l’école avec une langue qu’ils ne comprennent pas du tout. Dans certaines zones urbaines, les parents font état de chocs brutaux subis par leurs enfants. Des enseignants interdisent à des enfants berbérophones de parler leur langue maternelle à l’intérieur de la classe. Véritable point de départ dans la vie d’un individu, donc essentiel, fondamental et naturel dans un processus d’épanouissement social. C’est en quelque sorte, un ticket d’entrée dans la vie dont l’enfant a été spolié. Aussi, pour rendre justice à ces enfants, l’Etat algérien est appelé à protéger les futures générations de cette agression caractérisée par l’officialisation de tamazight.

LG Algérie

Le choc de l’école

Jusqu’à une date très récente, parler de la Journée mondiale des langues maternelles en Algérie, c’était parler de la corde dans la maison d’un pendu. Décrétée, le 21 février, date symbole de la mort de deux étudiants du Bangladesh, tués en 1952 par la police lors des manifestations pour la reconnaissance de leur langue, la Journée mondiale des langues maternelles est célébrée par l’Unesco depuis 1999. Un black-out total a été implicitement décrété contre cette manifestation jusqu’à l’année dernière qui a vu la ministre de l’Education nationale signer un protocole d’accord avec le Haut Commissariat à l’amazighité pour l’élargissement de l’enseignement de tamazight. La ministre s’est d’ailleurs engagée à faire le nécessaire pour généraliser l’enseignement de tamazight dans toutes ses déclinaisons.

Un pas a été donc fait par l’Etat, mais est-ce suffisant pour réparer le mal fait aux enfants berbérophones durant les 60 ans d’indépendance de leur pays.

Dans une réflexion sur la place de la Langue nationale dans l’enseignement scolaire, la commission de la culture, de la science et de l’éducation de l’Union européenne, avec le professeur George Lüdi de l’université de Bâle, a établi en évoquant le cas d’un enfant suisse francophone obligé de faire ses premiers pas à l’école en allemand. Pédagogiquement, le choc subi par l’enfant est brutal et les conséquences sont graves. Le point de vue juridique de sa réflexion ne nous intéresse, cependant pas, car, en Algérie, il s’agit d’un problème constitutionnel qui fait que la langue maternelle des Berbérophones est carrément bannie. Le professeur conclut que le domaine affectif, en particulier la confiance en soi-même, l’assurance, l’amour-propre et l’identité des enfants, sort renforcé de l’emploi de la langue maternelle comme langue d’enseignement. Ceci augmente la motivation, l’initiative ainsi que la créativité des élèves et leur permet de développer leur personnalité et leur intelligence. Au contraire, l’enseignement submersif (dans une autre langue officielle imposée exclusivement à l’école), les rend silencieux et passifs; le mode de répétition mécanique engendre des frustrations et finalement des échecs scolaires.

Des enfants tyrannisés

Beaucoup de parents font état de pratiques inacceptables de certains instituteurs qui interdisent aux enfants de première année ou de maternelle de parler en kabyle, leur langue maternelle dans les classes. Une agression qui jouit de la loi de l’omerta depuis l’Indépendance dans les zones de la Kabylie où domine le bilinguisme comme les villes de Tizi Ouzou, Draâ Ben Khedda ainsi que les localités de Sidi Naâmane.

Aujourd’hui, beaucoup de parents dénoncent ces pratiques dont les conséquences sont dramatiques sur leurs enfants. Certains vont jusqu’à conclure que la responsabilité de l’Etat est directement engagée. A Draâ Ben Khedda, ils sont trop nombreux les cas de parents qui soulèvent ce phénomène. «J’ai connu de trop grandes difficultés pour socialiser mon enfant à l’école durant sa première année. Il refusait même d’y aller par peur de l’instituteur. Il ne comprenait pas ce qu’il lui disait. Ce qui se passe est grave» affirme un parent qui a voulu témoigner à ce sujet.