Enseignement de la langue française: L’équation algérienne

Enseignement de la langue française: L’équation algérienne

L’enseignement du français reste toujours problématique en Algérie, notamment dans le Sud et les Hauts-Plateaux, mais la situation des langues maternelles aussi laisse à désirer.

Le problème de l’enseignement du français dans certaines wilayas du Sud est dû au refus des enseignants de s’y rendre, a déclaré la ministre de l’Education nationale jeudi à Alger. «Il n’y a pas de déficit en matière d’enseignement du français dans certaines wilayas du Sud», a soutenu également la ministre en répondant à la question orale d’un député de l’Assemblée populaire nationale (APN), soulignant que les enseignants affectés au titre des concours de recrutement dans ces régions refusaient d’intégrer leur poste. Elle a fait savoir par ailleurs que son ministère élaborait un projet de décision interdisant la dispense de l’épreuve de français lors des examens officiels, notamment de fin de cycle primaire et ce, a-t-elle expliqué, en application de la loi d’orientation sur l’éducation de 2008.



Elle a fait état de 2 980 élèves n’ayant pas passé les épreuves de français lors de l’examen de fin de cycle primaire 2015. Concernant les wilayas où les candidats n’ont pas passé l’épreuve de français en 2015, elle a indiqué que celle de Djelfa a enregistré le plus haut taux avec 56,8%, suivie de Tamanrasset (12,3%), Tébessa (9,5), Illizi (6,8%), Biskra (2,8%) et Sétif (1,7%). 145 candidats sur plus de 700 000 sont dispensés de l’épreuve de français pour la session 2016 de l’examen de cinquième, a-t-elle ajouté précisant que les enseignants concernés par cette matière n’avaient pas intégré leur poste dans ces wilayas. Ainsi, le problème de l’enseignement du français, notamment dans le Sud et les Haut-Plateaux, vient se poser encore une fois et compliquer davantage la problématique de l’enseignement des langues en Algérie qui ne cesse de ressurgir depuis l’indépendance.

En effet, à chaque fois qu’une réforme du système éducatif est annoncée, la question des langue se pose comme axe stratégique et s’invite au débat. Celui-ci, souvent houleux et passionné, s’est toujours soldé par des controverses infécondes qui ont recyclé la crise linguistique du pays. Entre les partisans d’une francophonie inconditionnelle, présentée comme seul gage de modernité, et les soutiens zélés d’une arabisation au forceps, la solution a toujours été de réconcilier ce couple infernal: arabe-français. Or, à côté de ces deux langues qui n’ont aucun locuteur natif d’Algérie, existent deux langues maternelles qui sont complètement exclues du système éducatif et des institutions: tamazight et le «maghribi» («derdja»). Cette exclusion des langues maternelles a suscité des frustrations profondes au sein de la population, notamment amazighophone, et il a fallu des dizaines d’années de combat identitaire pour que tamazight soit reconnu comme langue nationale et intégré dans le système éducatif et dans la sphère médiatique officielle. Ainsi, tamazight, qui était longtemps considéré comme étant une sous-langue, est enfin officialisé et du statut d’instrument de division, il est passé à celui de «ciment de l’identité nationale». Aujourd’hui, «l’arabe algérien», ou «le maghribi» comme l’appelle le linguiste Abdou Elimam, souffre de l’ostracisme des institutions algériennes et de plusieurs acteurs sociaux et politiques.

En effet, lorsque la ministre de l’Education, Nouria Benghebrit, décida d’introduire les «langues maternelles» dans le cycle primaire, les milieux conservateurs arabo-islamiques qui y ont vu une menace pour l’arabe classique, ont remué ciel et terre pour l’empêcher de mener sa démarche à terme. Dans les médias, y compris audiovisuels, cette langue n’est également pas la bienvenue. Le «maghribi» va-t-il faire les frais de cette guerre interminable entre l’arabe et le français comme tamazight? Va-t-il d’abord avoir sa liste de martyrs pour enfin être reconnu comme langue?