Enquête-Témoignages: Racket à l’école, la loi du silence !

Enquête-Témoignages: Racket à l’école, la loi du silence !

Dans la cour des écoles ou aux abords des établissements scolaires règne une mafia d’un nouveau genre : bourreau d’enfants. Leurs  méthodes : racketter les plus jeunes en les obligeant à vider leurs poches sous la menace : goûter, argent, portable, montre… Trop jeunes pour se défendre, ces victimes s’exécutent sans piper mot. Sous la contrainte, certains vont jusqu’à voler leurs parents afin d’échapper aux représailles. Malheureusement, il se passe parfois beaucoup de temps avant qu’un proche ou parent ne découvre le pot aux roses et que les langues se délient.  Témoignages.

Hnifa, 43 ans

«J’avais mis le manque d’appétit de mon fils, scolarisé en 2e année de collège, sur le compte de la pression des examens. Il a toujours été anxieux et j’ai pensé que cela finirait par lui passer dès la fin des épreuves. Quand les vacances d’automne sont arrivées, j’ai observé qu’il était soulagé et détendu. Mon garçon a repris des couleurs et  retrouvé le sommeil. Le jour de la rentrée, mon fils a été pris de violentes douleurs au ventre. Il a vomi et  refusé de reprendre le chemin du collège.  En fait, ce n’est qu’une semaine plus tard et devant mon insistance, qu’il a fini par cracher le morceau. Un élève d’une classe supérieure, baraqué comme une armoire,  le dépouillait de ce qu’il avait sur lui. Il m’a même avoué avoir été délesté de son téléphone portable et de son blouson. Cet abominable  maître-chanteur l’a menacé de graves représailles s’il en parlait à quelqu’un. Avec son père, nous avons été voir le directeur. Les parents du garnement ont été convoqués. L’élève en question a été renvoyé de l’établissement. Nous n’avons pas pu récupérer les affaires de mon fils. Perturbé sur le plan psychologique, il  lui a fallu des mois pour retrouver un sentiment de sécurité. Ces méthodes sont choquantes. C’est un véritable fléau qui gangrène les établissements scolaires. Les plus forts s’en prennent aux plus faibles. Les parents doivent rester vigilants. Ils doivent évoquer ce sujet avec leurs enfants. Un cours devrait aussi être institué par l’Education nationale pour rassurer les écoliers et les inciter à parler aux adultes, s’ils sont confrontés au racket.»

Mohamed, 38 ans

«Les enfants peuvent faire preuve d’une telle cruauté ! Dans la classe de ma fille scolarisée en 3e année primaire, une écolière faisait la pluie et le beau temps. Elle dépouillait ses camarades — les plus gentils — de leur goûter et de leur argent de poche. Un soir, au retour de l’école, ma fille a éclaté en sanglots. Ce jour-là, elle avait porté un joli collier auquel elle tenait beaucoup et a dû le remettre à la racketteuse de l’école. De fil en aiguille, elle m’a confié tout ce qu’elle avait sur le cœur. «Tous les jours, je dois lui donner mes goûters. Je n’ai plus rien à manger pendant la récréation, ni biscuits, ni barre chocolatée, ni croissant. Elle s’empare même de mon argent de poche aussi en me plaquant contre le mur des toilettes, lorsqu’il n’y a personne.»  Mon sang n’a fait qu’un tour. Le lendemain, en l’accompagnant à l’école, j’ai demandé à ma fille de me montrer ce démon qui la martyrisait. A ma vue, sa camarade a essayé de fuir. Je l’ai rattrapée et lui ai fait la morale avant d’en rendre compte à la directrice. A ma grande surprise, cette élève n’a pas été sanctionnée. En revanche, à partir de ce jour, elle a laissé ma fille tranquille.»

Zakaria, 43 ans

«Ce qui m’a mis la puce à l’oreille, c’est un billet de 1 000 da qui a disparu de mon portefeuille. Pas de doute, quelqu’un m’avait volé à la maison. J’ai fini par découvrir que mon adolescent de 13 ans me faisait régulièrement les poches. Une peur panique s’est emparée de moi et de sa mère. Notre fils serait-il drogué ? Avait il était entraîné dans un traquenard dangereux ? Au début, il s’est contenté de baisser les yeux sans rien dire. En insistant avec lui, il a fini par nous révéler le cauchemar qu’il était en train de vivre depuis plusieurs mois. Des garnements l’attendaient  régulièrement à la sortie du collège. Ils lui ont arraché son sac à dos, puis son argent. L’un d’entre eux, plus menaçant que les autres, l’a incité à lui remettre du fric en le menaçant avec un couteau. C’est là qu’il s’est mis à piquer dans mon portefeuille… A partir de ce jour, on s’est relayé sa mère, son grand frère et moi-même pour l’attendre à la sortie du collège. Les voyous racketteurs se sont volatilisés. J’étais décidé à régler mes comptes avec eux mais ils ne sont plus jamais revenus. Notre présence les a sans doute dissuadé de poursuivre leur méfait. C’est la loi de la jungle. Les plus grands s’en prennent aux plus jeunes sans aucun état d’âme !»

Les psychologues sont unanimes, en cas de changement de comportement constaté chez les enfants (refus d’aller en classe, malaise, maux de ventre, vomissements), il est bon de mener une petite enquête pour s’assurer qu’un maître chanteur en culotte courte n’est pas à l’origine de ce mal- être. Etablir un dialogue  en rassurant votre enfant est très important afin qu’il puisse se confier à vous en cas de chantage et d’intimidation au sein de son établissement ou ailleurs.