Enquête sur l’assassinat des moines de Tibehirine, Trévidic, Alger et les pressions de Paris

Enquête sur l’assassinat des moines de Tibehirine, Trévidic, Alger et les pressions de Paris

Depuis la relance de l’enquête sur l’assassinat des moines de Tibehirine, survenu en 1996 à Médéa, le juge Marc Trévidic est de nouveau revenu sur cette affaire.

Hier sur les ondes de la radio française France Inter, le juge français M. Trévidic, en charge de l’enquête sur l’assassinat des moines de Tibehirine, a demandé aux autorités de son pays de faire pression sur l’Etat algérien pour faciliter le rapatriement en France des prélèvements effectués lors de son déplacement en Algérie du 12 au 19 octobre.

Sous la supervision d’un magistrat algérien, le juge Trévidic, accompagné d’un autre juge et d’une délégation d’experts français, avait assisté à une opération d’exhumation des restes des crânes des sept moines. Une opération durant laquelle des experts étaient chargés d’effectuer des prélèvements d’ADN et des examens radiologiques.

Le magistrat français a déclaré avant-hier soir sur les ondes de France Inter, dans l’émission «A’live», qu’«il n’y a que (les autorités françaises) qui peuvent m’aider sur ce dossier», soulignant que les autorités algériennes «feront quelque chose si les autorités françaises poussent pour qu’elles le fassent».

Insistant pour récupérer les prélèvements effectués lors de son déplacement en Algérie, le juge français a ajouté que «pendant la semaine, on a pu faire tout ce qu’on fait traditionnellement au microscope, analyse des têtes, des vertèbres, etc. La science est très évoluée maintenant. C’est vrai qu’on pourrait avoir des certitudes sur différentes questions si on avait les prélèvements qu’on a fait sur place».

Estimant que la coopération algéro-française est limitée à certains secteurs, telle l’industrie, M. Trévidic a affirmé : «Je suis très content que Renault ouvre une usine en Algérie (…) mais j’aimerais aussi que les relations franco-algériennes aillent au-delà de l’automobile.» Pour lui, «il faut au minimum mettre la pression pour que ça avance dans ce dossier». Et de renchérir : «Et quand je dis « un minimum », c’est une litote.»

La compétence des experts algériens remise en cause

Le juge d’instruction au pôle antiterroriste du Tribunal de grande instance de Paris s’en prendra alors aux experts algériens, remettant en cause leurs compétences. «On nous dit que les experts algériens sont très compétents, je veux bien le croire…

Ce sont des expertises très pointues, très techniques, il faut du matériel très sophistiqué. Si on nous donne l’assurance absolue qu’ils sont capables de le faire (c’est pas du tout ce que j’ai compris quand j’étais là-bas), je veux bien. Mais des prélèvements, une fois qu’ils sont expertisés, on ne peut pas le faire deux fois. Après, c’est fini», a-t-il dit au micro de France Inter.

Les propos du juge Trévidic interviennent après ceux tenus par l’avocat des familles des moines de Tibehirine, dénonçant une confiscation des preuves par l’Algérie. Suite à quoi, le porte-parole adjoint du Quai d’Orsay avait affirmé que «le déplacement de la délégation judiciaire française en Algérie s’est passé dans des conditions satisfaisantes (…) il y a lieu de remercier les autorités de l’accueil qu’elles lui ont réservé et des moyens mis à sa disposition. Je suis certain que nos autorités judiciaires respectives sauront maintenir ensemble les conditions d’une collaboration fructueuse».

Le ministre de la justice, Tayeb Louh, était également intervenu en déclarant qu’il n’existait «aucun différend» entre Alger et Paris concernant cette enquête.

Les autorités algériennes avaient alors rassuré les responsables français sur l’existence de laboratoires bien équipés pour faire ce genre d’analyses. Pour Alger, cela relevait d’une question de souveraineté à respecter.

Pour rappel, les sept moines trappistes avaient été enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996 au monastère de Tibehirine. Leurs têtes avaient été retrouvées, à l’entrée de Médéa, le 30 mai 1996.

Leur assassinat avait été revendiqué, dans un communiqué daté du 21 mai 1996, par le GIA, dirigé, à l’époque, par le chef terroriste Djamel Zitouni, tué en juillet 1996, par un groupe rival, dans la région de Tamesguida, au nord de Médéa.

M. B.