Israël a accepté pour la première fois de participer à une enquête de l’ONU sur une opération militaire, sous la pression internationale et pour tenter de surmonter une crise avec la Turquie qui a suivi l’abordage sanglant d’une flottille en route vers Gaza.
Cette décision annoncée lundi constitue une volte-face du Premier ministre Benjamin Netanyahu qui avait rejeté l’idée même d’une commission d’enquête internationale sur cette opération, qui avait coûté la vie le 31 mai à neuf passagers turcs et déclenché une crise aiguë des relations avec Ankara. Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a annoncé lundi qu’un panel d’experts composé de quatre membres, dont un Israélien et un Turc, allait enquêter sur ce raid.
Selon une commentatrice de la radio militaire, Israël a ainsi « brandi le drapeau blanc » en se soumettant aux demandes des Etats-Unis et du secrétaire général de l’ONU. « Le gouvernement a cédé aux pressions internationales et pour la première fois une commission de l’ONU va enquêter sur des actions du gouvernement et de l’armée israélienne ce qui crée un précédent inquiétant », estime pour sa part Shlomo Avinery, ancien directeur général du ministère des Affaires étrangères.
Le vice-Premier ministre chargé des services des renseignements Dan Meridor a rejeté ce diagnostic, mais admis qu’Israël « fait partie de la communauté internationale et ne peut pas agir comme si nous étions seuls au monde ». M. Meridor a également justifié le revirement israélien en affirmant qu’il avait fallu des semaines de négociations « avec le secrétaire général de l’ONU pour déterminer le mandat et la composition de la commission ce qui nous a permis de parvenir à un arrangement qui nous satisfait ».
« La commission n’interrogera pas les soldats et ne s’occupera pas de savoir s’il y a une coopération adéquate entre le gouvernement et l’armée, elle va seulement vérifier l’image générale de la situation le jour de l’abordage et étudier les moyens d’éviter que de tels événements se reproduisent », a ajouté M. Meridor.
La chef de l’opposition Tzipi Livni a en revanche dénoncé les « hésitations du gouvernement qui donne une impression de faiblesse dans le monde, si bien que nous risquons d’être bientôt soumis à des enquêtes dès que nous bougerons le petit doigt ».
Les responsables officiels ont rejeté ces critiques et avancé comme autre argument la nécessité de se rapprocher de la Turquie, longtemps le seul allié stratégique d’Israël dans la région. « Nous espérons que la participation de nos deux pays à ce panel de l’ONU va permettre de surmonter la crise entre nos deux pays, car la Turquie, même si elle a négocié ces derniers temps un tournant diplomatique, n’est pas un pays ennemi », a affirmé à l’AFP un haut responsable israélien, qui a requis l’anonymat.
Ankara a immédiatement rappelé son ambassadeur en Israël et annulé trois exercices militaires conjoints entre les deux pays en représailles à l’abordage de la flottille. La Turquie estime qu’Israël doit présenter des excuses, payer des indemnités aux familles des victimes et lever le blocus de la bande de Gaza, avant de rétablir des relations bilatérales. La plupart des commentateurs tirent un bilan très négatif de la politique du gouvernement dans cette affaire.
Le quotidien Maariv (centre-droit) déplore qu’un « nouveau record du monde pour le moins douteux a été battu avec pas moins de cinq commissions d’enquête », dont trois israéliennes, une du secrétaire général de l’ONU et une du conseil des droits de l’Homme de l’ONU. « Tous ceux qui pensent que ce record ne sera pas battu feraient mieux d’attendre la prochaine opération militaire israélienne. Avec les dirigeants politique que nous avons, il n’y a pas de limite », a ajouté le journal.
J. L. R.