Enquête : organisation du marché de la devise le casse-tête

Enquête : organisation du marché de la devise le casse-tête
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Quelle est l’utilité d’un bureau de change qui achète seulement de la devise et à un prix beaucoup plus bas que ce qui est proposé au marché noir?

Y a-t-il un pilote au ministère des Finances? C’est la question que se posent spécialistes, observateurs et même citoyens lambda après les mesures surprenantes prises par ce département pour «sauver» l’économie nationale. La dernière en date est l’ouverture des bureaux de change. Très attendus par tous les Algériens, ils ne sont au final qu’un «mirage» pour dire qu’on lutte contre le marché parallèle de la devise. C’est une montagne qui a accouché d’une sourie. Car, ils n’apportent rien de nouveau et ne risquent pas du tout d’influencer la bourse de la devise.



Le dinar n’est toujours pas convertible, le change se fait donc d’un côté, c’est-à-dire l’achat des devises par ces bureaux officiels. Pis encore, seuls les touristes ou notre communauté établie à l’étranger, qui représente la majorité de cette catégorie, qui peuvent y vendre leurs euros ou dollars. De toutes façons, il est peu probable que eux aussi le fassent tant que la bourse du Square et ses antennes à travers le pays sont toujours en place. Et ce, tout simplement parce que les taux que proposent nos «cambistes» clandestins sont beaucoup plus attractifs que ceux affichés dans ces bureaux de change qui viennent d’ouvrir leurs portes. On donne l’exemple de l’euro qui est acheté à 130 DA pour un euro en officiel, alors qu’il est à plus de 170 DA au marché noir. Nos «émigrés» en ont parfaitement confiance. Même beaucoup d’étrangers qui viennent au pays, qu’ils soient touristes ou hommes d’affaires. D’ailleurs, même le personnel des chancelleries étrangères recourt au marché noir pour échanger son argent. Il y en a même qui sont très connus sur la place d’Alger, comme un certain bureau de tabac ou une alimentation générale…

Le paradoxe est poussé à son summum avec certaines d’entre eux qui se trouvent au pied d’un commissariat ou d’une banque. De grands hommes d’affaires du pays sont également des clients réguliers de ces cambistes. Certains pour blanchir leur l’argent, d’autres pour changer leurs dinars en dévaluation chronique dans une monnaie refuge. Des bureaux de change parallèle qui sont en fait les vrais bureaux de change, pullulent ainsi à travers les grands axes industriels ou les centres d’affaires. On peut citer les quartiers de Rouiba, Bab Ezzouar, Dar El Beïda, Dély Ibrahim… où beaucoup de commerçant ont choisi la vente de devises au noir comme seconde activité. Magasins de vêtements, parfumeries, alimentation générale, boulangers, parfois même vulcanisateurs échangent sous le comptoir de la devise. On dirait de vraies banques où toutes les monnaies sont disponibles et, cerise sur le gâteau, à n’importe quelle heure de la journée. On peut même les appeler pour nous les livrer à domicile! La vente informelle de la devise s’est même modernisée en gagnant le monde virtuel. Des sites, des pages se sont spécialisés dans la vente sur Internet de la monnaie étrangère. Ce qui démontre que même si le square Port Saïd reste la «bourse» principale qui fixe les prix, c’est une goutte dans un océan de plus en plus vaste. Alors, même si les autorités «ferment» le square, cela ne veut pas dire qu’elles mettront fin au trafic qui continuera à fonctionner grâce aux annexes qui ont développé un réseau plus puissant que celui de nos banques… Il faut aussi être pragmatique en n’imaginant pas que les autorités aient pour le moment une vraie volonté de mettre fin à ce «souk».

LG Algérie

Tant que l’allocation voyage sera encore de 15.000 DA annuelle, Square and co auront de beaux jours devant eux. Sinon, comment vont faire les citoyens pour subvenir à leurs frais de voyages ou pour certains, des frais médicaux à l’étranger? Ce n’est sûrement pas avec ces 125 ou 130 euros annuels, tout dépend du taux, qu’ils pourront le faire. Le marché parallèle reste donc très utile pour les autorités, lui déclarer la guerre serait un vrai suicide dans les conditions actuelles qui ne sont pas faites pour favoriser le développement de ces bureaux, mais plutôt sauvegarder la mainmise des barons sur ce marché des plus juteux. On est donc en droit de s’interroger sur l’utilité de ces bureaux annoncés en fanfare. C’est véritablement de la poudre aux yeux, même ceux qui voulaient investir dans ce créneau n’ont pas sauté le pas, 26 agréments ont été accordés et seuls six bureaux de change ont ouvert. Il n’était pas plus judicieux de baliser le terrain avec en premier lieu l’augmentation de l’allocation voyage pour aller vers cette utopie que sont pour le moment les bureaux de change? Y a-t-il des lobbys qui sont en train d’empêcher que le marché de la devise soit régulé? Où sommes-nous devant une incompétence de gestion? Le secrétaire général du parti au pouvoir, FLN, lui, penche pour la seconde hypothèse… En tout cas, une chose est sûre, le Square reste la vraie bourse d’Alger…