Jamais depuis la lointaine histoire, les villages de Kabylie n’ont souffert autant que ces dernières années du phénomènes de la débauche.
Aujourd’hui, rares sont les villages qui ne souffrent pas de l’existence de lieux de débauche dans leurs environs si ce n’est à l’intérieur. Des lieux où se vendent les boissons alcoolisées et…les femmes de joie.
Si la société a un rejet viscéral de ces pratiques depuis les ancêtres, il ne semble point être le cas aujourd’hui. Bien des faits mettent à nu la tendance à tolérer et à accepter cette descente aux enfers sous le fallacieux argument que la société kabyle est démocratique par essence. Chaque semaine, des réseaux de prostitution sont démantelés à travers les communes de la wilaya. Le tout dernier vient d’être démantelé avant-hier, par la police, à Ouaguenoun.
Selon un communiqué de la police, ce sont donc six personnes dont trois femmes qui ont été interpellées lors d’une descente de la police. Pris en flagrant délit, il leur est reproché la constitution d’un réseau spécialisé dans la prostitution, l’ouverture d’un bar sans autorisation et sa transformation en lieu de débauche. La même descente de la police a permis la saisie de 726 bouteilles et canettes de boissons alcoolisées vendues sans autorisation.
Présentés au parquet, les six individus ont été mis en détention préventive en attendant leur comparution pour répondre à plusieurs chefs d’inculpation comme la constitution d’un réseau de prostitution, l’ouverture d’un débit de boissons alcoolisées sans autorisation et sa transformation en lieu de débauche.
Ce n’est pas la première fois que la police interpelle des femmes de joie à proximité des villages. Les faits similaires ne sont pas rares. L’on en apprend pratiquement chaque semaine. Sur le terrain, les avis sont unanimes. Les populations rejettent ce phénomène. Nous avons recueilli des témoignages de toutes les catégories sociales pour tenter de comprendre.
«Beaucoup de villages en souffrent. L’année dernière, nous avons initié une action collective pour les fermer et nous avons réussi. Mais hélas, ils reviennent à la charge»,affirme Ali, un habitant de Boudjima. Rencontré dans un café à Tikobaïne, un autre jeune donne un autre point de vue. «C’est beaucoup plus compliqué que vous le pensez. Que peuvent faire des villages contre ces gens. Les tenanciers sont souvent du même village. Tu ne peux jamais aller loin avec eux sans nuire à d’autre villageois», dit-il avec dépit.
En fait, les bars clandestins pullulent aux alentours des villages. Souvent des baraques de fortune sont transformées à cet effet. Les villageois les tiennent à distance des maisons. Mais est-ce la solution? Certains villageois, excédés s’interrogent aujourd’hui si ce ne sont pas justement les autres villageois qui sont la cause de leur malheur. «Ecoutez, s’il vous plaît! Ce n’est pas la peine de trop philosopher. Un commerce, ça ferme si ca ne marche pas», martèle un homme visiblement irrité par notre question, mais qui concède: «Ces bars n’ouvriraient pas s’ils ne trouvaient pas à qui vendre. Arrêtons de nous mettre le doigt dans l’oeil», conclut-il.
Nous avons recueilli les mêmes réponses au sujet de ces femmes, inconnues, qui rôdent souvent au chef-lieu de la commune. «Leur commerce marche bien», dit un homme à la cinquantaine, ironique. En effet, beaucoup estiment que ces femmes ne seraient pas venues de si loin si le commerce de la chair n’était pas florissant dans les parages. «Tout commerce obéit à la loi de l’offre et de la demande s’il n’y avait pas de clients, rien n’attirerait ces femmes ici», ajoute un vieil homme de Boudjima qui n’a cependant pas oublié de signaler que ce commerce florissant profite de la faiblesse de la couverture sécuritaire dans la commune depuis deux décennies. «Aujourd’hui, ce n’est plus comme avant mes enfants. Nos grands-parents ont su préserver leur dignité grâce à leur organisation traditionnelle, mais aujourd’hui ce n’est plus pareil. Les sociétés modernes ont besoin des services de sécurité pour s’organiser».