«Je n’ai jamais eu peur d’un adversaire, je n’aurai pas peur des Marocains»
«Un transfert à Bari ? Des racontars !»
Capitaine de la sélection nationale depuis la dernière Coupe du monde, Anthar Yahia ne s’est pas trop exprimé dans les médias depuis le match amical face au Luxembourg, alors qu’il a retrouvé sa forme avec son club, Bochum. Il s’en explique dans l’entretien qu’il nous a accordé et dont, bien sûr, le match à venir entre l’Algérie et le Maroc, en éliminatoires de la CAN-2010 constitue le nœud gordien.
Vous êtes bien revenu depuis quelques mois puisque vous êtes redevenu titulaire indiscutable à Bochum et cela se ressent sur les très belles performances de votre club. Etes-vous au meilleur de votre forme ?
Je me sens très bien. Je travaille, je joue, j’aide mon équipe, je suis très estimé par les supporters et je me sens en nets progrès. Sur ce point-là, il n’y a rien à dire. Donc, je me sens vraiment en forme pour le match contre le Maroc.
Vous occupez la troisième place au classement de la Bundesliga 2, soit en position de barragiste pour l’accession. Cependant, vous avez montré que vous pouvez aisément terminer à la 2e place et même à la 1re, ce qui vous ferait accéder directement, sans passer par un match barrage…
Il est vrai que nous sommes sur une très belle série de 13 matchs sans défaites, ce qui nous a permis de revenir de très loin au classement. Il reste encore huit journées et, mathématiquement, rien n’est encore joué. Nous préférons ne pas trop crier victoire et continuer à jouer comme nous le faisons depuis quelques mois, en abordant chaque match pour le gagner. Nous ferons les comptes à la fin de la saison.
En attendant, il y a un match important qui se profile avec la sélection nationale, contre le Maroc. On présume que c’est avec joie que vous allez retrouver la sélection, comme d’habitude…
Je ne vous le cache pas : la sélection m’a beaucoup manqué. Comme à chaque fois, je devrais dire. Cette fois-ci, c’est particulier car nous, internationaux, ne nous sommes plus revus depuis le mois de novembre dernier. Quatre mois, c’est beaucoup pour quelqu’un comme moi qui attend chaque stage des Verts avec impatience. Ce sera un plaisir d’autant plus grand que le stage et le match se dérouleront dans mon pays, l’Algérie. Franchement, j’ai hâte d’y être.
D’autant plus qu’il s’agira d’un match important qu’il faudra absolument gagner…
C’est clair ! Tout le monde le sait. Ce n’est pas un scoop que de dire qu’il nous faut gagner ce match coûte que coûte. Sur le terrain, la manière importera peu. Nous avons besoin des trois points. Je n’en dirai pas plus, car je n’aime pas trop m’enflammer et faire des déclarations tapageuses dans la presse. Je préfère réserver mes discours sur le terrain. D’ailleurs, c’est l’une des raisons pour lesquelles je n’ai pas voulu m’exprimer dans les médias depuis quelque temps.
Qu’entendez-vous par là ?
Pour moi, aussi grande que soit l’importance de la confrontation contre le Maroc, ça ne reste qu’un match de football, de surcroît contre la sélection d’un peuple frère. Il ne faut pas passionner les débats.
Des médias marocains m’ont sollicité pour des interviews, mais j’ai poliment et respectueusement décliné toutes leurs sollicitations, non pas par arrogance, mais uniquement pour que mes propos ne fassent pas l’objet d’interprétations tendancieuses ou malveillantes. Je ne veux pas provoquer la fitna avec nos frères marocains. Donc, par prudence, je me suis abstenu de m’adresser aux médias marocains. J’espère qu’ils comprendront ma position. J’ai décidé de ne faire des déclarations qu’à des journalistes que je connais bien et à travers qui je suis certain que mes propos seront fidèlement rapportés.
Au-delà du respect que vous portez au peuple marocain, vous êtes quand même convaincu de la nécessité de vous donner à fond sur le terrain, non ?
Absolument ! Respecter son adversaire ne veut pas dire que notre motivation sera moindre, bien au contraire. Nous savons très bien ce que nous devons faire : gagner. Nous n’avons pas d’autre choix. Sur le terrain, nous aurons la rage de vaincre, ne vous en faites pas !
On parle beaucoup de la puissance offensive de la sélection marocaine. En votre qualité de défenseur, cela vous fait-il peur ?
Jamais un adversaire ne m’a fait peur. Je respecte toujours mes adversaires, quels qu’ils soient, mais personne d’entre eux ne m’a jamais fait peur. Donc, je n’ai pas peur des Marocains. Ils ont des qualités, nous en avons aussi. Le jour du match, nous en aurons une décisive : nous jouerons devant notre public et je connais assez les supporters algériens pour être convaincu qu’ils sauront nous porter durant tout le match. Quand nous sommes motivés et que nous avons notre public avec nous, nous ne craignons vraiment personne.
Dans une interview qu’il nous avait accordée, Madjid Bougherra a déclaré que le match se jouera essentiellement dans le vestiaire, c’est-à-dire sur la capacité des joueurs à se motiver, sur leur force mentale au moment d’aborder le match et sur le discours que leur tiendra le sélectionneur. Jouerez-vous le rôle de meneur, en tant que capitaine d’équipe, pour motiver vos coéquipiers ?
Je ne jouerai pas le rôle de meneur. JE SUIS UN MENEUR ! Je ferai donc mon devoir de capitaine en fédérant les forces de l’équipe. Dans le groupe, il y a d’autres joueurs qui savent comment parler aux joueurs et les galvaniser, tels Madjid (Bougherra, ndlr) et Karim (Ziani, ndlr). Sans ça, tous les joueurs, j’en suis convaincu, sont conscients de l’importance de ce match. La motivation, elle y sera à coup sûr.
Le fait de jouer à Annaba, qui n’est pas loin de Sedrata, d’où vous êtes originaire, de surcroît en tant que capitaine d’équipe, constituera-t-il une source de motivation supplémentaire ?
(Rire) C’est vrai que Sedrata n’est pas loin de Annaba et il y aura certainement beaucoup de gens de ma famille qui viendront au stade. Cependant, quand je porte le maillot national, je ne me sens pas un enfant de Sedrata, mais un enfant d’Algérie. Que je joue à Alger, Oran, Sétif, Tamanrasset, Tizi Ouzou, Sedrata ou Tiaret, je serai chez moi, devant mes compatriotes. Je suis convaincu que le jour du match, le stade de Annaba sera rempli de supporters algériens, de quelque région qu’ils soient.
Le sélectionneur, Abdelhak Benchikha, a déclaré à maintes reprises qu’il est partisan du 4-3-3 plutôt que du 3-5-2. S’il vous le demandait, accepteriez-vous de jouer arrière-droit, comme vous l’aviez fait face à la Côte d’Ivoire lorsque Rabah Saâdane était passé au 4-4-2 ?
Je suis à la disposition du coach et de l’équipe. Ce n’est pas à moi de choisir à quel poste je jouerai. Si le coach a besoin de moi sur le côté, nous en parlerons et nous conviendrons de ce qu’il faudra faire. Ce qui est sûr, c’est que toute décision sera prise dans l’intérêt suprême de l’équipe.
Comme cela est le cas pour vous, plusieurs internationaux ont retrouvé leur forme au sein de leurs clubs respectifs ces dernières semaines : Djebbour, Ghezzal, Ziani, Belhadj, Abdoun… Vous y attendiez-vous ?
Oui, je m’y attendais pour la simple raison que ce sont des joueurs talentueux et qu’il est impensable qu’ils deviennent nuls d’un seul coup. Je voudrai insister sur un point : un international est doublement motivé pour s’imposer dans son club, car il lutte pour une place dans son équipe et aussi pour conserver la sienne en sélection nationale. La pression qu’ils subissent est donc plus forte. Etant forts mentalement, tous ces joueurs ont su laisser passer l’orage et ont travaillé pour reconquérir leur place. Il faut que le peuple algérien sache une chose : il y a des joueurs qui ont fait des choix de carrière en fonction des intérêts de la sélection. Ils se sont exilés afin de rester performants pour l’Algérie. Il ne faut pas que les gens l’oublient.
En votre qualité de capitaine d’équipe, avez-vous un mot à l’adresse de ceux qui relèvent de blessure ou qui jouent peu et qui n’ont pas été convoqués pour le match face au Maroc ?
Ces joueurs savent qu’ils ont mon soutien et celui de tous leurs coéquipiers, car nul n’est à l’abri d’une pareille mésaventure. Il y en a que j’appelle de temps en temps pour avoir de leurs nouvelles et les encourager. Je n’aime pas trop parler de cela dans la presse, car cela risque aussi d’être mal interprété. Ce qui est certain, c’est que je suis convaincu qu’ils vont vite retrouver leur niveau.
Des médias ont évoqué des contacts que vous auriez avec Bari. Cela paraît autant surprenant qu’aberrant car Bari est presque condamné à la relégation en Serie B, alors que vous êtes bien parti pour accéder en Bundesliga avec Bochum…
On a tellement publié dans la presse des informations farfelues sur moi que je n’en fais plus cas. Je ne sais pas quelles sont les sources de ces rumeurs qui, comme vous le dites, sont illogiques. Il n’y a absolument rien avec Bari. Je suis présentement concentré sur la fin de saison qui s’annonce excitante avec les huit derniers matchs du championnat et les rencontres avec les Verts. C’est ce qui m’importe. Tout le reste n’est que racontars.
Un dernier mot à l’adresse des supporters qui seront présents au stade de Annaba ?
J’aimerais plutôt m’adresser à tous les supporters algériens, même ceux qui seront devant le petit écran, pour leur dire que ce n’est pas seulement une obligation de gagner le match face au Maroc. C’est surtout un devoir envers le peuple algérien, car nous l’avons trop déçu depuis quelques mois et il est temps pour nous de lui redonner de la joie et de retrouver la dynamique de victoires. Nous ferons de notre mieux pour être au rendez-vous inch’Allah.