En tournée en Europe et en Asie: Lamamra quémande un soutien au régime

En tournée en Europe et en Asie: Lamamra quémande un soutien au régime

Le régime algérien a obtenu la caution de la Russie, de la Chine et de l’Élysée en actionnant les mécanismes de l’interférence étrangère dans les affaires internes du pays.

Le vice-Premier ministre chargé des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a entamé, lundi, son périple dans les capitales occidentales pour les inciter à soutenir le maintien du régime en place. Peu d’informations ont filtré sur sa rencontre, à Rome, le 18 mars, avec le  président du Conseil des ministres italiens, Giuseppe Conte. Aucune déclaration du côté italien. L’envoyé spécial de l’Algérie n’a pas trop épilogué sur la teneur des discussions avec son hôte. Il s’est limité à préciser que l’entrevue  s’inscrit dans le cadre des consultations régulières entre les deux pays. Il a soutenu avoir rassuré sur ce qui se passe en Algérie. “Ceux qui observent de loin notre réalité ont le sentiment qu’il se développe une situation potentiellement porteuse de risques”, a-t-il indiqué.

Le ministre des Affaires étrangères russe, Sergei Lavrov, a fait preuve, avant même de recevoir, hier, Ramtane Lamamra, de moins de réserve diplomatique dans ses déclarations, rapportées par l’agence de presse britannique Reuters. Puisant dans l’argumentation principale des hauts cadres de l’État et de leurs relais politiques, le chef de la diplomatie russe a dit être “inquiet par les manifestations en Algérie, en y voyant

des tentatives de déstabiliser la situation dans le pays”.

Sans ambiguïté, il a exprimé le soutien de son pays au régime algérien, en recommandant l’ouverture des négociations avec l’opposition sur la base de la feuille de route proposée par le gouvernement. Plus tard dans la journée, dans une conférence de presse conjointe, Sergei Lavrov a mis clairement en garde les États contre toute velléité de s’interposer entre le peuple algérien et ses dirigeants. “Il est particulièrement important que tous les autres pays respectent de façon sacrée les dispositions de l’Onu et s’abstiennent de toute ingérence dans les affaires intérieures de l’Algérie”. Le régime de Bachar al-Assad survit, depuis huit ans, au soulèvement des Syriens, usant souvent de la force armée contre eux, grâce, essentiellement, au veto de la Russie contre les tentatives de la communauté internationale d’intervenir dans le conflit.

C’est dire que c’est en connaissance de cause que le vice-Premier ministre, chargé des Affaires étrangères, a été dépêché en émissaire, particulièrement auprès des partenaires qui ont de gros intérêts financiers et, accessoirement, politiques en Algérie. La Russie est l’un de ses gros fournisseurs en armement. Avant la Russie, la France officielle a rapidement approuvé l’offre du président Bouteflika d’annuler l’élection présidentielle du 18 avril 2019, et d’engager, sous son égide, la transition par la révision de la Constitution et l’organisation d’une conférence nationale inclusive.

Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Geng Shuang, a abondé, hier, prudemment, dans le même sens.

“La stabilité de l’Algérie était dans l’intérêt fondamental de son peuple et de la paix dans les régions voisines.” Il a pris le soin, évidemment, de préciser que la Chine respecte scrupuleusement le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays, marquant, à l’occasion, sa conviction que “le peuple algérien avait la sagesse et la capacité nécessaires pour explorer une voie répondant aux conditions de son pays”. La réaction circonspecte de ce grand pays asiatique, autant que celles plus franches de la Russie et de la France, arrangent idéalement le président Bouteflika et son entourage.

Sous réserve des échanges privés à un haut niveau de responsabilités des États, ils s’échinent, par le truchement de Ramtane Lamamra, à montrer à l’opinion publique internationale leur disponibilité à assurer une transition tranquille et à organiser, “pour la première fois” (aveu du vice-Premier ministre), une présidentielle libre à laquelle Abdelaziz Bouteflika ne sera pas candidat, sans s’appesantir, outre mesure, sur leur ténacité à s’accrocher au pouvoir en violation de la Constitution et, surtout, contre la volonté de millions d’Algériens.

Bien entendu, leurs interlocuteurs étrangers ne semblent pas entendre distinctement le grondement de la rue, mais plutôt les chuchotements provenant du Palais d’El-Mouradia. Jusqu’à présent, à l’exception des États-Unis et du Canada et, dans une moindre mesure, l’Union européenne, lesquels ont appelé au respect du droit des peuples à manifester, aucun pays n’a remis en cause, jusqu’alors, le régime de Bouteflika. Il reste à connaître la position de l’Allemagne. Aujourd’hui, la chancelière Angela Merkel rencontrera Lamtane Lamamra.

Souhila Hammadi