En suède, une poignée de main exceptionnelle entre belligérants: Vent d’optimisme pour le Yémen

En suède, une poignée de main exceptionnelle entre belligérants: Vent d’optimisme pour le Yémen

Le gouvernement et les rebelles du Yémen ont annoncé avoir établi une liste de quelque 15.000 prisonniers en vue d’un échange. Les deux parties se sont donné deux semaines pour entériner la liste, et 45 jours – à partir d’une date non encore déterminée – pour réaliser l’échange.

La scène est rare et le geste hautement symbolique: des belligérants yéménites ont échangé une poignée de main devant des journalistes en marge de consultations de paix en Suède.

Salim al-Moughaless, un négociateur de la rébellion houthie, et Ahmed Ghaleb, un délégué gouvernemental, ont accepté lundi de se serrer la main à la demande de journalistes yéménites, devant un photographe qui a immortalisé l’instant. «Je n’avais jamais vu ça auparavant», a confié une de ces journalistes, sous couvert d’anonymat, de crainte de mettre en danger sa famille restée au Yémen.

Selon des témoins de l’échange, les deux hommes ont accepté de bonne grâce. Une source onusienne a indiqué que le médiateur britannique Martin Griffiths, à l’initiative de ces discussions, avait vu la photo, rapidement diffusée sur les réseaux sociaux. Egalement diffusée par l’AFP, elle était disponible hier sur plusieurs sites d’information de pays arabes.

Pour la première fois depuis 2016, le gouvernement soutenu par l’Arabie saoudite et les rebelles appuyés par l’Iran reprennent langue, sous la pression de la communauté internationale qui s’alarme de l’urgence humanitaire. Toutes les précédentes tentatives de dialogue ont échoué. Les belligérants sont réunis dans un complexe hôtelier à Rimbo, à une soixantaine de kilomètres au nord de Stockholm. A la manoeuvre, les responsables onusiens souhaitent faire de la villégiature champêtre une possibilité pour «construire une confiance» réciproque en vue d’ouvrir un processus de paix. Un long chemin pavé d’embûches selon les observateurs avertis de l’histoire complexe du Yémen et de la guerre qui ravage depuis 2014 le pays le plus pauvre de la péninsule arabique et a fait environ 10.000 morts.

D’après des informations non confirmées officiellement, négociateurs du gouvernement et de la rébellion ne se parlent pas directement, sauf sur un dossier, l’accord d’échange de prisonniers conclu début décembre. La plupart du temps, le médiateur et ses conseillers font la navette entre les deux délégations. Les négociateurs des deux camps partagent en revanche une même cafétéria. Et une salle de prière a été aménagée pour permettre aux rebelles, chiites, et aux membres du gouvernement, sunnites, de se recueillir. «Ils se mêlent les uns aux autres, se rencontrent», assurait Martin Griffiths à la presse, lundi soir. Echarpe autour du cou, bonnet sur le chef, le ministre de l’Agriculture, Othman Moujalli, s’est plaint de devoir négocier «dans le froid». Les négociateurs yéménites sont logés au château de Johannesberg, construit au XVIIe siècle sur un relief boisé.

Le domaine situé entre Stockholm au sud et Uppsala au nord a été choisi pour sa proximité avec l’aéroport international d’Arlanda. Il dispose de plusieurs ailes et bâtisses indépendantes où résident les deux délégations yéménites, protégées par des policiers en uniforme et les services de sécurité et de renseignement. Un drone bourdonne de jour comme de nuit dans la nuée. Les 250 journalistes accrédités pour ces consultations sont installés dans une maison en bois rouge, avec vue sur les greens pelés. L’agence CFI Développement Media, a fait venir, avec le soutien de l’Unesco, des journalistes yéménites pour couvrir les pourparlers. «Nous avons une rédaction de 12 journalistes, hommes et femmes, qui représentent toutes les régions», explique Mohamed Alhani, consultant pour ce projet. «Alors que les médias internationaux peuvent s’intéresser à l’aspect purement politique de ces consultations, nous insistons, nous, sur les questions concernant la population». Leur sortie du Yémen représente déjà un exploit en soi. L’aéroport de la capitale Sanaa étant fermé depuis trois ans, il faut se rendre à Aden, dans le sud, pour prendre un avion.