Rabah Saâdane n’invite presque jamais les journalistes chez lui et s’il l’a fait pour Le Buteur et El Heddaf, c’est qu’il nous voue d’abord un grand respect, mais aussi parce qu’il avait des choses à dire, beaucoup de choses, notamment les attaques personnelles dont il a fait l’objet de la part de son capitaine Yazid Mansouri.
Des secrets qu’il aurait peut-être emportés à jamais avec lui, mais qu’il a révélés pour se défendre et participer à écrire l’histoire. Très courtois, l’ancien sélectionneur national nous a proposé des jus, histoire de nous permettre de nous rafraîchir de la chaleur qui régnait dehors (il a fait 27 degrés hier à Alger).
Toutefois et une fois l’interview commencée, le large sourire qu’il affichait a laissé place à un air sévère parfois colérique qu’il arrivait mal à dissimuler. Saâdane en avait visiblement marre des coups qu’il a dû encaisser pendant tout le temps qu’il a été à la tête de l’Equipe nationale et même après. Cette longue interview, c’est aussi et surtout une mise au point à ceux qui doutent de ses compétences.
Installés confortablement au salon de l’appartement qu’il possède depuis des décennies du côté de l’ISTS, nous pouvions commencer à poser nos questions. L’échange a duré environ deux heures au cours desquelles nous n’avons presque pas reconnu le Saâdane stoïque que nous avons appris à connaître durant les nombreux stages et les rencontres de l’Equipe nationale. Un échange passionnant !
L’actualité, c’est le match Algérie-Maroc et on aimerait bien connaître l’analyse de M. Saâdane qui connaît si bien cette sélection algérienne.
Je parlerai brièvement de ce match par respect à Benchikha, car je n’ai pas envie de faire ce que m’ont fait les autres. Vous savez, j’ai tellement souffert que des collègues entraîneurs «philosophent» et critiquent un homme qui tenait un poste très difficile et sensible, alors qu’ils ne savaient même pas ce qu’il y avait à l’intérieur de l’Equipe nationale. Je ne ferai pas comme eux, je me suis retiré, c’est bon ! Pour moi, l’Equipe nationale, c’est sacré et n’attendez pas que Saâdane vienne critiquer un entraîneur en place. Depuis les années 80 déjà, à chaque fois que je quittais l’Equipe nationale, je ne perturbais jamais les autres. La seule fois où j’ai critiqué un sélectionneur, c’est le cœur qui avait parlé.
C’était quand ?
Au lendemain de la défaite face à la Guinée. Je n’ai pas accepté qu’on joue ce match du Camp Nou contre l’Argentine, à quelques jours d’une rencontre capitale pour la qualification à la CAN. On a en plus joué sur un champ de patates et je l’ai dit publiquement, même si ça n’avait pas plu au directeur de l’OCO de l’époque. En tant qu’Algérien, je n’ai pas admis qu’on soit éliminés de la sorte, alors qu’on était très proches de la qualification. Comment peut-on perdre un match pareil ? Moi, je ne l’aurais jamais perdu ! Impossible ! Donc par principe et même quand je vois des choses, je ne les dirais pas publiquement.
Peut-on maintenant parler du match, même brièvement ?
Oui, bien sûr. Avant ce match, les joueurs étaient sous une forte pression, même durant le match, et cela s’est répercuté sur la qualité du jeu de l’équipe, notamment dans la conservation du ballon. Pourquoi tant de pression ? Parce qu’on a vécu une semaine à Annaba où ce fut la folie. Les supporters ne comprennent pas, ils aiment tellement les joueurs, ils veulent tous les embrasser, prendre des photos avec eux. Programmer ce stage à Annaba est peut-être une erreur. Même si ce fut difficile sur le terrain, l’équipe s’en est finalement bien sortie. J’ai pu constater que… (il se retient). Cette équipe a toujours du cœur et résume parfaitement la mentalité de l’Algérien qui sait se surpasser dans les grands matchs. Je l’ai d’ailleurs déclaré avant la rencontre en disant que dans un bon jour, cette équipe était capable de battre n’importe quel adversaire grâce à la hargne et la combativité des joueurs qui la composent. Finalement, cette pression, qui n’a pas permis aux joueurs de s’exprimer sur le plan technique, leur a permis de gagner avec le cœur.
Si c’était vous le sélectionneur, vous auriez sans doute programmé un stage à l’étranger avant d’affronter le Maroc ?
Je ne suis pas un donneur de leçons et chacun a sa manière de travailler. Moi, j’ai choisi de préparer l’équipe à l’étranger en prévision des matchs contre l’Egypte pour ensuite m’enfermer à l’hôtel 48 h avant les rencontres. Allah ghaleb, le peuple aime tellement son équipe, mais il n’est pas discipliné. On vient nous klaxonner la nuit devant l’hôtel.
On peut mobiliser le service de sécurité qu’on veut, les joueurs ne seront jamais à l’aise en Algérie. J’espère que Benchikha saura retenir la leçon d’Annaba. Je ne dis pas que les stages à l’étranger sont la solution, mais il faut vraiment réfléchir sur cet aspect et éviter de mettre une pression supplémentaire sur les joueurs. S’il veut continuer comme ça, c’est sa responsabilité aussi. Je me souviens toujours de notre stage à Coverciano et l’avalanche de blessures dont avait été victime l’EN. On avait une équipe décimée avant d’aller au Caire, mais personne n’a su qui allait être rétabli et qui allait déclarer forfait.
Vous n’allez pas étaler les manques publiquement, OK ! Mais si demain Abdelhak Benchikha venait vous demander conseil ?
En tête à tête ? Bien sûr que je lui donnerai tout ce que je sais sur cette Equipe nationale. Pendant plus de 15 ans, j’ai formé des entraîneurs ici à l’ISTS, j’ai toujours été formateur à la Fédération algérienne avec les Khabatou, Amara et compagnie. Un formateur, c’est quelqu’un qui transmet son savoir aux autres et ceux qui me connaissent vous diront que je n’ai jamais dit non à quelqu’un qui voulait apprendre. Dieu seul sait combien d’entraîneurs s’étaient assis à votre place pour demander le savoir. Mais attention ! Je ne dis pas que je détiens le savoir. Je leur disais à tous : «Mon fils, voilà ce que j’ai comme connaissances, mais c’est à toi de gérer la situation sur le terrain parce que chaque situation est différente.»
Est-ce qu’on va se qualifier à la prochaine CAN ?
C’est prématuré de le dire. A ce stade-là, c’est très difficile d’émettre le moindre pronostic et je vais vous expliquer pourquoi. Il y a un match en fin de saison face au Maroc et là, je peux vous dire qu’on fera un meilleur match que celui d’Annaba parce qu’à l’extérieur, on joue beaucoup mieux. Les joueurs se sentiront plus libérés et la pression sera beaucoup plus sur les Marocains. Il y aura un autre match à l’extérieur contre la Tanzanie, mais dans des conditions complètements différentes puisque nous serons non seulement en début de saison, mais à la fin du Ramadhan.
Nous avons joué la Tanzanie à la même période à Blida, non ?
Mais à l’aller, c’était pire car la saison dernière s’était terminée en juillet pour les joueurs, alors que cette saison se terminera en mai. Face au Gabon au mois d’août dernier, il y avait des joueurs qui avaient huit jours d’entraînement de reprise, après un mois de congé. Un mois de congé veut dire qu’ils revenaient de zéro. Les joueurs m’ont confié qu’ils n’avaient rien fait pendant les vacances. Il leur fallait trois à quatre mois pour revenir.
Mais c’est ça la date FIFA, non ?
Bien sûr et c’est pour cette raison que lors du dernier séminaire FIFA-CAF qui s’est déroulé au Caire, j’ai dit solennellement que la FIFA a commis une erreur méthodologique grave. M. Blatter m’a dit qu’une semaine plus tôt, les Européens avaient posé le même problème. Non, on ne peut pas jouer un match juste après être sorti d’une Coupe du monde. La défaite contre le Gabon était logique, car les joueurs gabonais, les locaux, étaient en pleine compétition et les pros avaient entamé la préparation un mois avant les nôtres.
Donc, c’est à cause de la programmation de la FIFA qu’on a perdu deux points précieux ?
En partie oui, car les Tanzaniens, je les aurais étrillés tactiquement, physiquement et techniquement, s’ils étaient venus en milieu de saison. Il y a eu aussi la malchance avec toutes ces occasions de buts qu’on a ratées. J’ai tout prévu en demandant aux joueurs de jouer intelligemment et de doser leurs efforts pour ne pas se blesser.
Sincèrement Cheikh, avec un peu de recul auriez-vous quitté la sélection au lendemain de la Coupe du monde ?
Il était prévu que je quitte l’Equipe nationale d’autant plus qu’on ne m’avait pas proposé de prolonger mon contrat. Quelqu’un m’a demandé de rester ? Non, la fédération ne m’a pas jamais proposé quoi que ce soit. S’ils avaient considéré que j’étais bon et que j’avais réussi dans ma mission, ils m’auraient proposé une prolongation de contrat bien avant d’aller en Coupe du monde. Six mois, voire une année avant. Mon contrat se terminait à la fin de la Coupe du monde, je devais logiquement partir. En plus, ma famille et mes proches en avaient marre ! L’Equipe nationale a tellement pris de l’ampleur et la pression a augmenté.
Pourquoi vous êtes donc resté ?
Les responsables m’ont contacté, alors qu’on était toujours en Afrique du Sud, et m’ont dit que les délais étaient trop courts pour ramener un nouvel entraîneur. Qui va prendre cette équipe en un temps si court sans connaître les joueurs et l’environnement de l’Equipe nationale ? m’ont-il dit.
Qui vous a dit ça ?
Ecoutez, nous sommes tous des Algériens, je ne vais donc pas donner des noms, car je juge que ce n’est pas important. En tant qu’Algérien, je n’avais pas le droit de me dérober, car si ça ne tenait qu’à moi, je ne serais pas resté. Moralement j’étais usé, ma famille n’en pouvait plus, mais c’était comme un appel du pays et je ne pouvais pas dire non.
Avez-vous été touché par les insultes du public de Tchaker qui, quelques mois auparavant, vous avait reçu comme un héros national ?
Je n’en veux pas au public car je pense, et je suis convaincu, qu’il y avait des gens derrière tout ça qui voulaient que je parte. Point à la ligne. Je suis un homme respectueux et je n’ai jamais imposé ma personne au détriment de l’intérêt général, je sais quitter la table au bon moment. J’ai toujours dit aux joueurs, pour les préparer à mon départ, que l’Equipe nationale n’était pas Saâdane. Personne n’est éternel en Equipe nationale, ni dans ce bas monde, ni Saâdane, ni les joueurs.
Comment a été la réaction des joueurs ?
Il savait déjà en Suisse que je n’allais pas rester. Mais ils ont tout fait, après la Coupe du monde, pour me convaincre de continuer l’aventure avec eux. Ils sont même allés voir le président de la fédération à l’aéroport de Durban, juste avant le retour au pays. J’ai donc continué à travailler, mais je n’avais plus de force. Il n’y avait plus de charme. Je gênais beaucoup de gens, je suis parti pour leur laisser l’équipe.
Vous disiez tout à l’heure qu’il n’y avait plus ‘Niya’. Que voulez-vous dire par là ?
L’Equipe nationale était petite et maîtrisable puis elle a grandi. Elle a tellement grandi que tout le monde voulait s’y engouffrer. Tout le monde voulait changer le staff technique, tout le monde voulait s’immiscer…
Y compris dans le choix des joueurs ?
Oui, mais je ne permettais à personne de mettre son nez. C’est vrai que je suis ouvert et je discute de tout, mais les décisions techniques, c’est moi, en collaboration avec mon staff, qui les prenais et personne d’autre. Comment j’ai pu ramener Kadir ? Quelqu’un s’attendait à ce que je le ramène ? Quelqu’un me l’a imposé mais on m’a dit de ne pas le prendre ? Certains joueurs étaient réticents parce qu’il y avait beaucoup d’éléments avec le même profil que Kadir, mais je leur ai dit : «C’est mon problème et j’en assume l’entière responsabilité.»
Pensiez-vous au départ le faire jouer dans le couloir ?
Non, c’est en Suisse que je commençais à réfléchir à la manière de bien utiliser ce joueur. J’ai fait un premier essai en mettant Guedioura à droite contre l’Irlande parce que je pensais qu’il en avait les capacités. Je me suis rendu compte que ce n’était pas ce qu’il fallait, j’ai changé.
Les joueurs continuent-ils à vous appeler ?
Non, parce qu’ils n’ont pas mon nouveau numéro de téléphone, mais ils me passent le bonjour à travers d’autres personnes. Il faut dire toutefois que même lorsque j’étais leur sélectionneur, je ne leur parlais pas souvent au téléphone, c’était Zoheïr (Ndlr. Djelloul adjoint de Saâdane) qui s’occupait de ça. Je préférais maintenir une certaine distance avec eux en appelant que dans les cas spéciaux, comme les blessures par exemple. Ce sont mes enfants et je les adore, mais je préfère garder le respect. Eux-mêmes le savent très bien, jamais je ne ferai quelque chose contre eux en tant que personnes, mais en Equipe nationale, j’étais intransigeant.
Après dix ans en Equipe nationale, vous avez écarté Mansouri en le privant de Coupe du monde. Vous arrive-t-il de regretter cette décision ? N’avez-vous pas subi des pressions pour le mettre à l’écart ?
(l’air sévère) Je suis convaincu à 100 % d’avoir pris la bonne décision en écartant Mansouri et je vais vous dire pourquoi ? Primo : après la Coupe d’Afrique, Mansouri est revenu dans son club à Lorient qui n’est pas le Real Madrid et s’est retrouvé écarté du onze titulaire. Il n’a plus été titularisé jusqu’en fin de saison, il a été effacé par deux joueurs. Je pouvais le barrer complètement et lui dire : «Tu ne joues plus en club, tu ne feras donc pas partie des 26 présélectionnés du stage de Crans Montana.» Deuxio : à Crans Montana, nous avons fait une batterie de tests sur le plan physique et physiologique. Mansouri n’était pas blessé, mais aujourd’hui je vais vous dire la vérité : il a fui et a évité de passer ces tests parce qu’il savait qu’il n’était pas dans le coup. Je l’ai fait jouer contre l’Irlande parce que je n’avais pas le choix, j’avais 17 joueurs aptes et ils ont tous joué parce que c’était un match expérimental. A Nuremberg face aux Emirats, il ne devait pas être titulaire, je devais faire jouer la paire de milieux défensifs qui devait jouer contre la Slovénie. Mais comme Yebda n’était pas apte, je l’ai fait jouer. Dès que Yebda a récupéré, c’était lui et Lacen qui devaient commencer le premier match de Coupe du monde.
Capitaine ou pas capitaine, je devais faire joueur les meilleurs. En Coupe d’Afrique, il a été excellent avec Yebda, mais entre la Coupe d’Afrique et la Coupe du monde, beaucoup de choses ont changé. Lui ne jouait plus en club et nous, nous avons ramené de la qualité. A Nuremberg, le public l’a copieusement insulté et on l’a soutenu à fond, mais il y a l’intérêt de l’Equipe nationale qui prime. (Saâdane élève la voie) Au moment où je fais mon équipe, je ne tiens pas compte du capitanat. Même le brassard, il y a d’autres qui le méritaient avant lui. Mansouri n’a jamais été un leader dans le groupe. Quand je suis arrivé, je l’ai trouvé capitaine, je l’ai maintenu. J’ai plusieurs fois voulu changer, mais je n’ai pas voulu casser le groupe à cause d’un problème de capitanat. Je connais bien les joueurs et je peux vous dire aujourd’hui qu’il n’a jamais fait partie des véritables leaders du groupe. Il me paraissait un gentil garçon, je n’ai donc pas voulu le brusquer.
Vous arrivait-il de le consulter, lui ou les autres leaders, au moment de choisir l’équipe ?
Je prenais des avis, mais je choisissais les joueurs seul. Pour Mbolhi par exemple, personne n’était au courant. J’ai tranché le cas de Mbolhi seul à la maison à minuit. J’ai vu et revu ces cassettes et j’ai décidé qu’il soit avec nous bien qu’on ait voulu me tourner la tête à plusieurs reprises.
Mansouri vous reproche surtout de l’avoir écarté sans lui fournir la moindre explication…
Faux ! Je lui ai parlé deux fois en pensant qu’un professionnel comme lui doit savoir accepter la concurrence. Vous savez comment il réagissait ? Il me disait : «Mais moi j’ai rêvé de jouer la Coupe du monde, toute ma famille attend de me voir sur le terrain.» Déjà le fait qu’il soit dans les 23 était un cadeau de ma part, car je considère qu’il méritait d’être avec le groupe après avoir bataillé avec nous pendant trois ans, mais pas comme titulaire. Contrairement à ce qu’il dit, j’ai toujours communiqué avec les joueurs. Je donnais toujours l’équipe-type et la tactique trois ou quatre jours avant le match. D’ailleurs, vous-même vous arriviez tout le temps à l’avoir et à la publier sur votre journal, c’est vrai ou pas ? Je faisais ça pour avoir le temps nécessaire de régler les problèmes et calmer les récalcitrants. Je concoctais l’équipe bien avant, comme ça le jour du match, le joueur fchchchchchch ! Il se dégonfle complètement. Le jour du match, il n’y a plus de place aux futilités, c’est l’heure de vérité et chacun sait ce qui est attendu de lui.
Mansouri, qui a côtoyé de grands entraîneurs, pense que vous êtes très faible tactiquement. Comment réagissez-vous à cette critique ?
Je voudrais bien croire qu’il a fait une telle déclaration sous le coup de la déception, car je comprends que quelqu’un qui joue dix ans en Equipe nationale pour en être écarté la veille d’un Mondial soit déçu.
Il a rêvé de jouer ce mondial et je lui ai enlevé ce rêve. Il dit qu’il ne m’adressera plus jamais la parole, comme si je courrais derrière lui pour le saluer. Moi aussi je suis déçu par sa personnalité car en tant que capitaine, il s’est humilié en s’attaquant à moi et la fédération aurait dû le sanctionner. S’il avait vraiment du courage, il aurait parlé le jour où je lui ai annoncé qu’il n’allait pas être titulaire. Il a fait comme les Allemands qui, des années après, ont reconnu avoir combiné le match contre l’Autriche (Ndlr : Shumacher l’a avoué à l’occasion du Ballon d’Or Le Buteur/El Heddaf). Moi, j’ai un océan de secrets sur l’Equipe nationale, mais je les livrerai jamais pour protéger l’équipe de mon pays.
Je l’ai maintenu dans le groupe, non pas parce que c’est un leader, mais par ancienneté seulement et aujourd’hui, il vient s’attaquer à moi. Maintenant, je vais répondre à votre question : on ne peut pas être faible tactiquement lorsqu’on possède le palmarès qui est le mien. Je ne peux pas avoir participé à une Coupe du monde juniors et à trois seniors en étant faible tactiquement. Je ne peux pas gagner la Coupe d’Afrique des clubs champions, la Coupe arabe et plusieurs titres nationaux en étant faible tactiquement. Que celui qui a mon palmarès vienne me parler. Je ne parle même pas de 99 lorsque j’ai repris une équipe pratiquement éliminée pour la qualifier à la CAN et la remettre aux responsables de la fédération, ni du parcours de 2004. Tout ça, et je n’ai pas de tactique. Tout le monde reconnaît mon mérite, sauf Mansouri qui ne s’est pas comporté en homme.
A ce point ?
Oui car s’il était homme, il aurait parlé lorsqu’il avait su qu’il n’allait pas être titulaire et il avait largement le temps de le faire. Non, lui il a préféré agir d’une manière sournoise en voulant monter les joueurs contre moi après la défaite face à la Slovénie et en semant la zizanie.
Qu’avez-vous fait pour mettre fin à tout cela ?
A 48h du match contre l’Angleterre, j’ai appelé M. Raouraoua et j’ai réuni les joueurs pour leur dire : «Il y a des joueurs qui sont en train de déstabiliser l’équipe. S’ils n’arrêtent pas, je suis prêt à les renvoyer immédiatement et je suis prêt à jouer avec 17 joueurs qui me suffisent largement.» On a failli tomber dans le même piège que l’équipe de France à cause de l’égoïsme de certains joueurs. (Ndlr : Saâdane prend une revue française qui date du mois de juillet et lit les déclarations de la ministre des Sports française Mme. Bachelot) Regardez la réaction d’une ministre à propos de ce qu’ont fait les joueurs de l’équipe de France : «La valeur éducative et la nécessité pour les grands champions de montrer l’exemple. On doit être totalement intransigeants à cause du comportement incorrect de certains joueurs vis-à-vis de leurs collègues et des supporters. Les joueurs doivent être irréprochables parce qu’ils ont une valeur d’exemplarité plus importante que les autres.» Mansouri a-t-il été un exemple ? Je ne le pense pas. Pourtant, depuis qu’il était dans les centres de formation, on lui avait appris à accepter la concurrence. Pour lui faire plaisir monsieur, on lui offre une place de titulaire en Coupe du monde. (Irrité) Non ! Je ne le fais pas jouer et je le lui ai dit plusieurs fois. Le plus grave, c’est qu’il attaque ses camarades à cause de leur algérianité. Lui-même a tiré profit de l’Equipe nationale. Sans l’Equipe nationale, il n’aurait pas signé au Qatar. Il a été l’un des premiers à bénéficier de contrats publicitaires. Pourquoi il crache sur la soupe aujourd’hui ?
Il visait peut-être Lacen qui a refusé de jouer la CAN pour venir lui prendre sa place en Coupe du monde…
Allez demander à MM. Raouraoua et Sadi et ils vous diront comment a réagi Lacen lorsque nous sommes allés le voir à Santander. Son seul souci était de ne pas prendre la place de quelqu’un qui a bataillé pour jouer la Coupe du monde. Lacen est un Algérien à 100 %, Mbolhi aussi. Qu’aurait-il dit s’il était tunisien et qu’on lui aurait ramené des Brésiliens ? Il faut qu’il sache que le monde a changé (il rit franchement et pour la première fois depuis le début de l’interview). Il aurait dû se taire et continuer à travailler pour le bien de l’équipe. Au contraire, il a préféré penser à sa petite personne. Qu’est-ce que je dirais moi après 86 ? J’ai été massacré, mais je suis revenu à chaque fois qu’on avait besoin de moi. Mansouri est un égoïste et mérite d’être sanctionné par la fédération. Il a parlé la première fois, je n’ai pas voulu lui répondre, maintenant il récidive, y en a marre ! S’il était homme, il m’aurait dit : «Je joue ou je pars», comme l’a fait Ouadah à la CAN-2004, mais il n’a pas été homme. Ouadah a été courageux, il est venu me voir pour me dire : «Coach, j’ai 27 ans, je joue ou je pars.» Je lui ai dit : «Pars !» Il a par la suite essayé de faire marche arrière, mais je n’ai pas voulu revenir sur ma décision car je devais protéger le groupe. Quand il y a une mauvaise tomate dans le cageot, il faut la jeter, sinon elle risque de pourrir tout le cageot. L’Equipe nationale n’appartient ni à Mansouri ni à Saâdane et le choix des joueurs se fait selon plusieurs critères dont un très important à mes yeux.
Lequel ?
Il faut que le joueur cherche après l’Equipe nationale, non pas le contraire et Lacen a ce critère. Il aime l’Algérie et voulait dès le début jouer en Equipe nationale. Si je n’avais pas senti ça en lui, je ne l’aurais jamais ramené. C’est le cas de Boudebouz, Mbolhi, Kadir et les autres. Vous ne savez sans doute pas, mais Lacen a pleuré à Annaba en voyant tout ce public venu soutenir l’Equipe nationale. J’ai essayé d’expliquer à Mansouri mes décisions et il dit qu’il rêve de jouer la Coupe du monde. Eh bien, qu’il rêve ou qu’il ne rêve pas, il ne la jouera pas et il ne l’a pas jouée.
Lacen nous a déclaré dernièrement qu’il était tellement gêné de remplacer Mansouri qu’il était prêt à lui céder sa place face aux Etats-Unis. Qu’en dites-vous ?
Je ne ferai pas de commentaire parce que je connais bien Lacen. Je l’ai vu vivre dans le groupe. Allez demander à tous les membres de l’Equipe nationale s’ils se sont un jour plaints de lui. Il est respectueux et il se fait respecter. En plus sur le terrain, il joue juste et collectif.
Passons un peu au cas Meghni. Dernièrement, le Dr Zerguini a animé une conférence de presse au cours de laquelle il a déclaré qu’il vous avait conseillé de ne pas aligner le joueur au risque de mettre sa carrière en danger…
(Il nous coupe) Je n’ai pas entendu du tout ce discours-là en Angola. Moi, je travaille avec un staff médical et le staff durant la CAN était composé du Dr Boughlali et du médecin allemand. Ce qui m’intéressait, c’était de savoir si le joueur voulait jouer et surtout s’il n’y avait aucun risque pour la suite de sa carrière médicalement parlant. D’habitude M. Zerguini, qui est le président de la commission médicale de la fédération, m’informe systématiquement par écrit dans des cas comme ça. S’il a des documents, je voudrais bien les voir, mais je sais qu’il n’y en pas.
Vous avez déclaré récemment que le président Raouraoua vous avait proposé le poste de DTN. Lui avez-vous rendu votre réponse ?
Oui, tout récemment.
Quelle a été votre réponse ?
Je suis bien là où je suis.
Cela veut-il dire que vous avez refusé ?
Je vous ai dit que je suis bien loin du terrain et de la DTN.