Un pied au pouvoir et l’autre dans l’opposition, le président du MSP croit faire d’une balle deux coups.
Le président du Mouvement de la société pour la paix (MSP), Bouguerra Soltani, reprend son cheval de bataille et compte conduire les rangs des islamistes algériens aux prochaines élections législatives. Il se libère ainsi des chaînes qui le liaient à l’Alliance présidentielle, qu’il avait rejointe il y a déjà 8 ans. Ainsi, pour paraphraser son allié d’hier, M.Ahmed Ouyahia, secrétaire général du Rassemble-ment national démocratique (RND), et Premier ministre, durant les cinq dernières minutes de la vie de l’Alliance présidentielle. S’estimant favori incontestable aux prochaines législatives, le MSP défie donc, d’une part, ses alliés d’hier et se retire de l’Alliance présidentielle avant d’appeler de l’autre, des cadres de la mouvance islamiste à constituer un front contre la fraude. Le MSP compte donc changer de chemin politique et «s’émanciper» en prévision des législatives, en basculant dans l’opposition politique, sortant de fait de l’Alliance présidentielle, qui l’a dans le même temps servi et souvent desservi. C’est dire que le successeur de feu Mahfoud Nahnah croit encore remporter la guerre (des élections) après avoir perdu «la bataille dans l’épreuve du pouvoir» dans laquelle son parti s’était engagé étant présent dans presque la totalité du territoire national et possédant des élus dans les APC, APW, à l’APN et au Conseil de la nation. Visiblement, il lui manque seulement de mettre un pied au niveau des centres de décision pour espérer gouverner un jour seul le pays.
En toute objectivité, l’analyse politique de Ahmed Ouyahia est fondée d’autant plus que le guide du MSP ne s’est retiré de l’Alliance présidentielle qu’après avoir enregistré des départs massifs de ses cadres, tout en provoquant un mécontentement des plus critiques auprès de sa base militante, qui s’est soldé par le départ de 500 femmes militantes. En fait, c’est au milieu des années 1990 que le pouvoir politique a décidé d’intégrer les islamistes dans le jeu politique pour tenter de les amadouer. A-t-il réussi aujourd’hui et soumis Bouguerra Soltani à la politique du dirigeant dirigé, chère à Sun Zi, une stratégie politique développée dans son oeuvre capitale Art de la guerre? Et si c’est le cas, Bouguerra Soltani, accusé par ses cadres d’avoir dévié le la ligne principale du MSP, fera un nouvel acteur politique faisant partie d’un décor conçu et monté au préalable. Les spécialistes en témoignent. «Le rôle du MSP dans la vie politique nationale est décidé depuis qu’il a rejoint le pouvoir. Et sa manoeuvre politique aujourd’hui est liée au rôle qu’il assure officiellement dans le système dont il fait présence», souligne Hocine Youcef, chercheur à l’Institut de recherche islamique de Washington. Multipliant les contacts et emporté par les vents du Printemps arabe, le chef de file du MSP multiplie ses visites, auprès des nouveaux arrivistes, dans certains pays arabes, où les courants islamistes occupent la première loge, et se voit ainsi comme ambassadeur et représentant des islamistes algériens.
Le MSP compte gagner la guerre
Avec des déclarations à la limite de la provocation, il anime son discours, promettant une rude bataille à ses alliés d’hier au cours du prochain rendez-vous électoral, tout en leur faisant savoir que la fin de l’union a sonné. «Le temps de l’Alliance présidentielle est terminé pour passer à la compétition», a-t-il tranché lors de la tenue de la dernière réunion de son conseil. Pis encore, Bouguerra Soltani a déclaré dernièrement à partir de Bordj Bou Arréridj que «la société algérienne veut être gouvernée par les islamistes». Bouguerra Soltani, ancien instituteur d’arabe, considère que la percée historique des islamistes en Tunisie, au Maroc et en Egypte aura «un effet inducteur positif» sur la mouvance islamiste en Algérie, d’où il bombe le torse et se voit déjà première force politique du pays. Néanmoins, le Mouvement de la société pour la paix (MSP) ignore à l’évidence qu’il ne représente plus le modèle des islamistes algériens, qui sont d’ailleurs partagés en quatre nouvelles formations politiques, aspirant à leur tour à s’engager dans les prochaines élections législatives. La bonne gouvernance promise du MSP n’est plus un idéal pour eux. Les scandales qui ont éclaté dans des secteurs où ses ministres sont en charge n’attirent plus d’adeptes autour de lui. Le feuilleton de l’autoroute Est-Ouest, le secteur du commerce qui peine à se relever et faire face à l’informel, ou encore l’affaire du thon rouge en sont l’illustration. Que dire alors de M.Soltani lorsqu’il était à la tête du secteur de la pêche? L’Algérie riche en ressources halieutiques ne parvient pas à exploiter cette richesse correctement alors que le prix du poisson ne descend pas des cimes. Les Algériens, en tous les cas, s’en souviennent. La liste des coups fourrés et maladresses politiques de M.Soltani est assez longue.
L’épreuve du pouvoir des islamistes en Algérie ne date pas d’hier. Les résultats sont là et connus de tous. Les ministères des Travaux publics, du Commerce, de la Pêche, du Tourisme et de l’Artisanat sont aujourd’hui pilotés par des ministres du MSP, alors que le patron de ce parti a été élevé au rang de ministre d’Etat avant de perdre son statut. Lui qui a soutenu dans le fond et la forme le Programme présidentiel, a donné instruction ferme à ses députés de voter contre les projets de loi s’inscrivant dans le cadre des réformes engagées par le chef de l’Etat. On rappellera qu’au milieu des années 1990, plusieurs ministres islamistes ont dirigé et géré d’importants portefeuilles.