Combien de clients ont perdu leur argent déposé à Khalifa Bank ? Ces personnes se sont-elles organisées en association ? Quelles sont leurs revendications ? Sont-elles toutes en vie ? Comment vivent-elles à présent ?
A ces questions, un membre du collectif des clients spoliés de Khalifa Bank, créé pour justement défendre leurs intérêts, nous répond sous le couvert de l’anonymat. «J’ai peur de ne jamais être indemnisé par le liquidateur, si jamais je m’exprime librement», a-t-il confié.
Le collectif des clients spoliés de Khalifa Bank, présidé par Omar Abed, est aujourd’hui privé de bureau. C’est ce que nous dira notre source, ajoutant qu’«en plus de notre argent déposé à Khalifa Bank, nous avons même perdu le local qui nous servait de recevoir les clients spoliés par cette banque».
Et de poursuivre : «Avant que nous perdions ce bureau, notre collectif comptait entre 1400 et 2000 clients. Leur nombre est certainement supérieur puisque depuis sa fermeture, nous ne pouvions recevoir d’autres clients. Nombre parmi les clients spoliés ne peuvent donc savoir où s’adresser et ne sont, de cette façon, pas recensés par notre collectif», a t-il lancé.
«Je peux seulement vous dire que dans le cadre de la déclaration des créances, nous avons reçu de la part du liquidateur un bon comprenant le nombre de 12 000, ce qui laisse supposer que le nombre de clients spoliés par Khalifa Bank atteint ce chiffre», a-t-il encore expliqué.
«Notre collectif a des représentations dans plusieurs pays, dont la France, la Belgique, l’Angleterre et la Tunisie, pays dans lesquels se trouvent d’ex-clients de Khalifa Bank», a-t-il poursuivi.
«Khalifa Bank proposait 17% d’intérêts pour les dépôts. Beaucoup ont vendu leurs biens immobiliers et tout ce qu’ils possédaient pour investir l’argent obtenu de ces transactions dans la banque d’Abdelmoumène Khalifa.
Ils se sont retrouvés, après la dissolution de cette banque, sans aucun centime et sans domicile.
Nous avons été invités, il y a quelques années, par le liquidateur qui nous a proposé un remboursement à la hauteur de 500 000 DA. Or, ce remboursement ne représente que 0,001% de la somme que nous avons déposée chez Khalifa Bank, sachant que plusieurs clients ont déposé des milliards de centimes dans cette banque disparue», dénonce-t-il.
«Nous n’arrivons pas à comprendre certaines failles quand le liquidateur procède à ces remboursements, par voie de communiqué, alors que l’affaire relative à Khalifa Bank est toujours en justice, puisque la Cour suprême n’a pas encore tranché», fait-il remarquer d’autre part.
Un remboursement qui ne convainc pas les clients
«De nombreux clients vivent des situations pour le moins dramatiques. Plusieurs d’entre eux ont divorcé, d’autres se sont endettés et certains réduits à tenter d’éviter à leurs familles de crever de faim. D’autres sont décédés des suites d’arrêts cardiaques après avoir appris que tout leur argent était perdu.
Environ une vingtaine de personnes sont décédées depuis la dissolution de cette banque en 2004, en raison de la perte de leur argent. Leur nombre pourrait être supérieur, car il ne s’agit là que de celles qui ont adhéré au collectif des clients spoliés de Khalifa Bank. D’autres ont tenté de se suicider», témoigne Omar Abed, qui cite aussi le cas d’un ancien membre de l’ALN qui a déclaré avant son décès :
«Nous avons délaissé nos enfants et nos parents au bénéfice de la Révolution, et aujourd’hui, c’est notre argent qui s’évapore.» Plusieurs tentatives de suicide ont été enregistrées après la liquidation de la banque.
«C’est le cas de Hamid de Aïn Bénian, qui a tenté de se suicider», a-t-il lancé. «C’est l’Etat qui a accordé l’agrément à Khalifa Bank, c’est à lui d’assumer ses responsabilités», a-t-il ajouté. Et de s’interroger :
«Pourquoi le liquidateur n’accepte pas de rembourser les clients spoliés de Khalifa Bank qu’à hauteur de 60 millions de centimes, sachant que «le prétexte de la restitution de seulement 5% de la somme d’argent détournée ne convainc pas tout le monde.»
Mounir Abi