En l’absence de répondant, le mouvement des chômeurs s’intensifie, le rassemblement de ghardaïa s’est déroulé dans le calme

En l’absence de répondant, le mouvement des chômeurs s’intensifie, le rassemblement de ghardaïa s’est déroulé dans le calme

Après Tamanrasset mercredi dernier, les jeunes sans emploi du sud du pays se sont donné rendez-vous hier à la place du 1er Mai à Ghardaïa pour «le rassemblement de la dignité» auquel a appelé le Comité national pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC).

Ils étaient approximativement un millier de jeunes à répondre à l’appel du CNDDC, tandis que d’autres ont été empêchés de rallier Ghardaïa, nous explique-t-on. Dès la matinée, la place du 1er mai commençait à être noire de monde. Les jeunes qui ont afflué, d’après Belkacem Khencha, coordinateur régional du CNDDC, d’une vingtaine de wilayas, ont tenu à «marquer la journée qui restera dans l’histoire», dira Tahar Belabès.

Très discrets, les services de sécurité étaient «absents» de l’endroit où s’est tenue la manifestation, et aucun incident n’est à signaler, même si, au départ, une certaine tension régnait à Ghardaïa. Le rassemblement s’est déroulé dans le calme et, main dans la main, les deux communautés arabe et mozabite ont scandé les mêmes slogans et semblent avoir enterré pour de bon la hache de guerre.

Le slogan phare du CNDDC, «le combat continue jusqu’à ce que le chômeur travaille», a été scandé tout au long du sit-in qui a pris fin aux environs de midi. D’autres slogans de nature sociale mais aussi politique ont été également scandés, entre autres, «Messieurs du gouvernement, le Sud est marginalisé», «Des milliards de dollars en l’air alors que les jeunes se retrouvent dans la rue», «Nous voulons vivre dignement, non à la dilapidation des biens de l’Etat», ou encore, «Unité nationale est synonyme de justice sociale».

Le 1er Mai, qui a fait office pour la circonstance de tribune pour défendre la cause des chômeurs et rappeler que leur combat en dépit des «manœuvres» visant à le dévier de sa trajectoire, restera un combat résolument pacifique.

L’hymne national a été diffusé et chanté en chœur par les jeunes pour répondre aux accusations de «séparatisme» dont fait l’objet, depuis un certain temps, le CNDDC qui tient plus que jamais à ne pas dépasser les «lignes rouges», c’est-à-dire tout ce qui touche à l’unité nationale. Tahar Belabès, le coordinateur du mouvement, qui a pris la parole, a été clair là- dessus : «On nous a collé plusieurs étiquettes, mais les masques sont tombés depuis le rassemblement de Ouargla le 14 mars. Notre combat demeure pacifique et nul ne peut nous arrêter dans notre marche pour la liberté».

«Notre seule arme,le combat pacifique»

«On nous a accusés d’appartenir aux groupes terroristes, mais notre seule arme reste le combat pacifique», réitère-t-il avant d’enchaîner : «Des personnes voulant rallier Ghardaïa ont été empêchées et des axes routiers ont été fermés.

Il faut alors fermer toute l’Algérie pour arrêter notre mouvement qui est structuré dans l’ensemble des 48 wilayas», ironise Belabès, non sans rappeler le caractère «indépendant» du mouvement. Il est à rappeler, en effet, que plusieurs tentatives d’«infiltrations» ont été tentées mais dénoncées et rejetées à chaque fois par les animateurs du mouvement qui ont, en parallèle, laissé s’exprimer hier une représentante des familles des disparus.

«Elles ont toujours défendu notre cause», se défend-on, mettant en exergue le côté solidaire de l’action. Louisa Hanoune, par contre, est dénoncée pour ses positions «tranchées» par rapport au mouvement et est priée de «s’occuper de ses oignons», mais aussi Chakib Khelil et toutes les personnes dont les noms sont cités dans les affaires de corruption ou autres. Si les revendications sont principalement d’ordre social, le mouvement des chômeurs tente une «incursion» dans le politique. «Tout est politique», justifie-t-on.

«Comment voulez-vous ne pas aborder le problème du point de vue politique lorsqu’on nous accuse d’atteinte à la souveraineté nationale ?» s’interrogera Belkacem Khencha au moment où, sur des pancartes brandies par des manifestants, on peut lire : «Oui à une bonne gouvernance», «Le peuple n’a pas besoin de tutelle»…

Les jeunes de Ghardaïa réclament un statut de zone pétrolière pour leur wilaya. Pour ce qui est de Ghardaïa, «les autorités doivent accorder le statut de zone pétrolière à la wilaya car il y existe déjà une raffinerie et des zones gazières (Oued Noumer…)», explique Abdeslam Hamdane, coordinateur du CNDDC à Ghardaïa, qui réclame dans la foulée l’application sur le terrain des mesures Sellal qui concernent notamment la sous-traitance. Outre l’ouverture d’instituts de formation, Abdeslam réclame également «de la transparence» dans les concours de recrutement en sus du départ du directeur de l’agence de wilaya de l’Anem, Rachid Belagoun, accusé de «tous les trafics».

Le dialogue doit être établi, soutient Abdeslam, «entre les jeunes et les décideurs», et le wali de Ghardaïa est interpellé à cet effet. «Mais le dialogue ne peut se faire à travers ces pseudo-notables qui ne nous représentent pas», fait remarquer Abdeslam qui continuera à «sensibiliser» les jeunes sur la justesse de leur cause qu’il faut défendre crânement. Prochaine étape, Djelfa le 20 avril, nous révèle-t-on.

«Le combat pacifique continue», a tenu à conclure Tahar Belabès, avant de rallier sa ville, Ouargla, qui a vécu deux nuits d’agitation à cause d’une «politique sélective du logement» dont le CNDDC ne se sent concerné ni de près ni de loin. Un autre problème que doivent prendre en charge sereinement les autorités publiques si elles veulent éviter d’autres embrasements.

De notre envoyé spécial

à Ghardaïa : Saïd Mekla