EN La pointure promise par la FAF, combien ça coute ?

EN La pointure promise par la FAF, combien ça coute ?

ç Il l’a annoncé partout où il a pu, au lendemain de la débâcle de Marrakech, sans doute pour éteindre l’incendie de la colère populaire, le président de la Fédération algérienne de football, Mohamed Raouraoua, veut un entraîneur national étranger. Selon l’homme fort de Dély Ibrahim, les entraîneurs algériens, Benchikha en a été l’exemple, ont montré leurs limites en équipe nationale et le salut des Verts ne viendra que d’un entraîneur étranger à l’Algérie.

attention, Raouraoua ne veut pas n’importe quel entraîneur étranger, il veut une vraie pointure du coaching mondial. Fini l’époque des « petits coachs » à la petite semaine, des entraîneurs «discount» comme le Roumain Marcel Piguléa ou le Corse bondissant et grondant au CV lilliputien comme Jean-Michel Cavalli, aujourd’hui on nous annonce du «cador» du banc de touche, du CV de trois pages, du sélectionneur niveau UEFA Champions League.

Des profils comme Raymond Domenech, Marcelo Lippi ou encore le plus cité et le moins coté de tous, comparé aux deux autres, le Bosniaque Vahid Halilhodzic. Les noms qui circulent montrent bien que la FAF veut ce coup-ci jouer dans la cour des grands et rejoindre la quasi-totalité des nations africaines qui avaient déjà choisi cette option depuis très longtemps et bien sûr les monarchies du Golfe, très rompues à cet exercice du recrutement des grosses pointures.

Il aura fallu une «catastrophe footballistique nationale» pour qu’un projet ambitieux pour le football national, même si ce n’est que le recrutement d’un grand entraîneur avec un staff compétent, voit le jour. Mais ne faisons pas les difficiles, car comme le dit ce vieil adage : «Ne décourageons pas les bons mouvements» et surtout félicitons-nous que notre chère fédération commence à actionner le treuil qui tentera de nous éloigner du précipice vers lequel l’équipe nationale se dirigeait depuis la fin du Mondial et peut-être même avant dans l’indifférence totale, car toute action, même la plus petite, est toujours mieux que l’inertie.

Quelle est la fourchette de prix d’une pointure ?

Dans le monde du football, lorsqu’on emploie le terme «grosse pointure» pour désigner un entraîneur, c’est qu’il remplit un critère bien précis, celui d’être dans le Top 50 des entraîneurs de la planète. Pour être dans le Top 50, il y a deux facteurs distincts, mais qui se complètent. Un entraîneur doit avoir, au minimum, un parcours qui est allé très loin dans une compétition de grande envergure du type Eurofoot, Ligue des champions, CAN, Asian Cup et bien sûr la Coupe du monde qui sert de valeur étalon.

Cet entraîneur doit avoir un salaire compris entre 9 millions d’euros et 125 000 euros de salaire fixe par an, car la qualité, ça doit se payer et bien se payer.

Salaire fixe ne veut pas dire salaire total

Nous parlons bien de salaire fixe et non de salaire réel. Il faut bien distinguer cette nuance, car si l’on n’en tient pas compte au moment de la signature du contrat, le portefeuille de la Fédération risque d’en prendre un sacré coup. Les salaires annuels évoqués ci-dessous sont des salaires annuels que le futur entraîneur recevra quoi qu’il se passe.

S’il se met en arrêt maladie, s’il se blesse, ou encore s’il perd 4 buts à 0, il touchera ce salaire. Ensuite, à ce salaire fixe, déjà bien juteux, viendront s’ajouter tout un tas d’avantages tels les primes en cas de victoire ou en cas de qualification, une ou plusieurs maisons de fonction qui souvent sont des dons qui restent à vie la propriété, comme par exemple les maisons d’Eric Gerets au Maroc, la voiture de fonction avec la carte pour le carburant gratuite et bien sûr les billets d’avion à volonté pour rentrer en Europe. Et dans tout cela, nous ne comptons même pas les exorbitantes notes de frais, restaurants, hôtels chics et autres menus frais dépensés dans l’exercice de ses fonctions. A titre d’exemple, en ce qui concerne les pistes les plus chaudes de la FAF que sont Raymond Domenech, Marcelo Lippi et Vahid Halilhodzic, voilà à quoi ressemblerait leur salaire fixe.

Domenech : 54 000 euros de salaire fixe mensuel, soit 648 000 euros par an

Lippi : 250 000 euros de salaire fixe mensuel, soit 3 000 000 d’euros par an

Halilhodzic : 42 000 euros de salaire fixe mensuel, soit 504 000 euros par an

Pour information, durant son passage en équipe de France, Raymond Domenech a touché en prime, hors salaire fixe, 2 112 000 euros, grâce bien sûr à une double qualification à la Coupe du monde et aux primes de matchs diverses. Une somme astronomique à l’échelle de l’Algérie.

La FAF aura-t-elle les moyens de sa politique ?

Mohamed Raouraoua restera dans l’histoire comme le président de la Fédération algérienne de football qui a accumulé le plus gros bas de laine dans l’histoire de la FAF, et ce, depuis sa naissance, grâce à sa politique agressive de recherche d’auto-financement et de sponsors qui a accompagné l’épopée des Verts de Tchaker au Mondial sud-africain. Mais cet argent sera-t-il suffisant pour payer cette pointure ?

Des sponsors mécontents

Car si les comptes en banque de la FAF sont au «vert» en ce moment, les résultats des Verts sont eux dans le «rouge» et les sponsors ne vont sans doute pas se bousculer pour renouveler leur participation financière à la même hauteur que la saison précédente, voire la diminuer de moitié, surtout au lendemain d’un 4 à 0 désastreux en termes d’image et de marketing.

Même si du côté du ministère de tutelle, celui de la Jeunesse et des Sports, certaines indiscrétions parlent d’une enveloppe de 100 000 euros par mois allouée au salaire de ce futur entraîneur, on est en droit de se poser des questions, car cette grosse pointure, surtout s’il s’agit de l’un du top 3 établi par la FAF, devrait avoir un contrat objectif minimum de 2 ans, qui est le temps minimum des contrats des entraîneurs de ce calibre. Un contrat qui, même en cas de licenciement pour insuffisance de résultats, devra être quand même honoré, du moins pécuniairement par l’employeur. Si par exemple Lippi est retenu, combien de temps la FAF pourra tenir à 3 000 000 d’euros par an de salaire fixe et des primes de matches, d’objectif et des notes de frais, qui reviendraient eux aussi à 2 autres millions d’euros. Un total de 5 millions d’euros au total qui, à coup sûr, asphyxierait la FAF économiquement. Un peu beaucoup, 5 millions, pour le seul monsieur Lippi, surtout à l’échelle de la réalité algérienne et du dinar. Ne vaudrait-il pas mieux employer cet argent en offrant à chaque club de la Ligue 1 un centre de formation clé-en-mains qui nous fournirait les Madjer, Assad et Ziani de demain ?

L’Algérie au Mondial, le hold-up du siècle

Finalement, notre qualification au Mondial 2010 aura été une qualification bon marché, voire «discount», au regard des sommes citées ci-dessus. L’Algérie s’est qualifiée au Mondial grâce à un entraîneur algérien, Rabah Saâdane, qui n’a touché que 21 000 euros par mois, soit 250 000 euros de salaire fixe annuel et une prime de qualification au Mondial-2010 de 100 000 euros et des vols en classe économique. C’était du quasi-gratuit comparé à nos trois pointures, voire le hold-up du siècle.

M. B.