Le président tunisien, que des rumeurs avaient d’abord dit en route vers Paris, est arrivé à Jeddah dans la nuit de vendredi à samedi. Le premier ministre tunisien va assurer l’intérim pendant une période indéterminée.
L’annonce de nouvelles élections législatives n’aura pas suffi à calmer les manifestants. Face aux troubles persistants, le président tunisien Zine El Abidine Ben Ali a quitté la Tunisie vendredi après-midi pour rejoindre dans la nuit la ville de Jeddah, en Arabie Saoudite. «Le gouvernement saoudien a accueilli le président Zine El Abidine Ben Ali et sa famille dans le royaume» et ce «en considération pour les circonstances exceptionnelles que traverse le peuple tunisien», a confirmé le palais royal, cité par l’agence officielle saoudienne SPA.
La chaîne de télévision Al-Jazira avait annoncé plus tôt son arrivée en France. Une information que l’Elysée avait démentie. La venue du président en fuite sur le sol français n’était d’ailleurs «pas souhaitée» par le gouvernement, qui craignait de mécontenter la communauté tunisienne hexagonale, avait indiqué une source proche du gouvernement. Le ministère des Affaires étrangères avait également assuré n’avoir reçu «aucune demande d’accueil».
Le premier ministre tunisien (au centre) annonçant qu’il prend l’intérim de la présidence
L’annonce du départ de Ben Ali est venue du premier ministre Mohammed Ghannouchi. Il a annoncé dans la soirée à la télévision qu’il assurait l’intérim de la présidence car le chef de l’Etat «n’est temporairement pas en mesure d’exercer ses responsabilités». Mohammed Ghannouchi, en poste depuis 1999, a lancé à cette occasion un appel à l’unité des Tunisiens, toutes sensibilités confondues, et promis qu’il respecterait la Constitution.
Le chef du gouvernement a précisé qu’il remplaçait Ben Ali en vertu de l’article 56 de la Constitution, qui prévoit que le président «peut déléguer par décret ses attributions au premier ministre» en cas d’«empêchement provisoire». Un constitutionnaliste interviewé sur Al-Jazira, Sadok Belaïd, a contesté cette interprétation, estimant que la situation est celle d’une «vacance du pouvoir pour cause de décès, démission ou empêchement absolu». Dans ce cas (article 57), «le président de la chambre des députés est immédiatement investi des fonctions de président de la République par intérim» et doit organiser des législatives dans un délai maximum de 60 jours.
Quelques heures plus tôt, le chef de l’Etat avait tenté de détendre la situation en lâchant du lest. Ben Ali, qui avait tenu un discours d’apaisement jeudi soir à la télévision, a annoncé la dissolution de son gouvernement et l’organisation d’élections législatives anticipées d’ici six mois.
La dissolution a été annoncée par Mohamed Ghannouchi à l’issue d’un entretien avec le président. Mohamed Ghannouchi a ajouté avoir été chargé de constituer une nouvelle équipe gouvernementale avant la tenue des élections.
L’opposition veut des élections libres
Les principaux partis d’opposition, légaux comme interdits, ont demandé de leur côté «l’instauration d’un gouvernement provisoire chargé dans les six mois d’organiser des élections libres», dans une déclaration publiée à Paris.
Le président français Nicolas Sarkozy et son premier ministre François Fillon se sont réunis vendredi soir pour discuter de la situation en Tunisie. «La France prend acte de la transition constitutionnelle» en Tunisie, «annoncée par le Premier ministre (Mohammed) Ghannouchi», indiquait vendredi un communiqué de l’Elysée. Barack Obama a souhaité de son côté la tenue d’élections libres «dans un proche avenir».
Le brusque départ de Ben Ali vient clôre une journée marquée par un important rassemblement pour obtenir le départ du chef de l’Etat, dans le centre de Tunis. Déployées en nombre, les forces de l’ordre ont dispersé les manifestants en tirant des gaz lacrymogènes, déclenchant un mouvement de panique dans les rues.
Jeudi soir, dans son intervention télévisée, Zine El Abidine Ben Ali a promis de libéraliser le système politique et de renoncer à se présenter à la présidentielle de 2014. Celui qui dirige la Tunisie depuis 1987 a aussi promis de libéraliser l’information et l’accès à internet, qui était censuré, et d’arrêter les tirs contre les manifestants.