En Corée du Nord, une purge familiale

En Corée du Nord, une purge familiale

L’exécution, jeudi 12 décembre, de Jang Song-taek, oncle et mentor de Kim Jong-un, trois jours après son arrestation en pleine réunion du bureau politique, est un avertissement clair dans le cénacle du pouvoir.

Personne ne peut porter ombrage à l’autorité du dirigeant suprême, fût-il un de ses proches.

Deux jours après avoir été destitué de toutes ses fonctions et expulsé du Parti du travail, Jang Song-taek a été jugé sommairement par un tribunal militaire. Reconnu coupable de « complot contre l’Etat » après « avoir avoué ses crimes », il a été fusillé sur le champ. Un « aveu » qui rappelle les procès de Moscou sous Staline.

L’élimination de celui qui passait pour être le « numéro 2 » du régime témoigne de la mise à l’écart sans ménagement de la vieille garde, ces personnalités civiles ou militaires qui formaient une sorte de conseil de régence autour de l’héritier. Jang Song-taek l’a été de la manière la plus radicale, lors d’une opération menée par le ministère de la sécurité d’Etat.

HOMME DE L’OMBRE

Ambitieux, manœuvrier dans les coulisses depuis quarante ans, il devait surtout son influence à son mariage avec l’unique fille de Kim Il-sung, Kim Kyung-hui, sœur de Kim Jong-il, dont celle-ci était très proche. Plus que par les fonctions qu’il occupait au départ (directeur du département de la jeunesse), il était influent par son accès direct à Kim Jong-il lorsque celui-ci était héritier en titre dans les années 1980.

C’était déjà un homme de l’ombre, réglant des questions épineuses sur un simple coup de téléphone. Entré au comité central en 1992, il devint vice-directeur du département de la direction du parti. Après la mort de Kim Il-sung, en 1994, son poids se renforça. Les deux frères de Jang Song-taek, généraux, furent promus à des postes importants, dont l’un au commandement du corps d’armée chargé de la défense de Pyongyang. Lui-même, à la tête des services de sécurité et de justice, était l’un des hommes les plus craints du régime.

Sa visite à Séoul en 2002 avec une délégation nord-coréenne confirma son statut d’homme de confiance de Kim Jong-il, au point d’inquiéter ce dernier. En 2003, Jang Song-taek disparut de la scène juste après que le plus important apparatchik du régime à avoir fait défection au Sud, Hwang Jang-yop, avait déclaré : « Si le régime de Kim Jong-il est renversé, Jang Song teak est le mieux placé pour le remplacer. » Il fut alors – déjà – accusé de « factionnalisme » et d’« abus de pouvoir » et fut mis à l’écart, ainsi que ses protégés.

DISGRÂCE

Il réapparaîtra trois ans plus tard. Et reprit son ascension. Dès l’année suivante, il était promu directeur du département de l’administration du comité central du parti. A la suite de l’accident cardiovasculaire de Kim Jong-il, en août 2008, l’influence du couple Jang Song-taek-Kim Kyung-hui se renforça. Kim Jong-il, malade, avait impérieusement besoin d’eux pour mettre en place la succession et constituer une sorte de « conseil de régence », une fois que l’héritier serait aux commandes.

Jang Song-taek deviendra vice-président de la puissante commission de défense, membre du bureau politique et élevé au grade de général. Lors de sa visite en Chine en août 2012, il fut reçu avec tous les honneurs et s’entretint avec le président Hu Jintao. Puis il essaya de dissuader le jeune Kim de procéder au troisième essai nucléaire en février, en soulignant l’opposition de Pékin. Sa disgrâce commençait.