En butte au pouvoir des milices, le CNT veut promouvoir la réconciliation nationale

En butte au pouvoir des milices, le CNT veut promouvoir la réconciliation nationale

Au pouvoir en Libye depuis la chute du régime de Kadhafi, le CNT se trouve à la tête d’un pays divisé et en partie sous contrôle de milices lourdement armées. Les nouvelles autorités appellent à l’unité pour éviter l’éclatement du pays.

Après avoir mené la résistance face au régime de Mouammar Kadhafi, le Conseil national de transition (CNT) s’essaye à présent au difficile exercice du pouvoir. Le CNT a ainsi été confronté les 12 et 13 décembre à ses premières manifestations d’ampleur depuis qu’il contrôle la Libye. Des centaines de personnes ont défilé dans les rues de Benghazi, une ville de l’est de la Libye, pour dénoncer le fonctionnement du CNT. Après la manifestation du 12 décembre, le chef du CNT, Moustapha Abdeljalil, a promis plus de transparence dans les activités et la composition du Conseil.

Risque de sécession

Le mouvement de protestation est encore limité, selon Firas Abi Ali, directeur associé du département Moyen-Orient et Afrique du Nord de l’institut Exclusive Analysis, qui parle de « simple avertissement ». « Il y a toujours des extrémistes dans le pays qui veulent se faire entendre, mais cela ne veut pas dire que le CNT est en train de perdre le contrôle de l’est du pays », explique-t-il.

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Le CNT semble toutefois prendre au sérieux les mécontents. Abderrazak Abdessalam al-Aradi, un membre du Conseil, a annoncé que Benghazi, berceau de la révolution contre Mouammar Kadhafi, allait devenir « la capitale économique de la Libye », des ministères liés à l’activité économique devant prochainement être délocalisés dans cette ville située à 1 000 kilomètres à l’est de Tripoli.

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« Faire de Benghazi le centre économique du pays, comme l’a annoncé le CNT, est un signe encourageant pour l’avenir du pays », estime Firas Abi Ali, selon qui « un tel transfert de pouvoir de l’ouest vers l’est permettrait de réduire le risque que le pays se scinde en deux ».

Le pays menace en effet de se désagréger sous la pression des pouvoirs locaux. « Le scénario le plus probable est l’émergence d’une sorte d’Etat fédéral faible, qui accommoderait à la fois l’est et l’ouest et les laisserait largement gérer les affaires courantes », prédit Firas Abi Ali. Ce scénario est, selon lui, aujourd’hui le plus probable, et le spécialiste met en garde contre une recrudescence des violences. « Si les combats continuent dans l’ouest, l’est du pays risque de vouloir faire sécession. »

Des dizaines de milliers d’armes en circulation

Les nouvelles autorités ont fait de la réconciliation nationale une priorité, mais la tâche s’annonce périlleuse dans un pays profondément divisé, où de nombreuses milices militaires refusent toujours de rendre les armes qui leur ont permis de renverser le régime de l’ancien Guide Kadhafi.

« Le problème pour le CNT, c’est qu’au moins trois des milices les plus puissantes du pays ne reconnaissent pas l’autorité du chef de l’armée que le Conseil a nommé, le général Khalifa Hifter », analyse encore Fira Abi Ali.

Héritage des huit mois de guerre civile qui a pris fin avec la mort de Mouammar Kadhafi en octobre, des dizaines de milliers d’armes sont toujours en circulation en Libye. En l’absence d’une armée et d’une police structurées, de nombreux habitants rechignent à s’en séparer, arguant qu’elles sont indispensables à leur sécurité.

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Les armes de poing et les Kalachnikov, présentes en masse dans le pays, ne constituent cependant pas le principal problème pour les nouvelles autorités, selon Fira ABli Ali. « Ce sont les armes lourdes, comme les lance-roquettes et les missiles anti-aérien, qui représentent une vraie menace. Les milices qui les possèdent ne vont pas vouloir les rendre, des sources m’ont indiqué qu’elles avaient commencé à les cacher au cas où les combats reprendraient.

On estime que la Libye disposait d’un stock de 20 000 missiles portatifs avant le début de la révolte, des armes que les autorités s’attachent désormais à collecter. Un haut responsable américain assure qu’une équipe d’artificiers libyens et américains a sécurisé près de 5000 missiles sol-air stockés sous le régime de Kadhafi.

Conscients du problème, les nouveaux leaders libyens se donnent 100 jours pour mettre sur pied une armée nationale et une force de police. Le temps presse pour le CNT, alors que quatre personnes ont trouvé la mort ces derniers jours dans des combats au sud-ouest de Tripoli entre d’anciens rebelles et une tribu.