– Madjid, vous arrivez de Saint-Raphaël où vous faites de la rééducation intensive après l’opération chirurgicale que vous avez subie il y a quelques semaines pour soigner une blessure. Comment vous vous portez ?– C’est un peu dur et ça me semble très long cette rééducation, car c’est une grave blessure que j’ai traînée depuis avril. J’ai même joué blessé en équipe nationale, ce qui a compliqué les choses. Mais je travaille dur pour revenir le plus rapidement possible sur les terrains. D’ailleurs, je retourne la semaine prochaine à Saint-Raphaël pour travailler et j’espère faire mon retour à la mi-septembre Incha Allah.
– Cette blessure est mal tombée, car vous allez manquer la double échéance face à la Libye, alors qu’il y a un proverbe qui dit : «Madjid Bougherra qui éternue et c’est toute la défense algérienne qui s’enrhume.» Votre absence va peser. Qu’en pensez-vous ?
– C’est très gentil ce que vous me dites-là. Mais hormis mon expérience africaine et mon habitude de la pression qu’engendre ce genre de match, il y a de très bons défenseurs dans cette liste des 23 et je ne suis pas inquiet pour ce match aller. On a la chance que cette confrontation algéro-libyenne se joue sur deux matchs, avec un retour chez nous, ce qui sera très important dans l’optique de la qualification, où j’espère être présent avec mes coéquipiers.
– Donc, pas très inquiet ?
– En ce qui concerne le match aller, il y aura Carl Medjani, qui a trois ans de maison maintenant et de l’expérience, Belkalem qui est un superbe joueur et qui a l’expérience africaine avec la JSK et Halliche qui fait son retour et qui avec la préparation qu’il vient d’effectuer en Premier League, et les matchs qu’il joue en équipe réserve, peuvent dépanner sans problème pour un match. Je n’oublie pas Bouzid qui est réserviste et Cadamuro qui peut dépanner en défense centrale. Donc, vous voyez, il y a du beau monde dans cette liste.
– En tant qu’ancien, quels conseils pouvez-vous prodiguer à ces joueurs qui n’ont jamais joué ensemble, pour que ça se passe le mieux possible ?
– Durant ma carrière internationale, j’ai connu cela à maintes reprises. C’est vrai que lorsque tu joues avec un nouveau partenaire, il te manque un élément capital, les automatismes. Un défenseur central, c’est essentiellement les automatismes, surtout pour jouer le hors-jeu et aussi pour la couverture. Si tu ne connais pas ton partenaire, cela devient très difficile. Le premier conseil que je peux leur donner, mais je pense qu’ils le savent et que le coach va leur dire, c’est de ne pas jouer le hors-jeu et se le dire avant le match. Resté concentré pour bien s’aligner, couvrir les latéraux et rester bien soudés durant les 90 minutes du match, car les premiers contacts seront capitaux pour la mise en confiance. Mais je pense qu’ils s’en sortiront, car ils ont de l’expérience et du talent.
– Un mot sur la Libye, notre adversaire qui, malgré tout, reste une grande inconnue ?
– Je pense, au contraire, que c’est une grosse équipe dont il faudra se méfier au plus haut point. Une équipe qui a connu ses matchs références, notamment contre le Cameroun, qui était à la dernière CAN et qui va être surmotivée par la situation politique de son pays. Comme nous commençons par ce match à l’extérieur, il faudra absolument et au minimum marquer un but. Si tu ne marques pas à l’extérieur, même si tu reçois au match retour, tu pars avec un handicap. Donc, il faudra marquer et les attendre de pied ferme chez nous.
– Un retour en Afrique du Sud trois ans après pour Madjid et l’EN, vous signez tout de suite ?
– Je signe tout de suite des deux mains. Comme ça la boucle sera bouclée, car ça sera sans doute ma dernière CAN et je ne veux pas la manquer. Je vais tout faire pour être présent au match retour et tout donner pour qu’on se qualifie Incha Allah, car je suis sûr que là-bas, ça sera une très belle coupe d’Afrique.
– Medjani a déclaré sur nos colonnes qu’il a encore progressé au contact d’Antar et de vous, entre autres, en équipe nationale. C’est ça le nouveau rôle de Bougherra, accompagner les jeunes en EN ?
– Je ne sais pas si je mérite un tel honneur. Carl Medjani est un très bon joueur qui jouait déjà à Liverpool à 17 ans. Mais cette déclaration me fait chaud au cœur. Je ne vous cache pas qu’aujourd’hui, même s’il me reste encore quelques années dans ma carrière, mon but est d’accompagner tous ses jeunes en équipe nationale. Les accueillir à leur arrivée, m’assurer qu’ils ne manquent de rien, les mettre en confiance et leur apporter mon expérience, notamment africaine, pour qu’ils nous remplacent sans que cela ne chamboule l’équipe. Que ça se fasse naturellement pour que je puisse partir en laissant l’EN au top aux futures générations. Je souhaite le meilleur à Carl Medjani, même Halliche qui n’a pas eu de chance et surtout à Belkalem et Chaffaï qui représentent l’avenir de cette équipe, car il faut voir loin en football.
– On sent que le brassard de capitaine vous a donné des responsabilités supplémentaires, n’est-ce pas ?
– Le rôle de capitaine, j’apprends à le connaître. Cela fait seulement un an que j’ai le brassard, mais j’essaye de faire de mon mieux. C’est vrai que comparé à mon ancien statut de joueur, c’est complètement différent. Il faut avoir un comportement exemplaire, être au-devant de la scène, faire face et tout encaisser dans les défaites, s’éclipser et laisser la gloire à ses coéquipiers, surtout les plus jeunes, dans la victoire. Il faut jongler sans arrêt et être au service du collectif.
– Un mot sur le jeune Ishak Belfodil qui quitte l’équipe de France espoirs pour rejoindre l’équipe nationale. Qu’avez-vous à dire à ce jeune homme ?
– Les premiers mots que je voudrais lui dire, c’est «Belfodil, soit le bienvenu en équipe nationale, tu as fait le bon choix !». Ce joueur, j’ai eu l’occasion de le voir jouer l’année dernière avec Lyon en début de saison. J’ai vu des résumés de matchs de Bologne la saison passée et je peux vous dire que c’est le meilleur recrutement de l’équipe nationale de l’année 2012. Ce joueur a toute la panoplie d’un attaquant moderne. Les appels de balle, la vitesse et surtout le gabarit. Il est très grand et fort, et en Afrique, c’est capital aujourd’hui pour réussir. Il me rappelle Zlatan et je suis très fier de la décision qu’il a prise pour nous rejoindre et de répondre à l’appel de son pays. Vraiment bravo.
– Belfodil, après Feghouli et Boudebouz, confirme que chez nos binationaux, le choix de l’Algérie est devenu le choix numéro 1. Comment l’expliquez-vous ?
– Pour moi, il y a deux explications à ce phénomène. La première explication, ce sont les résultats. Autrefois, après 1998, la France était championne du monde, championne d’Europe et participait à toutes les phases finales. Cela faisait rêver les jeunes et il y avait la figure de proue Zinedine Zidane qui faisait rêver les petits Maghrébins de France, alors que l’Algérie était vraiment au fond du trou. Aujourd’hui, grâce à Dieu, la tendance s’est inversée, nous on tourne bien, on pratique un beau football, on s’est qualifié au Mondial, à la CAN, et vu comment ça s’est passé, le monde entier a entendu parler de nous. On a été accueillis en héros dans notre pays.
– Tout ça, ça pèse dans le choix ?
– Oui, bien sûr. On est encore en position pour se qualifier, notre classement FIFA est bon et la nouvelle génération veut son heure de gloire. Elle veut devenir Fennec, jouer dans des stades pleins, faire la une des journaux, tout ce qu’en France, il n’y a plus avec tous les problèmes liés à l’équipe de France. En plus, lorsqu’on voit le traitement réservé à Nasri, Benzema et Ben Arfa par les médias français et la fédération, qui leur fait porter souvent le chapeau, ça ne donne pas du tout envie. Lorsque tu es abordé dans la rue par les supporters algériens, que tes grands-parents, tes cousins et cousines sont si fiers de toi, que le football en Algérie soit un phénomène que seuls quelques pays connaissent, tu te dis : «Mais pourquoi je ne joue pas pour mon pays ?» De toute façon, tôt ou tard, tu reviendras dans ton pays. Le meilleur exemple, c’est Zidane, il a joué pour la France, et sur le tas, il est revenu dans son pays et fait beaucoup pour son pays. Alors, les jeunes se disent autant y aller tout de suite.
– Un mot sur vos compatriotes Belmadi et Meghni ?
– Mourad Meghni est un joueur extraordinaire qui n’a pas eu de chance avec ses blessures qui ont bloqué sa carrière. Il a un talent phénoménal et il nous arrive à l’entraînement de le regarder jouer tant il est fort. Mais c’est un joueur fragilisé par toutes les galères qu’il a eues. Il a besoin d’être protégé et c’est là justement que Djamel Belmadi intervient. Ce qui pouvait lui arriver de mieux à Mourad, c’est de signer chez nous, car il bénéficie d’un coach comme Djamel Belmadi, qui en plus d’être algérien, le connaît très bien. Il est rigoureux, psychologue et veut réussir le pari de remettre en selle Meghni plus que tout.
– Vous admirez beaucoup Djamel Belmadi ?
– Honnêtement, oui. Même s’il a été un énorme joueur, le destin de Belmadi est de devenir entraîneur. Il a ça dans le sang, c’est indéniable. Djamel ne laisse rien au hasard, il calcule tout, il vit tout avant tout le monde et planifie tout. A l’entraînement avec lui, tu es obligé de progresser, et en plus, la relation entre lui et ses joueurs reste saine, car lorsqu’il a quelque chose à te dire, il te le dit en face et sans animosité. Il a un grand avenir devant lui et je le vois entraîner un grand club européen dans un avenir proche, bien que par modestie, il s’en défend.
– Un dernier mot ?
– Aïd Moubarak à tous les Algériens. Pour le match face à la Libye, bon courage à toute l’équipe nationale et le staff. Revenez-nous de Casablanca avec une victoire pour le peuple, Incha Allah. Que du bonheur pour les Algériens, prompt rétablissement à tous les malades. Et en ce qui me concerne, je vais terminer ma convalescence et revenir Incha Allah.
M. B.