Certains paramètres socioéconomiques, relèvent ces experts, apportent, sans équivoque, une contradiction aux statistiques officielles.
Les avis des observateurs au fait des questions économiques, quant à la véracité du taux d’inflation qu’enregistre l’Algérie, demeurent partagés. Si un panel d’experts, se référant aux rapports de la très officielle Banque d’Algérie, relayés par les statistiques de l’ONS, affichent leur approbation nuancée, d’autres spécialistes, en revanche, expriment carrément leur désaccord.
La situation socioéconomique peu reluisante qui prévaut actuellement dans le pays, suite à la chute des prix du pétrole, contraint les “managers politiques” à dresser un tableau plutôt morose et n’hésiteraient pas à jouer sur les chiffres. Et les dirigeants des divers organismes en charge de l’information économique sont à chaque fois tenus de ménager la chèvre et le chou. D’un côté, ils sont obligés d’accomplir la mission informative qui leur est dévolue afin de préserver un minimum de crédibilité, d’un autre, les chiffres qu’ils publieront ne doivent pas fâcher les responsables hiérarchiques et aller à contresens de la politique économique prônée en haut lieu.
Résultats des courses : certaines conclusions des bilans établis ne reflètent guère la réalité du terrain. Les analyses accomplies par plusieurs spécialistes font éclater au grand jour cette triste vérité. L’on note au moins un point sur lequel tous les analystes se mettent d’accord. C’est que depuis janvier 2015, la plupart des produits ont connu une hausse vertigineuse ayant un impact direct sur le pouvoir d’achat des Algériens. D’où la pertinence de réactualiser régulièrement l’indice global de l’inflation d’autant plus que les besoins évoluent de manière constante. “Le taux d’inflation officiel est biaisé, devant l’éclater par produits selon le modèle de consommation par couches sociales et de surcroît comprimé artificiellement par les subventions, sinon il dépasserait les 10%”, constate l’économiste Abderrahmane Mebtoul. Pour un problème aussi complexe que celui de l’inflation, relève-t-il, il serait plus judicieux, voire impératif, de préciser qu’une analyse objective doit tenir compte de la structure et des particularités de l’économie nationale et internationale, de la stratégie de développement économique, des schémas de consommation. “Comment les Algériens aux bourses moyennes ou ne dépassant pas le SNMG peuvent-ils vivre décemment, alors que le kilo de viande avoisine les 1 000 DA et la majorité des fruits dépasse 200 DA le kilo, sans oublier les produits de première nécessité comme la pomme de terre vendue à 90 DA ?”, s’interroge cet expert. La dévaluation rampante du dinar, les 75% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées importés et la distorsion entre le taux de changes officiel et celui pratiqué sur le marché parallèle, les vendeurs s’alignant souvent sur le cours du marché parallèle, constituent aussi, aux yeux de Mebtoul, un autre facteur qui contredit le taux d’inflation avancé par les institutions publiques.
Néanmoins, l’élément le plus “dynamique” qui apporte cette contradiction aux chiffres des pouvoirs publics reste incontestablement la dominance de la sphère informelle qui engendre des dysfonctionnements sur la scène économique du pays.
“Cette sphère informelle en Algérie contrôle entre 65 et 70% des segments de produits de première nécessité auxquels plus de 70% des ménages consacrent presque l’intégralité de leurs revenus (marché de fruits et légumes, poisson, viandes rouge et blanche, textile et cuir) et sans compter les factures de plus en plus élevées de l’eau et de l’électricité qui absorbent une fraction importante du revenu des ménages pauvres et moyens accroissant leur endettement”, affirme ce spécialiste pour qui le secteur informel contrôle entre 40 et 50% de la masse monétaire en circulation avec une importante intermédiation financière informelle mais avec des taux d’usure accroissant l’endettement des ménages qui s’adressent à cette sphère.
B.K.