Alors que les Algériens et les Italiens n’ont toujours pas débuté la construction de ce système d’alimentation en gaz naturel, les autorités françaises auraient finalement décidé d’y brancher la Corse. Mais tout cela risque du prendre du temps.
Pour l’instant, le GALSI n’existe toujours pas. Si les Algériens et les Italiens semblent avoirs finalisé l’étude de cette tuyauterie sous-marine qui reliera les deux pays, sa construction n’a toujours pas commencé. Le gaz naturel n’est donc pas près de quitter l’Algérie pour alimenter l’Italie.
Et encore moins la Corse, puisqu’aucune démarche n’a encore été faite par les autorités françaises pour s’associer à ce projet. Mais la Corse, depuis plusieurs années, rêve du GALSI.
Les premiers à avoir soutenu le projet de raccordement au GALSI, notamment en 2005 lors du vote du plan énergétique par l’Assemblée de Corse, sont les communistes, vite suivis par les nationalistes.
Ils avaient du même coup abandonné la fameuse « indépendance énergétique » qui avait poussé le PC et les syndicats corses à s’opposer à ce que l’on « tire » plus de 50 mégawats sur chacun des câbles SACOI (Sardaigne Corse Italie) et SARCO (Sardaigne Corse) afin « de ne pas dépendre d’une alimentation venue de l’étranger ».
Et surtout de ne pas mettre en péril l’ensemble des personnels qui travaillaient sur les sites des centrales du Vazzio et de Lucciana. Comme si la Sardaigne et l’Italie allaient brusquement nous déclarer la guerre et couper notre alimentation énergétique ! Ce qui, bien sûr, ne pouvait être le cas de l’Algérie… Il est vrai, qu’à l’époque, le projet du GALSI semblait lointain et qu’il s’agissait surtout de mettre en question la capacité de la majorité à maîtriser l’équipement énergétique de la Corse.
Aujourd’hui les choses ont changé. « On tire » 80 mégawats sur chacun des câbles et on s’apprête à en « tirer » 100, histoire de renforcer le système énergétique insulaire qui, on le sait, est « limite », même s’il a été conforté par la mise en place de trois turbines. Le tout devant être appuyé, d’ici 2012, par le barrage du Rizzanese dont on a enfin commencé la construction.
Reste que, en attendant, on ne peut se passer des deux centrales au fioul lourd du Vazzio et de Lucciana qui, malgré leurs défauts, assurent 45 % de la production énergétique corse.
A en croire le plan adopté par l’Assemblée en 2005, elles devaient être remplacées par deux centrales new-look, mais toujours alimentées au fioul lourd, dont EDF a déjà commandé les moteurs. Leur construction devait débuter en 2010, mais l’Assemblée, suivie (voir Corsica précédent précédé) par le préfet, a tout remis en question.
En effet, en novembre dernier, faisant la synthèse de deux motions présentées par Antoine Ottavy, le maire de Bastelicaccia (la commune où devait être implantée une des nouvelle centrales), et Jean Biancucci, (nationaliste), les conseillers territoriaux ont décidé de surseoir au projet d’installation d’une nouvelle centrale dans la région d’Ajaccio. Et de ne faire fonctionner celle de Lucciana qu’au fioul léger, jusqu’à ce qu’elle soit alimentée en gaz naturel.
« Il faut reprendre complètement le dossier » a été obligé de constater le préfet de Région, Stéphane Bouillon. D’autant que les associations qui militent contre les centrales au fioul lourd et pour le GALSI, après avoir étés suivies par les élus corses, ont reçu, le 14 novembre, le soutien du ministre de l’Ecologie, de l’Energie et du Développement durable, Jean-Louis Borloo, qui s’est prononcé contre les centrales au fioul lourd et pour le raccordement au GALSI.
Il a en outre précisé que le Président de la République lui-même s’était saisi du dossier et qu’il viendrait annoncer le raccordement au GALSI d’ici la fin de l’année. (Nicolas Sarkozy, qui devait venir en Corse le 15 décembre, a reporté son voyage).
Alors, puisque tout le monde est d’accord pour que la Corse soit raccordée au GALSI, il ne reste plus qu’à le faire. Et ce ne sera sûrement pas une mince affaire. L’ingénieur Jean-Pierre Leteurtrois, qui a été chargé, à la demande du gouvernement, d’étudier le problème a terminé son travail et affirme que maintenant « il ne reste plus qu’à prendre une décision politique ».
Il note cependant que, pour l’instant, l’engagement ferme de construire le GALSI n’a pas été pris par les Algériens et les Italiens, et que l’annonce de sa construction ne devrait être rendue publique, dans le meilleur des cas, qu’au cours de l’été 2010. Quant au délai d’une éventuelle construction d’un relais avec la Corse, il devrait être de cinq ans.
Ceci à condition que les problèmes de financement soient réglés, ce qui est loin d’être le cas. Et, si tout se passait bien, la connexion ne pourrait pas avoir lieu avant 2015/2016. Ceci, côté français, pour une somme d’environ 425 millions d’euros.
La solution qui est pour l’instant retenue est celle d’une canalisation souterraine entre Olbia, en Sardaigne, et Porto-Vecchio, suivie, en Corse, de deux canalisations terrestres qui conduiraient à Bastia et à Ajaccio.
Outre le retard pris par les autorités françaises dans les négociations avec les Algériens et les Italiens qui, selon Jean-Pierre Leteurtrois, ne devraient pas poser de problème, il reste donc la question du financement et du circuit terrestre emprunté, en Corse, par les tuyauteries.
Il ne fait guère de doute que ce circuit génèrera des polémiques, notamment lorsqu’on évoquera les droits de passage qui doivent être négociés avec les propriétaires des terrains concernés.
Un problème récurrent, en Corse où, par exemple, le contournement d’Ile Rousse est « en panne » depuis vingt ans, faute d’accord entre les différentes parties.
Et si le retard pris par le projet GALSI permet à la Corse de pouvoir encore se brancher dans des délais théoriquement raisonnables (2015/2016), ce problème des droits de passage, bien loin d’être réglé, ne pourra que retarder l’alimentation en gaz des centrales.
Même si, comme ironisent certains dirigeants d’EDF, « le passage du GAlSI apparemment voulu par l’ensemble de la Corse ne devrait pas poser de problèmes ». Parce que, évidemment, dans cette affaire, si la direction d’EDF ne se montre pas, a priori, défavorable au GALSI, elle accepte très mal de voir le plan énergie adopté en 2005 remis en cause par les élus corses qui l’avaient adopté et qui, maintenant, semblent soutenus au plus haut niveau de l’Etat. Non pas qu’EDF soit, une fois encore, contre l’arrivée du gaz naturel, mais parce que tout cela modifie ses plans stratégiques industriels et fragilise du même coup sa politique énergétique en Corse.
La consommation d’électricité en Corse a doublé au cours de ces dernières années et le phénomène va continuer. Ce qui, selon la direction d’EDF, fera prendre un risque à la Corse si on ne construit pas le plus vite possible la centrale au fioul lourd de Lucciana, celle du Vazzio ayant pour l’instant été abandonnée.
« Et aujourd’hui, Jacques Thierry Monti, le directeur régional d’EDF, alors que nous avons déjà pris du retard nous n’avons pas les autorisations administratives pour démarrer la construction de Lucciana. » Ce qui, à le croire, pourrait mettre la Corse dans une situation périlleuse pouvant entraîner des délestages, comme en 2005, ceci à partir de l’hiver 2011… Quant à l’idée d’une construction d’une centrale au fioul léger en attendant le GALSI, comme le réclament les associations et les élus, elle lui paraît techniquement impossible.
Pas seulement parce qu’elle remet en cause les plans industriels d’EDF : elle induit un stockage qui lui paraît impossible à mettre en place dans les délais prévus. Jacques Thierry Monti préférerait démarrer, comme prévu, au fioul lourd et changer les moteurs quand le GALSI sera là (un investissement de 30 millions d’euros et un an de travail). Le tout en ironisant sur les gens qui veulent conserver, en attendant le GALSI, la vieille centrale du Vazzio dont les pollutions ont été tant décriées au lieu d’en construire une nouvelle beaucoup plus propre.
Dans cette affaire, EDF doit exagérer les risques de pénurie énergétique. Il ne faut pas oublier que, outre le prochain apport du barrage du Rizzanese (55 MW), il existe deux turbines à Lucciana (75 et 40 MW) et une au Vazzio (20 MW) et que l’on va augmenter le nombre de MW tiré sur les câbles.
Comme disent certains cadres d’EDF « on en a encore sous le pied » et on est loin de la situation de la crise de 2005. Par ailleurs, si le GALSI prenait du retard, on pourrait amener en Corse une ou deux turbines de plus…
Ce serait le prix à payer pour le retard pris par le gouvernement. Et EDF qui, pour l’instant, traîne la patte, ferait même des économies puisque c’est un organisme gouvernemental qui va payer, « GRT Gaz », lequel construira les tuyauteries (EDF ne devra payer qu’un droit de passage), et que EDF économisera du même coup, une centrale, peux être deux…
Mais, c’est sûr, le GALSI n’est pas près d’être-là.