Près de 40% des hommes en Algérie déclarent consacrer une partie de leur temps quotidien à des activités ménagères. Les femmes regardent la télévision en moyenne durant 2,7 heures par jour. C’est ce que démontre une enquête nationale sur l’emploi du temps en Algérie, effectuée en mai-juin 2012 par l’Office national des statistiques (ONS).
«La société algérienne est normale», à l’instar d’autres sociétés dans le monde. Le constat émane du directeur général de l’Office national des statistiques (ONS), Mounir Khaled Berrah, hôte, hier, de l’Institut national de la santé publique (INSP).
Un constat qu’étayent les premiers résultats, restitués hier, de l’enquête nationale sur l’emploi du temps (ENET Algérie), effectuée en mai-juin 2012 auprès de 9 015 ménages répartis sur le territoire national, avec la collaboration de 22 équipes de l’ONS et par le biais de 31 383 questionnaires.
Cette enquête s’inscrit dans le cadre du programme Al-Insaf «Promouvoir l’égalité entre les sexes et l’autonomisation des femmes», mis en oeuvre en partenariat entre le gouvernement algérien et les agences des Nations unies et signé en février 2009.
COMMENT LES ALGÉRIENS «DÉPENSENT-ILS» LEUR TEMPS ?
Objectif de cette enquête, comme le rappellera le DG de l’ONS, «connaître comment les Algériens dépensent leur temps (travail, les activités ménagères, les activités physiologiques, la participation sociale, les activités de loisir, les soins des enfants et autres personnes, le temps passé dans les transports et les déplacements)».
LES HOMMES TRAVAILLENT PLUS LONGTEMPS QUE LES FEMMES
Ainsi, l’enquête indique que les Algériens de plus de 15 ans consacrent en moyenne 6,4 heures par jour pour le travail, avec des différences notables selon le sexe (7 heures en moyenne pour les hommes contre 4 heures pour les femmes). En ce qui concerne le travail au sens du Bureau international du travail (BIT), l’on relève que les Algériens y consacrent 7,2 heures tandis que les Algériennes 5,4 heures.
Des différences qui peuvent être imputées à une plus grande concentration des activités féminines dans des professions à fort taux de féminisation (enseignement, paramédical…) et qui nécessitent un nombre d’heures relativement plus aménagé.
Mais aussi l’exercice par une catégorie de femmes de certaines activités économiques à domicile qu’elles soient rémunératrices ou non, mais qui peuvent être assimilées à un travail au temps partiel vu le temps relativement réduit qui leur est consacré (2,2 heures).
LES COURSES PLUS LONGUES POUR LES HOMMES QUE POUR LES FEMMES
Concernant les activités ménagères, l’ENET indique qu’en moyenne, 92,7% des femmes sondées et 39,7% des hommes interrogés ont consacré une partie de leur temps pour faire la cuisine, les travaux domestiques, les courses ou autres travaux apparentés.
Voire, l’on observe que le rôle des hommes est plutôt concentré dans les courses (1,4 heure) contrairement aux femmes (1,3 heure) pour lesquelles c’est plutôt la cuisine et les autres travaux ménagers (5,7 heures contre 2,8 heures pour les hommes). Cependant, pour les personnes engagées dans ces activités, les femmes y consacrent 5,3 heures en moyenne contre 1,8 heure pour les hommes.
LES ALGÉRIENNES DORMENT ENVIRON 10 HEURES
Concernant les activités physiologiques, l’ENET indique que les Algériens âgés de 15 ans et plus passent 9,3 heures à dormir et 1,8 heure pour se détendre, se reposer. Quant aux Algériennes, l’ENET constate qu’elles dorment plus, soit 9,8 heures, et se détendent, se reposent plus (2,1 heures).
Globalement, les Algériens consacrent 10 heures et 24 minutes en moyenne pour le sommeil et le repos dont 9 heures 36 minutes pour le sommeil. En outre, l’enquête démontre que les hommes de même que les femmes consacrent quasiment 2,7 heures pour les soins personnels, manger et boire.
LES ALGÉRIENS DAVANTAGE SOCIABLES ET PRATIQUANTS
D’autre part, l’enquête fait ressortir que trois personnes sur quatre ont participé au moins à une activité sociale (rencontres, réceptions, visites, conversations et conversations téléphoniques, pratiques religieuses), avec des écarts significatifs en faveur des hommes (3 heures) contre 2,6 heures pour les femmes.
Notons que les Algériennes rencontrent, reçoivent et visitent durant 1,9 heure alors que pour les hommes, c’est 2,6 heures. Comme les hommes consacrent 1,4 heure pour les pratiques religieuses contre 1,2 heure pour les femmes.
LES HOMMES DAVANTAGE SPORTIFS
Concernant les loisirs, l’on indique qu’en moyenne, plus de huit personnes sur dix (84,1%) de la population âgée de 15 ans et plus ont pratiqué au moins une activité de loisir (regarder la télévision, pratiquer du sport, se promener, lire…).
Ainsi, les hommes font du sport plus longtemps (2 heures) que les femmes (1,5 heure). Mais les femmes consacrent plus de temps à regarder la télévision (2,8 heures) que les hommes (2,5 heures).
Par ailleurs, un homme sur dix déclare se promener, y consacrant 2,1 heures contre 1,9 heure pour les femmes. Concernant les loisirs informatiques (non professionnels et non scolaires), l’ENET relève que les hommes surfent et jouent durant 2,7 heures contre 2,4 heures pour les femmes.
LES FEMMES CONSACRENT PLUS DE TEMPS AUX SOINS DES ENFANTS
Autre indicateur intéressant selon l’enquête, le temps consacré aux soins des enfants et autres membres du ménage.
Ainsi, l’on constate que les femmes consacrent plus de temps à s’occuper des soins des enfants (1,9 heure) et de l’éducation des enfants (1,5 heure) que les hommes (respectivement 1,1 heure et 1,4 heure). Soit plus d’une femme sur quatre et 8,3% des hommes se sont engagés dans des activités liées aux soins et à l’éducation des enfants, ainsi que les soins prodigués à d’autres personnes.
Comme l’ENET constate que les hommes consacrent 1,6 heure pour les transports tandis que les femmes dépensent 1,2 heure pour les déplacements. Soit trois sur quatre (76,2%) et une femme sur quatre (25,8%) ont eu à effectuer des déplacements. Quant au temps consacré à la formation et aux études, l’ENET indique que les femmes y consacrent plus de temps (6 heures) que les hommes (5,7 heures).
CE QUE PEUVENT RÉVÉLER CES RÉSULTATS
Des résultats révélateurs de comportements, de différences et rôles sociaux définis, différents selon le genre, mais aussi d’une capacité d’autonomisation féminine relativement importante (exercice d’activités non rémunérées), la société algérienne étant «dans les normes», a indiqué le responsable de l’ONS.
Voire, et comme le relèvera Mme Nalini Burn, experte du Bureau régional Afrique du Nord, ONU Femmes, ces indicateurs permettent une meilleure appréciation du bien-être, des opportunités et ressources, du niveau de développement socio-économique des populations que l’approche économique classique en termes de revenus et produit intérieur brut (PIB).
À CHARGE DE VALORISER LES RÉSULTATS DE CETTE ENQUÊTE
A charge, cependant, d’intégrer davantage ces résultats dans le système statistique, notamment «sensible» au genre, au-delà de la dynamique déjà engagée en ce sens par l’ONS et que la représentante onusienne a saluée. Mais aussi d’oeuvrer à utiliser, valoriser ces résultats dans le cadre des politiques publiques, des stratégies de développement et de résorption des inégalités.
Soit, «repenser la façon d’appréhender (la donne sociale)», «inverser la pyramide sociale» et «rendre visible le travail non rémunéré», dira-t-elle en observant qu’«il y a une pauvreté mal-appréhendée» et qu’une bonne valorisation des activités non rémunérées est davantage rentable que celle des activités rémunérées.
Toutefois, des aspects où «il y a un grand travail à faire», relève Mme Nalini, indiquant au passage que sur les 185 enquêtes du type ENET qui ont été effectuées depuis 1990 dans le monde et dont 50% ont été effectuées dans les pays en développement, les résultats ont été faiblement utilisés dans la plupart des pays africains.
C. B.