Le président de la Commission nationale consultative de protection et de promotion des droits de l’homme (CNCPPDH), Me Farouk Ksentini, s’éveille, tardivement, il faut le dire, à l’absurdité de l’acte de loi criminalisant la harga promulgué en 2006. Aussi plaide-t-il la suppression de la peine d’emprisonnement pour les jeunes pris en flagrant délit d’émigration clandestine.
Sofiane Aït Iflis – Alger (Le Soir)- Célébration de la Journée internationale des droits de l’homme oblige, Me Farouk Ksentini était l’invité hier de la rédaction de la radio Chaîne III. Un rendez-vous qu’il a saisi pour faire cas de quelques recommandations de la CNCPPDH en matière de promotion des droits de l’homme mais aussi pour (mal) apprécier les articles que la presse du jour a consacré à sa prestation publique de la veille. Me Ksentini a déclaré abhorrer que la harga soit criminalisée. «La peine d’emprisonnement pour les jeunes harraga doit être supprimée.» Telle a été sa sentence, après avoir souligné que les jeunes qui tentent l’émigration clandestine ont plutôt besoin de mesures sociales. Mais pourquoi n’a-t-il pas émis cet avis au moment où a été décrétée la loi criminalisant la harga ? Son argument est un peu court : «Nous prenons le temps de la réflexion. Nous sommes 44 membres représentant les différentes sensibilités du pays à siéger dans la commission (CNCPPDH). Je n’agis pas seul.» Faut-il déduire que le consensus autour de la position à prendre par rapport à la loi criminalisant la harga fut long à se dessiner au sein de la CNCPPDH ? Le temps mis à prendre la position exprimée hier, près de 5 années, autorise une telle conclusion. Cela étant, Me Farouk Ksentini s’est par ailleurs déclaré nourri à la conviction qu’il faille abolir la peine de mort, une autre problématique qui ne fait toujours pas consensus. «Je suis pour l’abolition de la peine de mort.» La position n’est pas nouvelle. Me Ksentini a eu déjà à la formuler mais ne trouve toujours pas une oreille attentive chez les autorités habilitées à prononcer l’abolition de la peine de mort. L’avocat semble saisir pourquoi la promotion de l’abolition tarde à aboutir. «C’est quelque chose qui reste très difficile à réaliser. Il y a toujours des résistances et des gens frileux», a-t-il expliqué. Soit. Me Ksentini, qui semble en vouloir à la presse, qu’il a accusée de ne faire que noircir le tableau, a rappelé qu’en 2001, un décret collectif a été pris et a gracié 100 condamnés à mort, parmi eux, a-t-il précisé, trois ou quatre de ses clients. «La presse n’en a pas parlé», a-t-il décoché comme reproche à une presse qu’il ne trouve assurément pas à son goût. «A lire certains journaux, il ne se passe rien de positif dans ce pays.» Me Ksentini a adopté le même ton dépité vis-à-vis des organisations qui estiment que la levée de l’état d’urgence n’a en rien amélioré la situation des libertés. «Les organisations ne devraient pas se comporter comme des agences de notation.»
S. A. I.
