Une centaine de jeunes ont d’abord coupé la route qui longe la voie ferrée à la sortie de la commune de Gué de Constantine.
Il a fallu utiliser la manière forte pour que la brigade antiémeute de la Gendarmerie nationale puisse libérer la voie de circulation.
Les jeunes du quartier «Remli» à Gué de Constantine à Alger sont sortis à leur tour dans la rue, hier, à Alger. Une centaine de jeunes ont d’abord coupé la route qui longe la voie ferrée à la sortie de la commune de Gué de Constantine. Il a fallu utiliser la manière forte pour que la brigade antiémeute de la Gendarmerie nationale puisse libérer la voie de circulation.
Des pneus usagés enflammés et de grosses pierres ont été placés par les émeutiers pour empêcher toute circulation sur cet axe à grande circulation qui mène vers la wilaya de Blida pour «crier leur ras-le-bol» et exiger des pouvoirs publics qu’ils les relogent dans des habitations décentes.
Ce quartier, érigé à quelques mètres de la voie ferrée, est l’un des plus vieux bidonvilles de la capitale datant de quelques années après l’Indépendance. Des centaines de familles s’entassent dans des habitations de fortune, faites de matériaux hétéroclites (tôles ou en plastique dur), achetées chez le droguiste du coin ou ramassées dans des chantiers.
Les plus chanceux ont construit 2 ou 3 pièces en parpaings. Des plaques ondulées en éternit, matière hautement cancérigène, ont été utilisés en guise de toit. « Il chauffe drôlement en été », se plaint une femme, la quarantaine qui dit habiter ce quartier depuis 11 ans avec sa sœur et sa belle sœur dans une seule pièce.
En hiver, c’est le calvaire, se plaint-elle encore. L’eau de pluie pénètre de toutes parts dans la pièce, se plaint-elle toujours et déplore sur le sort des jeunes enfants de son frère qui tombent souvent malades à cause de l’humidité de la pièce qui fait en même temps office de salle à manger et de chambre à coucher.
Elle est terriblement indignée du fait que les élus de la commune n’ont pas estimé nécessaire de les alimenter en énergie électrique et en eau potable. L’eau courante est absente dans toutes les habitations de ce quartier, il n’est donc pas utile de décrire les conditions de vie dans lesquelles évoluent ces parias.
Il n’est pas utile de décrire les flaques d’eau aux relents nauséabonds qui sortent de ces logis en l’absence de tout réseau d’assainissement. «Comment voulez-vous vivre dans ces taudis», geint de son côté B. M. qui dit habiter ce quartier depuis 34 ans. Il est âgé de 72 ans. Il dit qu’il est au «repos», mais ne précise pas s’il est retraité. Il a 9 enfants dont trois garçons mariés, dont il partage la modeste demeure qu’il a construite en parpaings.
Il fait «bourgeois», selon ses voisins qui n’ont pas eu la même chance de réaliser ce «rêve» d’ériger un « F » quelque chose en matériaux durs. Mais notre bonhomme est «perturbé et gêné» par les rats qui pullulent à travers les labyrinthes des étroits dédales du quartier et souvent à l’intérieur des chambres. Il s’indigne qu’au sein d’un quartier de la capitale, il n’y a ni eau courante, ni réseau d’assainissement, ni énergie électrique.
Il chiffre le nombre d’habitants de ce quartier, qui suinte la misère, à 3 mille âmes, logés tous à la même enseigne. B. M. est très remonté contre les autorités communales qui font peu de cas, pour ne pas dire les méprisent, selon lui.
Personne n’est venu les écouter, regrette-t-il, déplorant les heurts qui ont opposé et continuent d’opposer, à l’heure où nous mettons sous presse, les jeunes du quartier aux éléments de la brigade antiémeute de la Gendarmerie nationale.
Des courses poursuites sont parfois engagées au cours desquelles, certains jeunes émeutiers sont cueillis. Certains sont embarqués, alors que d’autres sont relâchés sur le champ. Une bombe lacrymogène tombe au milieu des habitations provoquant la panique, surtout parmi les enfants et les femmes.
Plus de peur que mal pour ces femmes, dont l’une d’elles, après avoir constaté qu’il n’y a pas de dégâts, se lamente sur son sort. Pour elle, ce sont les serpents, qui se baladent dans les taudis, qui lui font peur. Divorcée, 1 enfant, au chômage, elle vit avec sa sœur, elle aussi divorcée avec 5 enfants, mais qui par chance, travaille chez un privé.
Elles vivent dans 2 pièces qui ressemble à celles construites aux alentours. Les taudis sont collés les uns aux autres. Cette promiscuité est porteuse de «tous les dangers», selon une autre femme qui dit «les agressions sont courantes» sur ces lieux.
Les jeunes, selon elle, sous l’effet de drogues, se permettent tous «les dépassements». A l’heure où nous quittons les lieux, une autre bombe lacrymogène s’abat. Une fumée suffocante nous prend à la gorge. Les yeux picotent. Les services de sécurité sont sur leur garde et les jeunes, eux, sont décidés à en découdre. Tel était la situation en fin d’après-midi.
Sadek Belhocine