Le prix du brut dégringole, il est à 55 dollars le baril, ceux des produits de large consommation s’envolent. Il n’empêche, la frénésie des achats demeure constante.
C’est à se demander comment se débrouillent l’ensemble des familles
algériennes pour être au rendez-vous des différentes fêtes comme c’est le cas en ce début d’année 2015: soirée du réveillon, El Mawlid En Nabaoui et, dans quelques jours, le nouvel an berbère (Yennayer). Comment se débrouillent-elles simplement pour subvenir aux besoins les plus élémentaires et faire face aux contraintes, de plus en plus, nombreuses et diversifiées du quotidien? La vie est chère, trop chère, l’austérité dictée par la conjoncture politique s’invite dans les foyers et dans tous les domaines d’activités, mais les Algériens dépensent. Ils dépensent encore et toujours. La nouveauté pour cette année qui concrétise la suppression de l’article 87 bis, confirmée une nouvelle fois par le secrétaire générale de l’Ugta, Sidi Saïd, lors de la tenue du quatrième congrès de l’organisation
syndicale, est aussi le retour du crédit à la consommation. Voilà qui redonne espoir à beaucoup de pouvoir enfin acquérir des

produits et appareils, ceux électroménagers notamment et même un véhicule, grâce au paiement par facilités. Une bénédiction pour les bénéficiaires des logements sociaux et autres qui n’hésiteront pas à se rendre dans les magasins, certainement nombreux, qui proposeront de quoi équiper sa maison, bien et vite. Le SG de l’Ugta a toutefois insisté sur le fait que seuls les produits fabriqués localement seront concernés par cette reprise du crédit à la consommation. Manière d’encourager la production locale, sa
commercialisation et son extension à tous les produits qui deviennent désormais indispensables. Ce n’est pas un problème, soutiennent des familles. «L’essentiel et que ça revienne. Ce qui nous intéresse, c’est surtout l’achat des appareils électroménagers. Nous en avons ici en Algérie, fabriqués en Algérie et ils sont de très bonne qualité. Nous avons l’Eniem, Condor… il ne faut pas sous-estimer ce que font ces entreprises», lance une femme, la
cinquantaine. Un homme, la quarantaine, nouvellement marié, affirme avec le sourire: «Je suis nouveau marié. Comme je fais partie des souscripteurs au programme Aadl 2001, j’espère avoir les clés de mon logement au plus tard à la fin de cette année. D’ores et déjà, je pense à son équipement. J’ai mis de côté la somme nécessaire pour le paiement de la deuxième tranche du logement et je
m’organise pour le reste.» Sa femme, elle aussi salariée, affirme applaudir ce retour du crédit à la consommation: «Bien sûr que c’est une bonne chose. Nous ne pouvons pas payer cash, tout est cher, et une maison, il faut
l’équiper, il faut la meubler». La jeune dame soutient que ce sera bénéfique pour tous: «Tout le monde trouvera son compte surtout avec ces différentes formules d’achat que présentent ces entreprises nationales».
Elle cite, entre autres, Condor qui propose au client d’acheter plusieurs appareils à la fois plutôt que séparément et cela avec des
réductions. C’est toujours un peu d’argent à préserver et à mettre de côté pour d’autres achats, d’autres dépenses. Même pour les véhicules, il y a désormais la voiture Renault made in Algeria. «C’est vrai que c’est toujours interdit ou suspendu pour les autres véhicules, mais je pense que ce sera possible avec la nouvelle voiture Renault. C’est un produit local, il sera forcément dans la liste», dit un autre homme. En plus, poursuit-il, «c’est un véhicule sûr, fabriqué selon les normes internationales».
En effet, la production locale en ce qui concerne particulièrement les appareils électroménagers et désormais la voiture made in Algérie, est assez abondante et proposée à des prix relativement raisonnables par rapport à la qualité. Il n’en demeure pas moins que cette méthode d’acheter par paiement est source de grand stress pour les acquéreurs. «Jamais, je ne referai cette bêtise d’acheter par facilité. Pendant des années, tu es surendetté et non seulement endetté. Tu vas devoir t’interdire d’autres achats pour payer tes dettes. Le malheur, c’est que lorsque tu fais bien ton calcul, tu réaliseras que tu perds beaucoup dans l’affaire», réplique une femme. Celle-ci évoque sa propre expérience datant de 2002: «Il fallait que j’achète un ordinateur. C’était beaucoup plus pour des raisons personnelles. Son prix cash était d’environ 42 000 DA. Je n’avais pas la somme sur moi et je ne pouvais pas l’avoir dans les mois à venir. J’ai donc opté pour l’achat par facilité de paiement. Je me rappelle que je passais chaque mois à la poste pour verser environ 2 400 DA. Je l’ai regretté amèrement. Non seulement, je détestais ce passage obligatoire à la poste, avec les contraintes que l’on connaît, mais son prix, en fin du compte, m’est revenu à plus de 70 000 DA. Depuis, j’ai juré de ne jamais refaire l’achat. Et jamais de prêt bancaire ou autre. J’achète selon mes moyens et je gère mon budget». C’est cela justement le piège: le prix du produit revient beaucoup plus cher que lorsque l’on l’achète cash, ajoutés à cela les contraintes nombreuses devant les guichets de la poste ou de la banque, avec ce que cela implique comme frais supplémentaires (transports et autres). Les citoyens ayant vécu l’expérience pour, entre autres achats, les appareils électroménagers et les véhicules pensent qu’il est plus judicieux pour chacun de faire montre de bonne gestion de son budget. «C’est vrai que c’est une nature en nous de vouloir tout et tout de suite, mais il faut apprendre à changer dans notre propre intérêt. Nous devons être patients, nous satisfaire du peu quand c’est peu, ne pas trop dépenser quand l’abondance est là. Nous peinons pour gagner notre vie, faisons en sorte alors de préserver nos acquis». Par les temps qui courent, ces propos ne doivent pas être pris à la légère. C’est quelque peu contraignant, mais absolument nécessaire pour prévenir les conséquences d’une crise qui ne fait que grandir. Le discours politique a beau être rassurant, la réalité du terrain vient le démentir.
K. M.