Nous avons 40 millions de portables et pourtant, nous sommes tragiquement sous-développés
«Un homme politique pense aux prochaines élections, un homme d’Etat pense aux prochaines générations»
Une fièvre dangereuse s’empare des Algériens à l’approche de l’élection présidentielle Cette année est aussi l’année du soixantième anniversaire de la glorieuse révolution du 1er novembre qui il faut le regretter ne veut pas dire grand-chose pour les jeunes. A tort ou à raison, le débat se focalise sur l’empêchement ou non du président sortant à se porter candidat. On se souvient qu’à Sétif le président Bouteflika dans un aveu honorable avait convenu que la génération de la Révolution avait fait ce qu’elle a pu pendant un cinquantenaire pour diriger le pays mais que le moment est venu de passer le témoin à une autre génération pour une deuxième révolution, soixante ans après la première.
Nous allons montrer que les dangers que court le pays sont réels et que seul un consensus de tous permettra de faire émerger de nouvelles légitimités qui auront le difficile privilège d’amener l’Algérie à bon port, c’est-à-dire à lui donner une visibilité sur le plan international et surtout une «horma» qui ne peut être indexée sur les rodomontades des professionnels de politique mais sur une réelle puissance fruit du travail de la sueur, en un mot de l’intelligence, dans ce XXIe siècle de tous les dangers.
Souvenons-nous que toutes les anciennes frontières vont être redessinées. L’Empire et ses vassaux ne laisseront pas les peuples tranquilles. La crise actuelle que vit le pays est un tournant qui dépasse de loin les convulsions du microcosme politicien, où, pour bon nombre d’entre eux qui font dans l’agitation, on est à se demander quelle est leur valeur ajoutée en dehors de leur capacité de nuisance et de leur poids social réel ou supposé. De ce fait, les Algériens développent une véritable allergie et une réaction de rejet d’autant que pour la plupart sentant le vent tourner, ils vont dans le sens du vent ou au contraire, ils se découvrent sur le tard une âme de démocrate impénitents.
Pour ma part, je voudrai développer mon plaidoyer en tentant de convaincre que nous sommes déjà bons pour la partition 4e mandat ou pas, à moins d’un sursaut trans-partis et surtout de la société civile dont ce qu’elle compte de femmes et d’hommes plus intéressés par le destin du pays que par leur parcours personnel et surtout avec l’implication nécessaire de ceux qui ont déjà donné à ce pays et qui ne peuvent pas rester indifférents au sort qui attend cette Algérie plusieurs fois millénaire qui nous tient tant au coeur
Le poids réel de l’Algérie
Je voudrai de ce fait donner mon avis sur ce que nous pesons réellement sur l’échiquier mondial. Plus personne ne se souvient et certainement pas les jeunes de l’aura de la révolution qui a terni rapidement au fil des années du fait, qu’en définitive, le peuple a changé de tutelle, il est passé du colonialisme à une forme de néocolonialisme endogène.
A l’extérieur, l’Algérie ne pèse pas lourd, c’est tout au plus un marché de 60 milliards de dollars dont il faut s’arracher les faveurs d’une façon ou d’une autre. Il est important de savoir que le monde sera de plus en plus dangereux et l’agressivité des nations sera proportionnelle à leur dépendance aux matières premières au premier rang desquelles il y a le pétrole. Comme toutes les ressources finies, la production de pétrole a commencé et finira à zéro. La seconde guerre du Golfe pourrait un jour s’avérer n’être que la deuxième. Il vient que le début de la pénurie de pétrole induira inévitablement des tensions. Savons-nous que près des deux tiers parmi les Africains n’ont pas accès à l’électricité? D’ici 2030, la demande énergétique mondiale va augmenter. Les scénarii placent la fourchette entre 17 et 15 milliards de tonnes. On dit aussi que 200 à 700 millions de Terriens pourraient souffrir de pénuries alimentaires du fait du changement climatique. Les pénuries d’eau pourraient frapper, elles, entre 1,1 et 3,2 milliards d’êtres humains On prévoit donc à côté des guerres pour l’énergie qui ont commencé avec le millénaire, des guerres de l’eau dans les prochaines années. Le monde est arrivé à un seuil. Ce qui était tenable dans les années 60 atteint ses limites. En 2025, la pression sur les sources d’énergie sera encore plus forte qu’aujourd’hui. La hausse des températures et la baisse de la pluviométrie concerneront surtout les régions arides et semi-arides comme l’Afrique du Nord, l’Afrique et le Moyen-Orient vont demeurer des régions d’instabilité chronique. La pauvreté en Afrique va maintenir la pression migratoire… Nous ne pouvons rien sans avoir une utopie. Nous devons nous garder de nous endormir. La gestion de cette échéance de 2030 se prépare dès à présent. 2030 c’est véritablement une nouvelle civilisation qui va émerger. Veut-on y participer ou faire partie des «laissés-pour-compte» de ce que les spécialistes anglais de la prospective appellent les «zones grises», c’est-à-dire des peuples, voire des peuplades incapables de se gérer, parquées à la lisière du progrès et survivant grâce aux miettes que leur lancent épisodiquement les pays riches?
Que fait-on en Algérie?
L’Algérie importe tout; elle ne produit plus rien, nous consommons chinois, turc, nous habitons dans des maisons fabriquées par des Chinois, des Portugais, nous roulons dans des véhicules (une soixantaine de marques plus ou moins inconnues), nous avons 40 millions de portables et pourtant, nous sommes tragiquement sous-développés. Dans deux ans, à ce rythme de gaspillage, la rente ne suffira pas à nos importations débridées. Il est vrai que l’on nous promet du pétrole et du gaz pour cinquante ans quitte même à démolir Timimoune pour avoir du gaz de schiste au lieu et place de l’eau quantité rare dans le futur. Ce message est dangereux car il remet aux calendes grecques toute remise en ordre et tout réveil de l’Algérien pour qu’il se mette enfin au travail. Du fait de l’absence de politique réelle des transports, les Algériens se rabattent sur l’achat de voitures qui, pour une grande part, dépassent les 120 g de CO2 au km. 3 milliards de dollars de carburants importés, ceci en partie pour alimenter la contrebande aux frontières marocaine et tunisienne. Il est urgent d’agir; cette politique d’assistanat est intenable, nous aurons de moins en moins de ressources et le gaspillage sera de plus en plus important. Pourquoi continuer à pomper frénétiquement une ressource qui appartient aux générations futures.
Notre meilleure banque est notre sous-sol, chaque calorie épargnée par des économies, à faire, par le renouvelable est une calorie pour les générations futures.
Les choix économiques inadaptés ont débouché sur l’économie de rente, la dépendance alimentaire, la vulnérabilité, la volatilité et la dépendance. L’Algérie vit, présentement et pour les quelques prochaines années, un rendez-vous avec son destin. Dit autrement, nous sommes peut-être un pays «conjoncturellement riche» mais misérablement sous-développé. Il serait tragique que l’Algérie soit réduite à un marché de 60 milliards de dollars sans sédimentation de développement. Nous ne préparons pas l’avenir, nous vivions au quotidien pendant que d’autres pays se projettent dans le futur. En 2030, nous connaîtrons des problèmes de sécheresse drastique et notre agriculture au Nord deviendrait une agriculture différente probablement saharienne,. A titre d’exemple, l’énergie, le réchauffement climatique devraient être des axes de recherche majeurs avec de multiples retombées sur le plan des conséquences désastreuses, du point de vue de l’eau, de la disponibilité de l’énergie et de sa variété, de l’agriculture, de la sociologie des populations qui seront déplacées, mais sont superbement ignorés. Un projet structurant, le Barrage vert devrait être réhabilité. «L’avenir ne s’écrit pas dans les richesses du sous-sol mais dans les têtes», pense Jacques Attali. Que sera le monde de 2030 et comment nous y préparer dès maintenant? Quelles sont les chances de l’Algérie d’être toujours l’Algérie à cette échéance? Gouverner dit-on, c’est prévoir, plus que jamais nous devons gérer sous contrainte et profiter de cette accalmie factice de la manne pétrolière pour préparer le monde de demain. Pendant ce temps, la plupart du personnel politique aux antipodes de la réalité du monde, s’écharpe pour des places au soleil.
Les dangers qui guettent l’unité du pays
On annonce çà et là des partitions en cours dans les pays arabes. Nous avons tous en tête la partition de l’Irak en trois régions, la partition du Soudan et le chaos qui s’en est suivi; la guerre civile en Libye qui n’a plus les attributs d’un Etat, le calvaire syrien et dit-on, le projet de partition actuel du Yemen en six régions. Tout ceci est la conséquence de l’incurie arabe qui a donné lieu au Mepi (Middle East Partenaireship Inititiative). S’agissant des nuages qui s’accumulent autour de l’Algérie, les événements de Ghardaïa ne sont pas à minimiser, nous nous souvenons avec douleur de Tiguentourine, nous croyons à tort – le discours dominant et que nous ne sommes pas concernés, que nous avons payé, que le «printemps arabe» pour nous c’était octobre 1988 et que non satisfaits de cela, nous nous sommes étripés à qui mieux mieux, pendant une dizaine d’années sous le regard indifférent de l’Occident qui comptait les points. Deux cent mille morts plus tard, nous en sommes au même point. Nous sommes dans une situation fragile à titre d’exemple, même des pays «bien assis» sont concernés par la redéfinition des frontières qui est à n’en point douter le bréviaire des pays puissants. Méditons sur la partition en à peine une dizaine d’années de l’Irak, de la Libye, du Soudan, du Yemen, voire de la Syrie. Il y a déjà plusieurs mois que les Etats-Unis, après avoir classé l’Algérie comme «pays à risques», ont implanté des installations militaires avec contingents de marines, à la pointe sud de l’Espagne, sans cacher le moins du monde leurs intentions interventionnistes vers le nord de l’Afrique. au vu de l’état de tension régnant dans toute la sous-région, nous sommes fondés à nourrir de grandes inquiétudes.
Qu’est-ce qu’une nation?
Comment, avant toute chose, cimenter la nation algérienne. Cela devrait être de mon point de vue la priorité des priorités qui fera que nous pourrons ou non résister à l’émiettement qui nous guette. Les nations impériales ne laisseront jamais en paix celui qui a 7000 km de frontière, le premier pays d’Afrique dont 90% de la population vit au Nord et qui dispose d’immenses richesses qui, pour son malheur, mal utilisées, ont stérilisé toute création de richesse endogène. La tentative sous Boumediene, aussi discutable soit-elle était à n’en point douter une époque bénie par rapport à l’anomie actuelle qui s’est emparée de chaque Algérien qui passe son temps non pas à travailler mais à comment garder la tête hors de l’eau ayant une confiance toute relative dans ses dirigeants. Ce n’est donc pas de mon point de vue un problème de personne mais un problème de cap, d’une société fascinée par l’avenir qui fait confiance à ses citoyens,qui réveille en chacun d’eux le génie et la création de richesses tout en le protégeant contre les abus par une justice réellement indépendante et la «liberté» d’être libre de ses choix culturels, cultuels à l’ombre des lois de la République fruit d’un consensus du vivre-ensemble dans ce XIe siècle de tous les dangers.
Il nous faut plus que jamais conjurer les démons de la division et aller vers le vivre-ensemble? La nation disait Renan, repose à la fois sur un héritage passé qu’il s’agit d’honorer, et sur la volonté présente de le perpétuer. A titre d’exemple, tous les Mozabites, sans discrimination aucune, sont des Algériens à part entière; ils ont le droit imprescriptible d’y vivre dans la sécurité et la paix, sous la protection de la loi et du droit qui garantissent l’inviolabilité de leur vie et de leurs biens, Il n’y a pas de raison pour que ce qui a été possible pendant des siècles, ne subsiste pas dans l’Algérie devenue indépendante. Le M’zab doit continuer à demeurer l’un de nos meilleurs exemples de la concorde, qui forme le ciment de notre cohésion nationale.
L’écriture de l’Histoire et l’avènement d’un projet de société restent à écrire. C’est dire que nous avons à réhabiliter l’histoire du pays, la faire assumer par tous les Algériens et l’enseigner à l’école en même temps que les fondements du vivre-ensemble. L’Algérie ne s’est jamais posée la question de savoir ce qu’elle est réellement. Sommes-nous une nation? Le jeune Algérien dont la conscience est ouverte à tout vent, du fait d’une éducation désastreuse, s’identifie au gré des vents à son quartier, à sa tribu, à son ethnie, rarement il ne se sent algérien. Sauf dans les épisodes d’euphorie footballistique. Il y a ceux qui sont encore arrimés mentalement à une sphère moyen-orientale au nom d’une arabité de la résurrection (El Baâth), il y a ceux qui pensent qu’il faut en revenir au socle rocheux amazigh maghrébin.
Se battre avec les armes de l’intelligence pour exister
Si on décide de se battre pour exister, il nous faut un cap mobilisateur, le système qui a prévalu depuis l’indépendance,- nous ne sommes pas là pour faire le procès- «concernant le chemin que devrait emprunter l’Algérie pour les années à venir sur plusieurs plans pour asseoir dans les faits cette transition multidimensionnelle nécessaire pour affronter les défis qui seront de plus en plus importants.
Le maître mot est l’effort en tout. La récompense du travail bien fait. Chacun devant être jugé à l’aune de sa valeur ajoutée. L’autre défi est aussi la nécessité de sortir du tout-pétrole en exploitant toutes les opportunités qui commencent d’abord, par une politique d’économie dans tous les domaines C’est aussi la rationalisation de la dépense, l’Etat devant donner l’exemple et être un Etat stratège qui laisse les initiatives s’épanouir en récompensant l’effort et le mérite. Une formation de qualité où il faut être intransigeant sur la qualité des formateurs, est le plus sûr garant d’une défense immunitaire contre l’invasion. Un peuple éduqué n’est pas manipulable. Les possibilités sont immenses, il nous faut mobiliser l’imagination.
Les Algériens veulent la paix et la démocratie et les deux sans violence. Au-delà du bilan des quinze ans, ce qui est indéniable,c’est que la paix aussi fragile soit-elle est revenue, il est vrai que les prémices ont été confortées dans le mandat du précédent président. Ne nous berçons plus d’illusions. Les pays qui resteront faibles n’ont pas d’avenir. Nous nous battons dans des verres d’eau alors que les tsunamis nous guettent.
Reprenons-nous! Sommes-nous guidés uniquement par notre propre intérêt et l’Algérie dans tout çà? Les Algériennes et les Algériens seraient à jamais reconnaissants au président d’avoir eu la noblesse et la sagesse de sortir par le haut en laissant une Algérie en paix avec elle-même. Nous serions les plus heureux des hommes ou des femmes si dans un sursaut patriotique le président sortant décidait de veiller en bon père de famille à remettre el amana entre de bonnes mains ne préparant une succession apaisée où seule l’intelligence, la liberté la justice seraient les maîtres mots d’une future Algérie de nos rêves.
Le citoyen de 2030 vient de naître, laissons-lui la possibilité de se développer harmonieusement. Laissons- lui une Algérie viable du développement durable à l’instar de la Norvège pour ses générations, sortons de cette ébriété énergétique pour aller vers la sobriété en tout. Redécouvrons ce que l’on savait faire, remettons-nous au travail. C’est assurément la seule voie de salut si on veut gouverner avec sagesse ce pays qui a tant besoin de sérénité.