Des femmes cachent leur maladie à leur mari et meurent des suites de graves complications, qui auraient pu être évitées. Tout cela de peur d’être rejetées.
Du jour au lendemain, la femme atteinte de cancer se retrouve à lutter contre l’inconnu. L’annonce de la maladie est un véritable choc pour elle ainsi que pour son entourage, dont le mari. «Ils mettent des gants pour parler de la maladie», comme l’a si bien décrit la psychosénologue, le Dr Hezaimia Akila intervenant lors d’une journée sur «Les droits des femmes atteintes de cancers», tenue par l’association El-Amel du Centre-Pierre-et-Marie-Curie (Cpmc) sous le slogan «Tous pour elle».
L’intervenante a fait un état des lieux des plus désolants sur la situation psychosociale de la femme atteinte de cancer, qui déjà blessée dans sa chair se retrouve blessée dans son âme par des comportements qui devraient être sanctionnés par la loi. «Certaines femmes sont même battues lorsqu’elles tombent malades. Nous faisons de notre mieux pour les soulager, les accompagner et leur faire accepter leur maladie. Mais une fois dans leur milieu, elles rechutent à chaque fois.»
Dr Benoumechiara, spécialiste en cancérologie au Cpmc, s’inquiète de la montée en flèche de l’incidence du cancer du sein, qui a atteint les 9 000 nouveaux cas annuellement, dont la moitié décèdent des suites de leurs lésions à un stade avancé. 95% des femmes atteintes, en effet, viennent consulter dans des stades très tardifs à cause du caractère tabou conféré à cette maladie pour la femme et son entourage. La moyenne d’âge est de 45 ans, «une population très jeune par rapport à d’autres pays où les plus de 70 ans sont celles qui sont en moyenne les plus touchées», estime la spécialiste, qui révèle que le parc de mamographes est insignifiant en comparaison au nombre de plus en plus grand de femmes atteintes d’un cancer du sein. Sans parler de l’insuffisance des compétences dans ce domaine et du manque en techniciens spécialisés. «On déplore l’absence de circuits de prise en charge des lésions dépistées. Même les campagnes de sensibilisation sont timides», ajoute-t-elle.
Sidérée, la spécialiste a cité l’exemple de cette dame d’Alger-centre, âgée de 42 ans, qui avait caché sa maladie par peur de la réaction de son mari, et qui est morte chez elle des suites de graves complications. «Cette mère d’un enfant de 12 ans n’est venue chez nous qu’à un stade très métastasé de sa tumeur». Un autre médecin raconte l’histoire de cette femme, qui à l’entrée du bloc opératoire a carrément essuyé des menaces de divorce, proférées à haute voix par son mari, dans le cas où elle subirait l’ablation d’un sein ou du moindre petit morceau de sein.
Tétanisée, elle n’a eu alors d’autre choix que de suivre son mari à la maison où elle décédera. «Devant la gravité du mal, elles cachent leur maladie, optent pour le marabout ou la voyante et s’accrochent à une chimère, alors que le cancer, lui, est ancré dans leur corps, et se propage», commente l’avocate Maître Benbraham.
Ce sont là les comportements adoptés par des maris inconscients ou probablement totalement ignorants qui mènent leurs femmes qui souffrent déjà, et n’ayant plus aucune chance de rémission, directement à la tombe.
Fort heureusement, ce n’est pas le cas de tous. Une infirmière dans un hôpital du Centre, affirme que certains hommes restent au chevet de leurs femmes jusqu’au terme de leur hospitalisation, sinon jusqu’à leur dernier jour.