La présence importante de la femme dans la future APN confirme-t-elle “l’exception algérienne” ? Faut-il l’analyser comme un signe fort, annonciateur d’un changement progressif mais réel vers le progrès et la démocratie ?
Il est encore trop tôt pour se prononcer là-dessus, mais il semblerait que cette démarche s’inscrive dans le cadre de ce scénario anti-aventurisme et anti-violence, qui anticipe la présidentielle de 2014 et qui prévoit la préparation sans heurts de la succession du président Bouteflika. Mais, d’abord, que révèlent les résultats officiels des législatives du 10 mai dernier ? Ceux-ci montrent la nouveauté (l’unique ?) de la prochaine APN dans le nombre de femmes, qui ont remporté 145 sièges sur les 462, soit un taux de près de 31,4%, contre 31 sièges seulement sur 389 lors des législatives de 2007. Ils dévoilent néanmoins un paradoxe entre l’élargissement de la représentation de la femme au sein de l’Assemblée et l’étendue des abstentions et des bulletins blancs (plus de 67%).
Ainsi, sur près d’un tiers de députés, on compte forcément 68 femmes du FLN, plus de 21 femmes du RND et quelque 15 femmes de l’Alliance verte. Classé au 5e rang après le FFS, le PT, qui a obtenu 20 sièges, attribue la moitié à des femmes, soit 10 sièges. La hausse de la représentativité féminine au Parlement a été rendue possible grâce à la promulgation récente d’une loi obligeant les partis politiques à avoir un taux de 30 à 40% de candidates au sein de leurs listes électorales.
Cette loi, revendiquée par une partie des moudjahidate, cadres, parlementaires et représentantes de la société civile, ouvre la voie à une “mesure transitoire” censée donner une meilleure visibilité des femmes au sein des assemblées élues, tout en corrigeant “une situation d’inégalité de fait”. Malgré ses imperfections, cette loi a été accueillie, par des juristes, comme “une avancée”, surtout qu’elle se fonde sur les conventions internationales (Cedaw et convention des droits politiques des femmes). Il y a quelques mois, la syndicaliste et militante des droits des femmes, Soumia Sahli, avait déclaré à Liberté que “plus les femmes s’affirment en politique, plus les préjugés sexistes reculent et plus les préjugés tout court reculent, plus le patriarcat apparaît pour ce qu’il est avec ses paradoxes”.
Aujourd’hui, grâce à ce texte de loi, nous pouvons nous enorgueillir d’avoir une représentation féminine au Parlement qui dépasse celle de nombreux pays européens (France, Portugal, Autriche, Italie, Bulgarie…), d’être presque au même niveau que l’Allemagne (32,2% de femmes) et d’être loin, bien loin des autres pays arabes. Mais, la comparaison s’arrête là. En effet, il est difficile de savoir, pour le moment, si une APN dominée par les nationalistes-conservateurs et évoluant aux côtés d’un régime qui tarde à se démocratiser, pourra répondre aux attentes et aspirations citoyennes de la population.
À commencer par la levée de ces honteuses différenciations, contenues notamment dans le code de la famille et d’autres textes (sur la succession…), qui font de l’Algérienne une mineure à vie. À présent, les regards sont braqués sur les 145 députées. Nombreux se demandent déjà si elles seront capables ou non de transcender leurs différences politiques et idéologiques, pour se mettre à l’avant-garde du combat contre les discriminations et les violences faites aux femmes, voire d’influer sur le rapport de force au sein de l’hémicycle. Ils se demandent, en outre, si le taux de représentativité féminine à l’APN sera reconduit au sein du futur Exécutif. Sans verser dans le pessimisme ni dans l’optimisme béat, il est bon de rappeler l’avis du sociologue Nacer Djabi : “S’il n’y a pas de conscience politique et de nouvelle culture partisane, les députés (les femmes comprises) risquent de reproduire les mêmes pratiques.”
H. A