Les poubelles sont gavées de… nourriture
«Normal» ou «Maâliche Ramdhan» sont les réponses habituelles pour justifier les mauvais comportements.
Gaspillage, bagarres, flambée des prix, marchés informels, embouteillages, mauvaise humeur, saleté, manque de productivité…sont des comportements inciviques que tout le monde tolère pendant le mois du Ramadhan! «Maâliche Ramdhan» (laisse tomber, c’est le Ramadhan), répond le plus normalement du monde la majorité des citoyens à ces actes d’incivisme. Un petit tour dans les rues et ruelles d’Alger on tombe nez à nez avec eux! On commence par les marchés où on va à la rencontre de la star incontestée du Ramadhan qui est la flambée des prix: fruits, légumes et viandes sont à des prix dépassant tout entendement. La spéculation fait monter ces prix au même rythme que la canicule. Les citoyens sont saignés à blanc par les commerçants qui dictent leur loi.
«C’est ça le Ramadhan»
Tout le monde crie au scandale, peste contre ces augmentations qui surviennent pendant le Ramadhan. Et pourtant, ils se résignent à cette situation. Ils l’acceptent malgré eux. Ils achètent ces produits au double voire au triple de leur prix sans la moindre réaction. Certains vont même jusqu’à s’endetter pour pouvoir se remplir le ventre! Mais que «voulez-vous, c’est ça le Ramadhan», expliquent les citoyens rencontrés dans ces marchés. Autre mauvaise habitude, qu’on constate souvent dans ces espaces: la mauvaise humeur des gens et les bagarres. Une petite bousculade, un petit geste ou une petite phrase et hop c’est la rixe assurée. Les jeûneurs se bagarrent, s’insultent pour des broutilles, mais tout le monde trouve cela «normal». Les accrochages sont devenus une banalité que tout le monde justifie par le… Ramadhan! Autre «délit» caractéristique pendant le Ramadhan et que tout le monde trouve «normal»: le gaspillage. Le jeûne fait que les consommateurs ont les yeux plus «gros» que le ventre. Ils font donc dans la surconsommation et achètent tout, ce qui a comme résultat logique le gaspillage! Les poubelles sont en effet gavées de… nourriture. Vous avez dû le remarquer, les ordures ménagères deviennent pendant le Ramadhan des couffins à provisions! Aucun aliment n’échappe à la poubelle. Le pain reste toutefois, l’aliment le plus gaspillé pendant le Ramadhan.
Acheter pour… jeter
Les foyers achètent toutes sortes de pain, en quantité, qui pourraient nourrir des bataillions, mais malheureusement, la majeure partie de ce pain est finalement jetée à la poubelle. Vous ne pouvez pas échapper à cette image!
Des dizaines de sachets de pains sont empilés devant les bacs à ordures. Une situation des plus désolantes, un produit aussi précieux que le pain qui, en plus, est subventionné par l’État.
Malgré cela, les citoyens semblent s’être habitués à la situation qu’ils répercutent sur le dos du Ramadhan. Autres «coutumes» ramadhanesques qui sont incrustées dans la société et qui, pourtant ne devraient pas exister: le commerce informel.
Les boureks
À chaque coin de rue on trouve des marchands ambulants qui vendent divers produits très sensibles, touchant directement à notre santé, à savoir les produits alimentaires périssables. Bourek, poisson cuit, chorba, pain en tous genres… tout est étalé à même le trottoir.
Toutefois, les stars de ce mois ne sont autres que le kalbelouz, la zlabia et toutes sortes de gâteaux, très prisés après le ftour. Toutes les artères de la capitale fourmillent d’ailleurs, de vendeurs occasionnels de «zlabia et kalbelouz», des confiseries proposées avec un supplément de «mouches ou d’abeilles».
Et quand ils ne sont pas vendus sur les étals clandestins qui squattent les artères de la ville, ce sont les épiciers, les fast-foods, marchands de légumes… qui se mettent de la partie. Ils se transforment, le temps d’un Ramadhan, en confiseurs. Le plus grave, c’est que des gérants de taxiphone, des vulcanisateurs, des cordonniers…enfin, tous ceux qui disposent d’un local, prennent le train en marche.
Là aussi, les conditions d’hygiène sont inexistantes. Mais ce qui représente un danger pour la santé publique, ce sont tous ces produits dits «périssables» qui sont vendus sur la voie publique. «Cherbet», une boisson très sensible et qui devrait être pasteurisée, en est le parfait exemple. Elle est préparée dans des bidons à l’hygiène douteuse, en plus d’être exposée toute la journée sous un soleil de plomb. Cette boisson traditionnelle est vendue dans des sachets de congélation. La chaîne du froid n’est absolument pas respectée. Même les boureks sont vendus dans des conditions similaires. Des jeunes proposent des boureks prêts à être consommés. Ces boureks sont farcis à la viande hachée ou au poisson (des produits très sensibles). Ils sont préparés et vendus sur la chaussée sans le moindre respect des règles élémentaires d’hygiène. Les trottoirs sont écumés par des chouwaï (rôtisseurs) qui proposent des brochettes de viande sans la moindre traçabilité. Tout le monde trouve cela «normal».
Personne ne trouve à redire, la population adhère même en achetant ces produits exposés sur les trottoirs au péril de leur vie. Certains estiment même que c’est cela le charme du Ramadhan!
Pendant le Ramadhan: travail = passe-temps!
Le manque de productivité, l’absentéisme, les retards et surtout l’abandon de son poste de travail avant l’heure sont d’autres fléaux qui semblent être devenus des traditions ramadhanesques.
Le Ramadhan, mois du jeûne, est aussi celui du travail au ralenti. Non seulement les citoyens jeûnent en ce mois, mais c’est également tout le pays à travers ses services, ses institutions et ses entreprises. L’Algérie se met en «mode off» du premier jour du Ramadhan jusqu’à l’Aïd. Le pays marche au ralenti sur les plans économique, social et politique… Même la contestation est à l’arrêt! Le mot d’ordre durant cette période, et que vous devez tous connaître, n’est autre que: «Revenez après l’Aïd sahel (facile)». Cette fâcheuse habitude qu’ont les Algériens à se focaliser sur un événement précis et à tout reporter après celui-ci, met de ce fait, le pays dans une situation embarrassante! On se retrouve à penser à tout, sauf au travail… Et tout le monde trouve cela «normal». Pendant le Ramadhan, on part au boulot pour passer le temps et non pour travailler. Les retombées économiques sur le pays pendant le Ramadhan sont des plus inconfortables. Des usines qui, en temps ordinaire, ne sont pas compétitives sont à l’arrêt et des institutions et administrations suivent le même rythme. C’est un véritable parcours du combattant pour obtenir d’un service public des documents administratifs. Qui est pénalisé en premier lieu? Le citoyen. Et chacun se plaint de l’autre! Bref, personne ne travaille et tout le monde trouve cela «normal».
Les embouteillages et les saletés fait également partie des mauvais usages qui se sont enracinés pendant le Ramadhan, mais qui passent aussi inaperçus par rapport à tous les désagréments
évoqués. La question qui mérite d’être, toutefois, posée est, d’où vient cette attitude? C’est l’État, bien évidemment, avec son laisser-aller qui a encouragé l’anarchie au point qu’elle devient une banalité… Une chose est sûre en tout cas, dans 15 jours ces «mauvaises habitudes» s’en iront, et là on s’apercevra qu’en fait, elles nous manqueront. C’est ça l’habitude! «El welf kif sahel we-l’frak makdert aânou…».