En Tunisie l’instabilité doublée d’une insécurité marque le quotidien
Pour ceux qui ne connaissent pas la signification de la citation grecque «tomber de Charybde en Scylla», l’exemple libyen en est la parfaite illustration.
Deux ans après les «éruptions» populaires qui ont conduit à la chute des dictatures en Tunisie, en Egypte, en Libye et au Yémen, on s’interroge où en sont ces révoltes arabes. Si jusque-là ces révoltes ont déçu les citoyens, elles ont, en revanche, le mérite de fourvoyer le monde, en premier les Occidentaux.
Ces derniers qui, pendant des décennies, ont combattu l’islamisme, ont fini par dérouler le tapis rouge à leurs pires ennemis pour qu’ils accèdent au pouvoir comme ça été le cas en Tunisie, en Egypte et en Libye. A l’an II, ces révoltes semblent plonger dans le vide. En Tunisie l’instabilité doublée d’une insécurité marque le quotidien.
Le chômage et la misère, notamment parmi les jeunes, étaient parmi les principaux facteurs du soulèvement de janvier 2011. Mais la déception a effacé les espoirs. Les tiraillements sociaux se sont multipliés depuis l’été engendrant des scènes de violence. Faute de compromis sur la future Constitution, les investissements se sont ralentis.
De ce fait, le marché de l’emploi se trouve miné plongeant le pays dans une grave situation de chômage. Ajouter à cela, une situation sécuritaire précaire depuis deux ans et une certitude de l’avenir politique du pays. Le gouverneur de la Banque centrale tunisienne, Chedly Ayari, a estimé, hier, qu’à moins d’un «miracle», le mal endémique du chômage va persister en Tunisie, où les conflits sociaux, parfois violents, se multiplient dans le pays, deux ans après la révolution.
Cette insécurité touche les fondements mêmes de la société tunisienne à savoir la destruction ou saccages de mausolées soufis. Ces actes se sont multipliés ces derniers mois en Tunisie. Pas moins de 35 mausolées ont été détruits en huit mois. Dans la nuit de mardi à mercredi, le mausolée ou zaouïa de Sidi Ahmed Ouerfelli à Akouda, à environ 140 km au sud de Tunis, a été incendié à l’aide de cocktails Molotov par des assaillants non identifiés.
La Libye pour laquelle les forces de l’Otan se sont mobilisées et dépensé des centaines de millions de dollars pour appuyer les insurgés a abouti à la plus grande arnaque du XXIe siècle. Pour ceux qui ne connaissent pas la vraie signification de la citation grecque «tomber de Charybde en Scylla», l’exemple libyen en est la parfaite illustration: les Occidentaux ont chassé et assassiné El Gueddafi pour tomber sur des islamistes encore plus tyranniques qui assassinèrent même l’ambassadeur des Etats-Unis, ce qu’El Gueddafi himself aurait hésité à faire. Dans la Libye post-révolution, l’insécurité règne si bien que la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Australie ont appelé cette semaine leurs ressortissants à quitter immédiatement Benghazi, théâtre de violences récurrentes.
Ces pays qui ont assisté et combattu aux côtés des insurgés de Benghazi, redoutent aujourd’hui un risque d’attentats qui viseraient leurs ressortissants. Le pays des pharaons n’est pas, lui aussi, à l’abri des spasmes post-révolution. Des milliers de manifestants protestaient place Tahrir au Caire contre le président islamiste Mohamed Morsi et pour réclamer une «nouvelle révolution», à l’occasion du deuxième anniversaire du soulèvement populaire qui renversa Hosni Moubarak. Des manifestations, des bombes lacrymogènes et des affrontements avec les forces de l’ordre rythment le quotidien des Cairotes. Cette politique est doublée d’une grave crise économique: les investissements étrangers s’effondrent, le tourisme chute, engendrant un grave déficit budgétaire. Aussi bien en Tunisie, en Libye qu’en Egypte, la tentation de l’immobilisme et la peur du changement semblent verrouiller toutes les perspectives.
Une situation qui donne un sérieux coup d’arrêt à la vague des révolutions arabes. On n’évoque plus la contamination, notamment dans les pays d’Afrique du Nord. Peut-être que la tempête est passée vers les monarchies du Golfe.