Pas touche aux réserves de change !Le gouverneurde la Banque d’Algérie, Mohamed Leksaci, n’use pas de telles formules abruptes mais c’est bien ce qui ressort de ses commentaires à l’occasion de la présentation de la note de conjoncture semestrielle.
148,9 milliards de dollars à fin décembre 2009.
Les réserves de change accumulées par le pays représentent trois années d’importations de biens et de services.
Elles sont en hausse d’un petit mois par rapport à 2008 où elles étaient de 35 mois. Les chiffres ont été livrés par le gouverneur de la Banque d’Algérie, Mohamed Leksaci, au cours de la présentation de la note de conjoncture aux Pdg des banques nationales et étrangères en activité en Algérie.
Les réserves de change se composent à 46% en dollars, 42% d’euros et le restant, soit 12%, en d’autres monnaies étrangères.
M. Leksaci qui a relevé que l’Algérie a dégagé un excédent de 520 millions de dollars en 2009 a saisi l’occasion pour se prononcer dans la polémique, vite fermée, suscitée par la mystérieuse intervention de M. Abdelhamid Temmar, ministre de l’Industrie et de la Promotion des investissements, au sujet de l’usage des réserves de change.
M. Temmar avait appelé à un «rapatriement des placements de l’Algérie à l’étranger afin de pouvoir financer les projets industriels en Algérie».
Un rapatriement prendrait la forme d’un renforcement du Fonds national d’investissement. L’argument avancé par le ministre de l’Industrie est que les placements à l’étranger – principalement en bons de Trésor américain ne sont pas rentables et qu’il faut en faire profiter certains créneaux industriels. Il voyait même dans ce rapatriement une justification de la règle des 51% de parts algériennes dans les projets d’investissements en Algérie.
La disponibilité de l’argent devant confiner l’investisseur étranger à l’apport technologique et au management.
LES RÉSERVES ONT PERMIS D’AMORTIR LES CHOCS
Le ministre des Finances, Karim Djoudi, avait répondu que la «gestion des réserves de change repose sur les principes de la sécurité de ces actifs et de leur liquidité» et que des ressources de l’Etat sont déjà mobilisées pour les programmes dépenses publiques pour 2010-2014.
«Les réserves de change sont déjà investies dans la monnaie nationale. Lorsque vous investissez dans un programme public, ceci a un impact sur le mouvement de la croissance économique, sur le mouvement de consommation interne et sur le mouvement des importations», avait estimé le ministre des Finances.
Le gouverneur de la Banque à qui échoit la gestion des réserves estime que l’accumulation des réserves de change a permis de maintenir la stabilité de l’économie algérienne face à la crise et ses conséquences en matière de recettes hydrocarbures qui ont chuté de 42,5% durant l’année 2009.
«L’accumulation des réserves officielles de change par la Banque d’Algérie entre 2004 et 2008 a constitué un important élément de sauvegarde contre les chocs externes (baisses des recettes d’exportation et/ou sorties soudaines de capitaux résultant de la grave crise financière internationale en cours)», a-t-il déclaré.
C’est toujours au regard du «débat» provoqué par M. Temmar que le gouverneur de la Banque d’Algérie explique qu’il y a déjà une utilisation économique nationale des réserves de change.
Ces réserves, a-t-il indiqué, sont des créances sur les pays émetteurs des devises qui «constituent la garantie de toute la masse monétaire (en dinars) dans l’économie nationale, c’est-à-dire en possession des agents économiques (Etat, entreprises et ménages)».
VULNÉRABILITÉ
Une franchise remarquable, estiment les spécialistes. Quand le premier banquier du pays affirme que le dinar dépend des réserves de change, il souligne la vulnérabilité de l’économie et sa totale dépendance à l’égard des recettes pétrolières.
Normalement, une monnaie dépend de la performance économique et des fondamentaux de l’économie à laquelle elle appartient.
Les réserves de change ne devraient être qu’un paramètre parmi d’autres… Mais dans un pays comme l’Algérie, les autres paramètres sont négligeables, et tout dépend des recettes fossiles, même les réserves de change…
Cela d’ailleurs ne fait que conforter le choix d’une gestion prudente des réserves : elles servent bien à amortir des chocs.
Pour M. Leksaci, l’Algérie a fait «un bon usage de ses réserves de change en consacrant une partie au remboursement par anticipation de la dette extérieure entre 2004 et 2006, et ce à la veille de la crise financière internationale».
La résilience de l’économie nationale face à la crise économique mondiale est le résultat d’une «politique financière prudente tant au plan de la balance des paiements et de la dette extérieure qu’au plan des finances internes, et a pu atteindre une croissance hors hydrocarbures proche de deux chiffres en 2009, il est aujourd’hui économiquement intelligible et même impératif d’éviter toute démarche conduisant à une mauvaise allocation des ressources (en dinars et en devises)», a-t-il avisé. En termes simples, il n’est pas judicieux d’injecter encore de l’argent dans une économie à la capacité d’absorption limitée…
M. Saadoune