Elle risque une année de prison : Dalila Touat, double victime du chômage et de l’arbitraire

Elle risque une année de prison : Dalila Touat, double victime du chômage et de l’arbitraire

dalila-touat-dr_435636.jpgC’est un procès inédit. Une femme au chômage poursuivie en justice pour avoir réclamé son droit à un poste de travail. Dalila Touat, 35 ans, diplômée en physique au chômage depuis ses fins d’études universitaires, comparaitra jeudi 28 avril devant le tribunal de Mostaganem, à l’ouest d’Algérie, pour incitation à un rassemblement non armé par le biais de distribution de tracts. Elle risque une peine d’une année de prison

Depuis son arrestation le 16 mars dernier, le cas de cette jeune chômeuse émeut l’opinion publique algérienne et internationale tant et si bien qu’elle est devenue une sorte d’icône sur les réseaux sociaux, notamment sur Facebook.

Des pétitions de soutien en sa faveur sont lancées sur internet alors que de milliers d’Algériens, utilisateurs de Facebook, ont décidé d’utiliser la photo de la jeune femme sur leurs profils.

C’est peu dire que le procès intenté à Dalila Touat est davantage celui de l’incurie et de l’incapacité du gouvernement à résoudre le problème du chômage en Algérie, que celui d’une jeune algérienne « coupable » d’avoir distribué des tracts

Si le cas de Dalila Touat provoque autant de l’empathie qu’un élan de solidarité auprès de ses compatriotes, il ne suscite pas moins l’embarras auprès des autorités algériennes.

C’es que celles-ci voient d’un très mauvais œil la médiatisation de cette affaire au moment même où elles sont confrontées à une contestation sociale sans précédent depuis l’arrivée au pouvoir du président Bouteflika.

Bien que Dalila appréhende son prochain procès, bien qu’elle redoute les conséquences d’une éventuelle condamnation concernant notamment son avenir professionnel, elle dit qu’elle reste et veut rester « une femme debout »

Ses craintes, légitimes du reste, sont telles qu’aujourd’hui cette jeune femme appréhende de s’exprimer dans les médias. De craintes de représailles. De crainte que ses éventuelles déclarations ne puissent aggraver son cas

Au chômage depuis 8 ans. Depuis sa sortie de l’université d’Oran avec un diplôme d’ingénieur en physique, Dalila Touat, issue d’une famille modeste de Mostaganem, à 365 km à l’ouest d’Alger, n’a pas trouvé d’emploi. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé. La jeune femme a tapé à toutes les portes, démarché de nombreuses personnes, envoyé des dizaines de demandes, sans suite.

Au début du mois de février 2011, Dalila décide donc de s’engager au sein du collectif pour la défense des droits des chômeurs.

Elle qui n’a « jamais fait de politique » se retrouve ainsi à battre le pavé pour distribuer des tracts afin de sensibiliser l’opinion autour de ce fléau du chômage qui touche des millions d’Algériens.

Lundi 14 mars, elle est dans les rues de Mostaganem à distribuer ces fameux tracts imprimés par ce collectif des chômeurs. Des policiers des renseignements généraux sont là pour surveiller, épier, noter tous les faits et gestes de Dalila ainsi que des autres animateurs du collectif.

La jeune femme sait qu’elle est filée au train, mais elle ne prête pas attention à ces policiers. A la sureté de police de la wilaya, en revanche, son nom est déjà coché sur la liste des perturbateurs, des agitateurs. Personne à surveiller, personne à interpeller.

Mercredi 16 mars, Dalila Touat se rend au bureau de la poste pour retirer de l’argent pour sa mère. Trois policiers habillés en civil procèdent à son arrestation.

Peu importe si la procédure d’interpellation n’obéit pas aux règles de procédures judiciaires dans la mesure où la jeune femme n’est pas interpellée en flagrant délit de distribution de tracts. Les policiers ont reçu des ordres, ils ont obéit aux instructions.

Là commencent les déboires de Dalila Touat avec les autorités. Placée en garde-à-vue, la jeune femme doit subir de longs interrogatoires.

Au commissariat de police, devant le chef de sureté de la wilaya et ensuite dans le bureau du procureur de la république, elle raconte sa vie de jeune algérienne confrontée au chômage.

Aux uns et autres, elle explique qu’elle ne fait pas de politique, qu’elle est au chômage depuis 8 ans, qu’à 35 ans, elle court encore derrière un travail qui lui permettrait de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille.

Aux uns et autres, elle explique qu’elle ne fait rien d’illégal sauf revendiquer son droit constitutionnel à un travail.

Au policiers, au procureur, elle explique encore que, comme tous ces millions d’Algériens qui sont fatigués de chercher un emploi, elle ne croit plus au discours des officiels.

Elle ne croit pas non plus aux promesses du wali, aux engagements des responsables locaux, aux programmes mis en place par le gouvernement. Aux policiers, elle dit que les crédits à l’emploi sont accordés à la tête du client, que ces crédits sont accordés à ceux qui ont du piston, à ceux qui ont le bras long.

Au terme de deux jours d’interrogatoires, Dalila Touat quitte le commissariat avec une assignation à comparaitre au tribunal pour jeudi 28 avril.

Dalila Touat, chômeuse à longue durée doit désormais s’expliquer devant les juges pourquoi a-t-elle distribué des tracts pour réclamer un emploi.